Le Grand Paris est-il vraiment sur les rails ?

La Métropole du Grand Paris va être mise en place le 1er janvier 2016. Et si plusieurs projets d'aménagement sont déjà lancés, c'est en revanche beaucoup plus lent pour la gouvernance. Pour cause d'embouteillage... politique !
Mathias Thépot
En huit ans, il aura fallu pas moins de trois lois pour que soient dessinés les contours du futur Grand Paris (loi Grand Paris 2010, loi Maptam 2014 et loi NOTRe 2015).

La Métropole du Grand Paris (MGP) va donc être officiellement créée le 1er janvier 2016. Lancée en 2007 par le président de la République de l'époque, Nicolas Sarkozy, elle doit, d'une part, théoriquement permettre à la capitale française de tenir la dragée haute aux autres grandes métropoles mondiales, au premier rang desquelles sa voisine Londres qui a rencontré un franc succès auprès des acteurs économiques. Et d'autre part, on attend une meilleure homogénéisation dans l'aménagement du territoire francilien afin de limiter les inégalités.

En huit ans, il aura fallu pas moins de trois lois pour que soient dessinés les contours du futur Grand Paris (loi Grand Paris 2010, loi Maptam 2014 et loi NOTRe 2015). Et il faut bien distinguer deux phases : d'abord celle qui a suivi l'adoption de la loi relative au Grand Paris de 2010, et qui a créé une réelle dynamique, enthousiasmant les plus optimistes. Elle a concrètement fixé les bases de la future métropole qui s'appuiera sur 72 gares et la construction de 200 km de métro automatique.

Un nouveau réseau de transports

La Société du Grand Paris (SGP) a ainsi été créée pour mettre en oeuvre le nouveau réseau de transports, le Grand Paris Express : la ligne 14 du métro parisien va être allongée et les lignes 15, 16, 17 et 18 seront créées en petite couronne francilienne. Normalement, d'ici à 2024, toutes ces nouvelles lignes commenceront à être opérationnelles. Sans oublier le projet du « Charles-de-Gaulle Express », justifié par les limites du RER B pour relier Paris à l'aéroport de Roissy-CDG. Au total, de 2015 à 2030, 30 milliards d'euros d'investissements de travaux publics sont prévus, ce qui fait du Grand Paris le plus important projet d'investissement en France à l'heure actuelle.

L'État central souhaite reprendre la main

Pour encadrer le développement territorial engendré par la création des nouvelles gares du Grand Paris Express, il a en outre été mis en place dans le cadre de la loi de 2010 plus d'une vingtaine de contrats de développement territorial (CDT). Ces démarches contractuelles engagent notamment l'État, représenté par le préfet de région, les communes et leurs groupements à lancer des projets d'aménagement et à construire des logements - il a été fixé un objectif ambitieux de construire 70.000 logements par an pour les Franciliens. Plus récemment, le Premier ministre Manuel Valls a voulu aller plus loin dans cette démarche. L'État a ainsi repris la main sur l'aménagement (lire l'article page 5) en lançant les concepts d'opération d'aménagement d'intérêt national (OIN) et de contrat d'intérêt national (CIN) sur le territoire du Grand Paris. Le but avoué du gouvernement est de s'assurer que les futurs projets de la MGP seront bien d'intérêt national. On nage ici en plein paradoxe : alors que la métropolisation des territoires est un phénomène qui ferait presque figure d'un acte III de la décentralisation en France, l'État souhaite à l'inverse reprendre le pouvoir sur l'aménagement de la métropole-capitale !

Le gouvernement a-t-il tort dans cette démarche ? Oui, si l'on estime que le maire est certainement le dernier élu, garant de la démocratie, pour lequel les citoyens font encore montre d'une certaine confiance, ou au moins une certaine estime ; et que le déposséder de ses derniers pouvoirs d'aménageur et de constructeur finirait de décrédibiliser l'acte de voter dans un pays comme la France, qui a cruellement besoin d'un nouveau souffle démocratique.

En revanche, au regard de l'ampleur, notamment, de la crise du logement en Île-de-France, force est de constater qu'un État aménageur pourrait passer outre « les querelles de voisinage » entre des communes qui n'ont pas les mêmes objectifs, par exemple en matière de mixité. Le marasme qui a entouré la détermination du mode de gouvernance de la MGP - deuxième phase de sa mise en oeuvre - donne d'ailleurs raison à l'État. Ainsi, après des discussions interminables, les élus ont finalement abouti à un compromis qui donne davantage l'impression qu'en créant la MGP, on rajoute un échelon de collectivité locale sans lui donner les moyens et les compétences d'avoir une réelle influence.

La MGP, une coquille vide dans un premier temps

La MGP sera en effet une coquille vide dans un premier temps, puisqu'elle ne pourra exercer ses deux principales compétences que sont le logement et l'aménagement... qu'à partir de 2017. En termes de moyens, ce n'est pas plus réjouissant. Il a été assuré aux communes que la mise en place de la métropole se ferait à recettes constantes pour elles. Ce qui veut dire que seul le surplus de certaines recettes d'une année sur l'autre viendra alimenter les caisses de la MGP. La péréquation financière, si tant est qu'il y en ait une un jour, se mettra donc en place très progressivement.

Au final, la métropole sera concrètement gouvernée par un conseil métropolitain de 209 élus désignés par les conseils municipaux, et qui devrait siéger au Conseil économique, social et environnemental (Cese). Les conseillers métropolitains éliront par ailleurs leur président à la majorité absolue. Le périmètre définitif de la MGP est également connu : il sera constitué de 131 communes, dont les 123 communes de la première couronne francilienne, c'est-à-dire les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, ainsi que de la ville de Paris. La métropole exclut donc notamment Roissy, Marne-la-Vallée et Saclay, ce qui n'est pas sans poser la question de la pertinence de son périmètre. Bref, de nombreuses interrogations entourent la création de la MGP. Durant ses premières années d'existence, elle ressemblera davantage à « une métropole de projets » dispersés un peu partout sur le territoire francilien.

Mais « soyons patients » nous disent les plus convaincus, et laissons le temps aux élus de s'organiser pour faire monter en puissance la métropole-capitale. Afin peut-être de toucher au but rêvé du député PS Daniel Goldberg : faire que la MGP permette de « privilégier l'intérêt général sur le repli sur soi par le haut de l'échelle sociale, afin de résorber les inégalités territoriales ». Un idéal qui sera à l'évidence difficile à mettre en oeuvre. Car le risque que le développement des pôles économiques territoriaux au sein de la métropole se fasse au profit des plus riches, sans que les plus modestes ne puissent en bénéficier, reste bien présent.

D'où la nécessité d'une gouvernance forte et consensuelle dans une métropole dotée de moyens puissants. D'autant que, comme le disait déjà en 2013 l'Atelier international du Grand Paris, laisser se développer une « logique multipolaire qui vise à renforcer l'autonomie des territoires vis-à-vis de Paris » risquerait « de produire une juxtaposition de zones d'"entre-soi" ».

Le Grand Paris, une métropole de 6,4 millions d'habitants

Paris intramuros forme un territoire dans ses frontières actuelles. Les 11 autres territoires - d'au moins 300.000 habitants - remplacent les communautés d'agglomération existantes, qui disparaissent. Un décret en conseil d'État les confirmera. Seuls trois territoires franchissent la barre des 500.000 habitants : le T12 (Val-de-Bièvre, Seine-Amont, Grand Orly), qui décroche la palme du territoire le plus peuplé avec quelque 615.000 habitants et 21 communes, le T4 (La Défense), qui rassemble 568.000 habitants et 11 communes, et le T10 (Actep), 503.000 habitants pour 13 communes. À l'inverse, GPSO (T3) avec 312.000 habitants, serait le territoire le moins peuplé.

En moyenne, Paris exceptée, chaque territoire regroupe environ 430.000 habitants et 11,72 communes (129/11). Sans surprise, ces territoires affichent d'importantes disparités de richesse.

Ainsi, par exemple, selon les données Insee/DGF de 2012, le revenu moyen par habitant de GPSO (T3) s'élève à 22.824 euros, contre à peine plus de la moitié, soit 13 268 euros à Grand Paris Est (T9). En revanche, tordant le cou à une idée reçue, les chiffres de l'Insee pour 2012 montrent que les deux territoires possèdent le même nombre de logements sociaux par habitant (33.008 logements sociaux pour 375.816 habitants à Grand Paris Est, soit un logement social pour 11 habitants, 26.700 logements sociaux pour 306.109 habitants à GPSO, soit exactement le même ratio).

Des chiffres qui masquent néanmoins d'amples écarts entre communes. Ainsi, par exemple, au sein de Grand Paris Est, le ratio de logements sociaux par habitant s'élève à un logement social pour 112 habitants à Vaujours, un pour 23 à Pavillons-sous-Bois et à un pour dix habitants à Clichy-sous-Bois.

Mathias Thépot

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