Emploi : mobilisation générale à Lille contre la discrimination

Entreprises, acteurs de la fonction publique et associations d’insertion se sont réunis dans la Métropole européenne de Lille (MEL) sous l’égide du Réseau Alliances, le 19 mai, afin de faire en sorte que la diversité contribue à la croissance économique. Pas évident d'y parvenir.
Le Forum Performance Diversité voulait montrer que manager la diversité améliore la performance et la croissance de l'entreprise.

« La diversité dans l'entreprise, cela rapporte. » L'entrée en matière de Philippe Vasseur, le président du Réseau Alliances, est directe. Plus on intègre les différences, plus on innove et plus on gagne en efficacité économique. A l'occasion de sa 12e édition, le Forum Performance Diversité du Réseau d'Echanges initié par Alliances, le réseau régional d'entreprises expertes en Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), voulait montrer que manager la diversité améliore la performance et la croissance de l'entreprise. Pour marquer la nouvelle implication de la MEL (Métropole européenne de Lille) sur les questions de l'emploi, le forum s'est tenu dans ses locaux. Et pour illustrer l'intérêt économique d'intégrer dans les entreprises et dans la fonction publique davantage de femmes, de personnes handicapées, de seniors et de jeunes issus des quartiers en difficulté, de nombreux intervenants ont fait part de leurs initiatives et des raisons de leur engagement.

Aller au delà de 6 % de travailleurs handicapés sur chaque site d'ici 2018

Pourquoi le groupe Avril, qui emploie 7 000 personnes dans le monde dont près de 3000 à Dunkerque dans son usine Lesieur, s'est-il engagé à employer plus de 6 % de travailleurs handicapés sur chacun de ses sites et à y doubler le nombre d'apprentis à l'horizon de 2018 ? « Parce que si elle veut survivre, l'entreprise ne doit pas travailler en circuit fermé », a indiqué son directeur des ressources humaines, Philippe Lamblin. Et pour appuyer ses dires, il a rappelé la convention de partenariat avec le Premier Ministre Manuel Valls que le groupe Avril vient de signer dans le cadre de la charte « Entreprises & Quartier » axée sur l'emploi des jeunes éloignés du marché du travail.

Mais pour recruter ces jeunes encore faut-il entrer en contact avec eux. Avoir de bonnes intentions ne suffit pas. Les associations comme Mozaïk RH l'ont bien compris. « Nous aidons les entreprises à aller sur un terrain qu'elles ne connaissent pas et avons mis en place 3.000 points de contacts dans les quartiers populaires. Implanté à Paris, Lyon, Toulouse et bientôt à Lille, notre cabinet de recrutement trouve les talents dont elles ont besoin hors des canaux habituels. Depuis notre création en 2008, nous avons placé plus 3.000 jeunes diplômés et profils expérimentés », a raconté Estelle Barthélémy, directrice générale adjointe du cabinet Mozaïk RH. Son association est née du constat que de nombreux jeunes des quartiers populaires se retrouvaient sans emploi alors qu'ils étaient diplômés de l'enseignement supérieur. Une situation terrible non seulement pour eux mais aussi pour les générations suivantes qui ne voient plus l'intérêt de poursuivre leurs études.

La diversité peut aussi être source de conflits à désamorcer

Autre enseignement à tirer de ce forum, l'importance de l'implication de la direction et de l'accompagnement à l'accueil de cette diversité au sein des équipes en place. Jeff Squali, Pdg d'Ecodas, va même plus loin. « Il faut être très vigilent. La diversité est source de conflits. Tout se joue dans les détails. Aucune discrimination, si petite soit elle ne peut être acceptée sur le terrain. Toute blague raciste ou sexiste doit être systématiquement rejetée. Je trouve même qu'il ne faudrait pas parler de jeune issu de l'immigration ou de quartier en difficulté. En entendant cela, les chefs d'entreprise entendent tout de suite que ce jeune peut être délinquant, non fréquentable. »

Installée à Roubaix, la PME Ecodas fabrique des machines de traitement de déchets hospitaliers qu'elle vend dans 73 pays dans le monde. Un tiers de ses effectifs sont des français issus de l'immigration. Jeff Squali ne l'a pas décidé. « Quand je recrute quelqu'un, je m'intéresse à ses compétences. C'est tout. Avoir des personnes qui parlent arabe ou portugais est un atout quand on exporte en Egypte ou au Portugal. »

Et quand, comme ERDF, on compte 2 millions de clients d'origines diverses rien que dans le Nord-Pas-de-Calais, difficile de les adresser sans avoir des équipes également d'origines diverses. Ce qui d'après Sylvie Beugnet, chef du pole emploi compétence et innovation sociale à la direction régionale d'ERDF, a nécessité une formation à la diversité de tous les managers de proximité.

"Quelle est la plus-value à n'embaucher que des hommes ?"

« Ils étaient dubitatifs. Aujourd'hui, ils plébiscitent le dispositif que nous avons mis en place. En 2012, nous avions 18 % de femmes dans nos effectifs. En 2016, ce pourcentage est monté à 20,4 %. Et environ 80 % de nos recrutements de femmes le sont dans des métiers techniques. Avec l'aide du Greta et de Corif, nous avons également intégré et participé à la formation d'une quarantaine de personnes n'ayant aucune compétence dans le domaine de l'électricité. »

Spécialisée dans le conseil pour l'égalité femmes-hommes, l'association lilloise Corif accompagne les entreprises à revoir leur processus de recrutement et à mettre en place des actions pour faciliter l'intégration des femmes dans des métiers où elles sont peu présentes.

« Et plutôt que de chercher à montrer qu'elle est la plus-value d'embaucher des femmes, je demande 'qu'elle est la plus-value à ne prendre que des hommes?' », a ironisé Maleka Delmi, consultante égalité professionnelle à Corif.

Mais faire le pari de la diversité peut parfois poser problème. Jérémy Cousin, président du directoire de CIV, une entreprise du Nord spécialisée dans les équipements techniques des salles informatiques, s'en est plaint en interpellant Sophie Elizéon, préfète déléguée pour l'égalité des chances et la lutte contre les discriminations auprès du préfet du nord.

L'Etat, mauvais élève en matière de diversité

« Nous vendons des contrats de maintenance et assurons un service 24 heures sur 24. Pour cela nous avons besoin de techniciens compétents sur qui nous pouvons compter. Nous avons dans nos équipes un Marocain, un Algérien, un Tunisien et un Cambodgien. Ils sont en règle. Ils ont un permis de séjour et sont enregistrés à l'Urssaf. Ils sont de très bons éléments. Pourtant un acteur de la fonction publique basé à Lille a refusé qu'ils interviennent sur son site. Nous avons du résilier le contrat que nous avions avec lui. Les pouvoirs publics incitent les entreprises à s'engager dans la diversité et c'est eux qui la brident. »

Ce qui revient à restreindre le champ de la diversité aux seuls tenants de la carte d'identité française. Un concept sans doute difficile à comprendre pour les nombreuses entreprises dont le terrain de jeu est mondial.

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Commentaire 1
à écrit le 25/05/2016 à 10:55
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"qu'elle est la plus-value à ne prendre que des hommes?" Pas de risque de vacance pour cause de congé maternité, ou de moindre implication pour assurer l'équilibre familiale (aka je dois rentrer plus tôt pour m'occuper de mon chiard et c'est à l'ent...

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