Vorace en énergie, Le Puy du Fou part à la conquête de sa transition écologique et des économies

Alors que l’environnement devient un critère de choix pour de nombreux touristes, en Vendée, le parc de loisirs du Puy du Fou entend faire valoir ses atouts écologiques. Certifié par deux labels environnementaux, il vient de créer un pôle RSE pour formaliser, hiérarchiser, dupliquer et faire connaitre ses actions auprès de ses 2,3 millions de visiteurs et des entreprises, dont les véhicules affectent son bilan carbone.
Avec 25 kilomètres de sentiers à travers une forêt de 150 hectares composée de 150 espèces d’arbres, et plus de 5500 variétés de plantes… entretenus par 45 jardiniers, le Puy du Fou entend surfer sur l’envie de nature des Français.
Avec 25 kilomètres de sentiers à travers une forêt de 150 hectares composée de 150 espèces d’arbres, et plus de 5500 variétés de plantes… entretenus par 45 jardiniers, le Puy du Fou entend surfer sur l’envie de nature des Français. (Crédits : Stéphane Audran)

Une fois n'est pas coutume, c'est sur l'envers du décor que le parc de loisirs du Puy du Fou, en Vendée, compte capitaliser. « Nous nous sommes rendus compte que les visiteurs recherchent des destinations en lien avec la nature, que le Puy du Fou offre tout cela, et que nous sommes plutôt avant-gardistes sur certains aspects... », explique Sabine Renou, chargée de projets développement durable, au sein du pôle RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), créé cette année. Avec un objectif : bâtir une véritable stratégie face aux enjeux environnementaux et de RSE. « Nous ne partons pas d'une feuille blanche, mais jusqu'ici, c'étaient les équipes sur le terrain qui, comme de mini entreprises, étaient à l'initiative de projets... » Comme avec l'Académie de fauconnerie qui faisait le suivi de la biodiversité ou le service Paysages & Jardins qui a planté un hectare d'arbres sans que le Parc en ait pleinement conscience.

« Ce que l'on veut maintenant c'est hiérarchiser et formaliser les actions sur la gestion de l'eau, la mobilité, les transitions énergétiques, la pollution... de manière à pouvoir exporter ces savoir-faire quand nous nous implantons à l'étranger», dit-elle, consciente du chemin à parcourir sur un site où l'empreinte carbone mesurée en 2019 laissait apparaitre des scopes 1 et 2, « plutôt vertueux », et un scope 3, « carrément plombant ».

C'est l'automobile des visiteurs du parc qui est montrée du doigt. Malgré la mise en place de navettes entre les gares SNCF de Nantes et d'Angers, le déploiement de quatre petits trains électriques intramuros, le Puy du Fou reste pour beaucoup un point de passage sur le chemin des vacances. Seul le déploiement d'une application de covoiturage proposée  en avril dernier, aux 2.500 employés donne des résultats encourageants avec 3.608 trajets réalisés. « Au point que l'on réfléchit à une solution pour les visiteurs », reconnaît Sabine Renou, tout en misant sur l'éducation par « une sensibilisation douce.»

Un réseau hydrologique pointu

Equivalent à une ville de 2.000 habitants, fréquenté chaque année par 2,3 millions de visiteurs, la parc certifié Eco Green Globe, depuis 2012, et Divertissement Durable en 2020 ne part, pourtant, pas de rien. Label généraliste, décerné chaque année, Eco Green Globe valide quelque trois-cent-quatre-vingt critères environnementaux. « A l'époque, c'était le seul label international. Il avait pignon sur rue, était reconnu à l'étranger et permettait de balayer tous les sujets. Ensuite, on a voulu quelque chose qui nous soit plus propre alors nous nous sommes rapprochés du Syndicat  National des Espaces de Loisirs, d'Attractions et Culturels (SNELAC) », précise Sabine Renou. Ce nouveau label - Divertissement Durable- a d'ores et déjà permis de faire émerger quelques points de vigilance à améliorer : comme l'écoconstruction, les achats, la mobilité, la formation, la communication auprès des visiteurs... et toujours les économies d'énergies et d'eau. « Les premiers gestes environnementaux datent d'il y a quarante ans », rappelle Damien Botton, directeur technique du Puy du Fou, construit en 1977 sur le point haut d'une colline et d'une arête granitique, dépourvu de source et de cours d'eau. « Alors, nous avons acheté et rerouté des étangs et des bassins agricoles inutilisées et construit un réseau hydrologique assez pointu que nous continuons d'étendre pour récupérer les eaux de pluie et retraiter les eaux usées», explique-t-il. Alimentés par les eaux fluviales et de ruissellement , sept bassins de rétention permettent de stocker 93.000 m3 d'eau. Dès les années quatre-vingt-dix, une station d'épuration a été bâtie. Pour la cinquième fois, deux millions d'euros ont été investis en 2020 pour la moderniser et passer d'une capacité de 4.100 à 7.700 habitants. De quoi tenir tout l'été en cas de sécheresse, d'être en mesure de contenir des niveaux de pluviométrie importants lors d'abondantes pluies d'orages et d'alimenter les besoins du parc et de la Cynescénie où, chaque semaine, spectacles et effets spéciaux consomment près de 2.300 m3 et l'irrigation des parcs et jardin nécessite 850 m3.

Le dilemme de l'énergie verte

Pour le directeur technique du parc, l'autre point de vigilance, c'est l'énergie où les productions renouvelables pointent le bout de leur nez. « Jusqu'ici, nous sommes restés sur les contrats historiques et avons plutôt opté pour une gestion raisonnée de nos consommations avec, depuis 1995, l'installation d'une soixantaine de stations de gestion technique des bâtiments (GTB) ». Associées à un horodatage précis et des sondes de luminosité, elles pilotent les installations électriques. Des capteurs,  des anémomètres, des sondes optimisent l'éclairage des parkings, la brumisation, les chauffe-eaux, la climatisation, les cascades, les jets d'eau... « Et jusqu'à présent , les prélèvements fiscaux pour la Contribution au Service Public de L'Electricité (CSPE)  participait largement à financer la part des investissements pour l'énergie verte dans le pays », estime Damien Botton, fervent supporter de l'énergie nucléaire qui, face à la flambée des coûts de l'énergie, réfléchit néanmoins l'introduction de photovoltaïque sur le parc.

« Le dilemme avec l'énergie verte c'est que faute de pouvoir la stocker, il faut la consommer immédiatement ou la revendre. Or, nos installations actuelles ne nous permettent pas de réinjecter cette production pour de l'autoconsommation », constate-t-il, étudiant un projet de boucle privée avec le concours du Syndicat Départemental d'Energie et d'équipement de la Vendée (SYDEV) et de la société Vendée Energie.

« Plusieurs schémas d'investissements peuvent être imaginés mais il faut être vigilant au retour sur investissement », dit-il, en veille sur l'hydrogène vert, produit par le voisin Lhyfe et dont les capacités ouvrent selon lui, d'intéressantes perspectives de stockage et d'utilisation pour des flottes de véhicules ou de bus...

trains electriques

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Quatre petits trains électriques sillonnent le parc

D'ores et déjà, deux projets de panneaux photovoltaïques sont dans les cartons ; l'un en vue d'équiper les toitures des écuries du stadium Gallo-romain construit en 2001, l'autre pour recouvrir l'ensemble des ombrières des parkings où ont récemment été installés un transformateur et une trentaine de bornes de recharges électriques. Au total, l'investissement porterait sur dix millions d'euros. Susceptible d'être utilisé pour 80% des besoins d'énergie dormants ou résiduels, le photovoltaïque pourrait couvrir 10% de la puissance électrique nécessaire aux frigos, chambres froides, etc. « Il y a une vraie productivité à trouver avec le soleil, notamment pour l'activité blanchisserie qui fonctionne au gaz, choisi pour son rendement mais dont les coûts ont grimpé de 30% », s'inquiète Damien Botton.

Après avoir investi des centaines de milliers d'euros dans les stations GTB pour le contrôle, le parc veut maintenant entrer dans une phase d'optimisation de ces équipements. « Nous devons aller chercher des KW d'économies sur le site pendant l'hiver, là où les prix sont les plus chers », admet le directeur technique du parc qui voudrait abaisser sa consommation de 1.000 mégawatts, soit gagner quelque 150.000 à 200.000 euros sur une facture annuelle de 1,5 million. Sur l'eau déjà, la recherche de fuites a permis d'économiser 10%.

Parmi les nombreux chantiers identifiés par la RSE, le parc reconnaît qu'il devra s'atteler à la rénovation énergétique des 70.000 m² de bâtiments construits depuis 1978, loin des normes RT 2012 et RE2020.  A l'instar de certains restaurants conçus pour ne fonctionner que l'hiver et qui n'ont pas été isolés à l'époque. A l'image des circuits courts déployés dans la restauration depuis quatre ans, le choix des entreprises, artisans et des matériaux sera autant que possible sourcés en local. « On va privilégier les gens engagés dans des démarches RSE et c'est d'ailleurs un des critères demandés par des entreprises souhaitant utiliser nos équipements », observe Sabine Renou.

le carré maraicher puy du Fou

Le carré maraicher a produit 4,6 tonnes de fraises depuis 2018

Vers du circuit-court 100% vendéen

A la Puyfolaise de restauration, société concédée à Compass Group, qui pilote les vingt-six restaurants dont neuf points de vente à emporter, le challenge est d'être au niveau d'un lieu devenu numéro 2 mondial dans le classement Travelers' Choice « Best of the Best » de Tripadvisor et numéro un des parcs à thèmes préférés des Français. « Je ne veux pas que la pause restauration soit une pause dans l'immersion du visiteur au Puy du Fou. Nous devons nous aussi raconter des histoires, en parlant de recettes ancestrales, de tel produit local, issu de tel ou tel univers  », reconnaît Romain Burkli, directeur de la Puyfolaise de restauration (500 à 600 personnes) et ex-dirigeant de l'Accor Arena à Paris. Et si la période Covid a fortement complexifié la gestion des volumes et le positionnement des produits, « les aléas de la crise sanitaire nous ont recentré sur nos besoins de proximité et les relations avec les fournisseurs », observe le directeur de la restauration qui sert en moyenne 20.000 repas par jour, dont 50% est consommé en vente à emporter.

L'approvisionnement en circuit-court a été mis en place il y a quatre ans. Des partenariats voire des co-investissements ont été mis en œuvre avec des fournisseurs afin qu'ils soient en mesure de répondre aux besoins d'un parc. Aujourd'hui, 70% des fournisseurs se situeraient à moins de 100 km et 50% seraient vendéens. Avec parfois une logistique partagée : L'aller pour le client, le retour pour le parc. Des accords ont été passés avec la coopérative des Epesses (85) pour fournir l'ensemble des pommes de terre nécessaires à la fameuse « saucisse-purée », plat phare du buffet Grand siècle, dont la saucisse provient d'un producteur de Saint-Malo du Bois (85).

Même logique avec la Laiterie de Montaigu ou la Ferme du Terrier à Bazoges en pailler pour fournir des yaourts, du lait, du beurre... Pour la viande, un éleveur est installé sur place, dont vingt-six à vingt-huit bêtes sont chaque année abattues et découpées aux Herbiers (85) avant de revenir dans les assiettes des vingt-six points de restauration. « Il faut être en capacité de tout passer sans quoi l'équilibre économique ne tient pas.  Le challenge est d'avoir demain des approvisionnements 100% vendéens, avec des fermes situées dans un rayon de 20 km. Et on y est presque... », assure Romain Burkli, dont la carré maraicher, créé sur place par le Pôle Nature, Paysages et Jardins a permis l'an dernier de récolter 3,5 tonnes de fruits et légumes, dont 1,7 tonne de fraises. « Et là, on est dans l'ultra-frais », dit-il.

En moyenne, l'activité restauration génère un tiers (341 tonnes) des 964 tonnes de déchets produits sur le Parc du Puy du Fou, qui trie et valorise 86% (57% pour la seule restauration) de ceux-ci. « Même si tous les contenants sont compostables ou recyclables et que l'on multiplie les poubelles, la signalétique et les incitations, il y a encore beaucoup de sensibilisation à faire. On répond à la législation, mais on voudrait aller plus loin, par exemple, en recyclant le tissu des habits des comédiens et des agents d'accueil pour en faire de l'isolant pour les bâtiments... », réfléchit l'actrice de la RSE.

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