Les économistes : peut-on leur faire confiance ?

OPINION. Dernière victime en date d'un néolibéralisme dont les ravages sont désormais universels, le Chili se retrouve champion des inégalités dans un continent déjà profondément buriné par des écarts de richesses choquants. Par Michel Santi, économiste(*).
(Crédits : DR)

Le Chili, seule nation d'Amérique Latine admise au sein du club de l'OCDE, il y a peu de temps encore citée en exemple pour sa réussite et son redressement économiques, n'est en fait que la dernière victime en date d'un néolibéralisme dont les ravages sont désormais universels. La déchéance chilienne n'est en effet que le dernier trophée des néolibéraux ayant à leur actif la crise financière des années 2007-2008 que nous subissons toujours par taux d'intérêt négatifs interposés, ou encore l'austérité débilitante imposée en Europe...

Flexibilité du marché du travail

Il avait pourtant bonne presse ce Chili qui, sous l'impulsion du Vatican des ultralibéraux - la Banque Mondiale -, avait activement insufflé une flexibilité à son marché du travail telle que les syndicats du pays - devenus inutiles - avaient subi une érosion fatale de leur capacité cependant bienfaisante de médiation. Sa bonne gouvernance était l'exemple à suivre, et par les autres pays d'Amérique Latine, et par l'Europe de l'Est, et par certaines nations du Sud-Est asiatique, tout comme son système de retraites "à la carte" où chaque citoyen contribuerait à hauteur de ses moyens, et qui placerait son trésor de guerre sur des investissements spéculatifs.

Mis en place par le frère de l'actuel président chilien, par ailleurs membre d'une des familles les plus fortunées du pays, ce système des retraites chiliennes se trouve aujourd'hui en pleine déroute pour verser aux bénéficiaires des allocations de l'ordre de 300 $ par mois, dans un pays où les indices des prix ne sont que légèrement inférieurs à ceux des USA, non sans voir contribué au passage à enrichir toute la caste des opérateurs qui se sont évidemment grassement rémunérés via des frais exorbitants prélevés sur l'épargne des futurs retraités.

Les États gangrenés par la mouvance néolibérale

Le Chili peut donc remercier les économistes néolibéraux car il se retrouve du même coup champion des inégalités dans un continent déjà profondément buriné par des écarts de richesses choquants. Les 5% les plus pauvres au Chili ont ainsi des revenus identiques aux 5% les plus pauvres de Mongolie, alors même que les 2% les plus riches du Chili le sont autant que les 2% les plus fortunés... d'Allemagne ! Ce pays où quasiment tout est privatisé, distribution de l'eau et de l'électricité, retraites aussi incertaines qu'un casino, est - en toute logique - la nation au monde qui abrite le plus grand nombre de milliardaires par rapport au P.I.B., et c'est la nation qui parvient en même temps à assumer l'augmentation du tarif du ticket de métro ayant tout récemment provoqué la colère populaire et des dizaines de morts mitraillés par la police.

Voilà où nous ont donc conduit les économistes de l'orthodoxie, infiltrés désormais partout, qui gangrènent les États comme les organes de réglementation, chantres de la dérégulation, apôtres des réductions massives d'impôts, grands défenseurs de marchés débridés érigés en juges de paix. Grâce à eux, nous évoluons aujourd'hui dans une contradiction suprême où notre monde - bien plus riche que celui des années 1970 - est aussi nettement plus vulnérable aux chocs financiers. Un monde n'hésitant pas à afficher des écarts de richesses intolérables, un monde où les politiques sont subjugués par les économistes et par les financiers, un monde où l'efficacité a étouffé l'équité. L'économie - censée être au service de la prospérité du plus grand nombre - est donc devenu une idéologie manipulée par des ayatollahs.

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(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.

Il vient de publier «Fauteuil 37» préfacé par Edgar Morin

Sa page Facebook et son fil Twitter.

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Commentaires 13
à écrit le 28/10/2019 à 22:07
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Pffff... Le proverbe : nous sommes mieux servi par nous - même .. ( une bonne idée ) Donc ? Comme les fonds sont des fonds sans fonds , peut être qu’il faudrait arrêter «  les intermédiaires «  pour la collecte des fonds mais bon en France c’est râpé...

à écrit le 28/10/2019 à 19:02
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L'obsession des journalistes et des citoyens à propos des inégalités masque le seul vrai problème : L'appauvrissement général de la population mondiale. Appauvrissement causé par la diminution du rapport énergie par habitant, inéluctable à notre époq...

le 29/10/2019 à 16:54
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La population mondiale ne s'est pas appauvrie bien au contraire. Elle n'a jamais cessé de s'enrichir, avec l'aide du progrès scientifique et technique, du fait de la production et des échanges relatifs à tout ce qui est nécessaire à la satisfaction d...

à écrit le 28/10/2019 à 18:03
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Après les innombrables jacqueries et révolutions qu'a connu l'humanité au cours des millénaires, le marxisme a enfanté du communisme, suscité par l’extrême misère d’un prolétariat cristallisé de fraîche date, grossi de millions de serfs vivant un aut...

le 29/10/2019 à 9:43
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Merci pour le sens donné, car il est important d'avoir conscience que lutter contre la pauvreté, n'est pas lutter contre les riches. Si ce n'est le fait qu'il faille un deal permettant comme c'est le cas en ce moment, de transformer la chose qui a te...

à écrit le 28/10/2019 à 16:15
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L'économie c'est la prédiction du futur à partir du passé. Le passé ne se reproduisant jamais de la même manière, les lois qu'on en tirent nous conduisent souvent au passif.

à écrit le 28/10/2019 à 15:35
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Et que dire de l'échec des économistes antilibéraux voire communistes? Il existe un vieil adage lapin qui remonte à la nuit des temps "Seuls les mauvais économistes ont de mauvais outils, et même que tous les économistes ils sont mauvais" L'éco...

à écrit le 28/10/2019 à 14:51
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Il ne me semble pas que la confiance soit le bon mot. Pourquoi? car ils n'ont souvent pas d'anticipation a faire. Du coup, la confiance est surtout dans l'idéologie qu'ils ou elles produisent. Ils commentent plus qu'ils ne prédisent, du coup diffi...

à écrit le 28/10/2019 à 14:15
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Cet article est haineux et ne contient absolument aucun argument... L'auteur se contente de se réjouir un peu bêtement des difficultés rencontrées par le Chili, pays qui a eu la mauvaise idée d'être beaucoup trop "néolibéral" pour lui. Malheureuse...

le 28/10/2019 à 14:56
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@ Hope Bon, on a compris que tout ce qui ressemble à du socialisme, de la social démocratie, c'est pas votre tasse de thé. Vous oubliez un "détail", c'est qu'au cœur du problème, il y a la démocratie et le néolibéralisme, c'est la confiscation de la...

à écrit le 28/10/2019 à 13:38
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Et bien oui, la doctrine neo-liberale qui n'existe pas d'après ses propres adeptes puisque n'étant rien d'autre que l'expression du bon sens , continue de faire des ravages. Il y a bien un moment où à force de deréguler il faudra supprimer également ...

à écrit le 28/10/2019 à 12:03
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"Voilà où nous ont donc conduit les économistes de l'orthodoxie" Nous suivons les règles des américains qui font le jeu mondial et dominent le monde grâce à cela parce que le pire c'est que chez eux ça tient parce que leur puissance politique leu...

à écrit le 28/10/2019 à 11:53
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Le seul rêve qu'apportent "les économistes" pour les plus pauvres: c'est vouloir changer de classe sociale en s'appuyant sur le malheur de ses congénères!

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