CEA Tech enfonce sa brique dans les Pays de la Loire

Quatre ans après son implantation, le centre de recherche et de transfert de technologies CEA Tech Pays de la Loire et la région inaugurent officiellement l'antenne ligérienne voulue pour accélérer l'innovation dans les entreprises du territoire où soixante-quinze contrats de partenariats ont été conclus. Un temps long voulu pour ausculter et analyser les spécificités locales.

Venus en Pays de la Loire il y a quatre ans, les experts du transfert de technologies de CEA Tech ont d'abord dû maitriser un outil basique : le bâton de pèlerin.

« Quand on est arrivé avec l'étiquette Commissariat à l'Énergie Atomique, les yeux s'écarquillaient, et les gens se demandaient bien ce qu'on pouvait leur apporter... Si à Cadarache, Grenoble ou Saclay en Ile de France, nous sommes aussi connus que l'institut scientifique et technique Fraunhofer en Allemagne, ici, en revanche, nous étions confrontés à une méconnaissance forte. Alors, nous avons dû frapper aux portes, expliquer, participer à des conférences, construire notre image...», reconnait Matthieu Guesné, directeur de l'antenne Pays de Loire.

Celui-ci a rejoint en janvier 2013, le Technocampus Océan, plateforme de recherche et de R&D mutualisée pour les filières navale et EMR (Énergie Marine Renouvelable) à Bouguenais, à la périphérie nantaise où sont regroupés ALSTOM, Dassault Systemes, Naval group, l'École Centrale de Nantes, l'École Nationale Supérieure Maritime, Hydrocéan, l'ICAM, l'IRT Jules Verne, le pôle de compétitivité EMC2, le chantier naval STX France, l'Université de Nantes... et CEA Tech Pays de la Loire.

Une intervention active de la région

Pour ce dernier, c'est l'une des six implantations régionales voulues en 2013 par le gouvernement qui a confié au CEA la mission de déployer son modèle sur les territoires pour accélérer l'innovation dans l'industrie. Dans un une, située en queue de classement pour la R&D et le dépôt de brevets (425 en 2014), le socialiste Jacques Auxiette saisit l'opportunité. D'emblée, la région des Pays de la Loire soutient l'opération à hauteur de 650.000 euros. Quatre ans plus tard, la collectivité n'a pas molli et c'est au tour du LR Bruno Retailleau, devenu Président de la région, d'inaugurer officiellement cette arrivée.

« Il a fallu prendre le temps de se faire connaître et d'appréhender les spécificités du territoire et les attentes des entreprises. Il ne s'agit pas de pousser une techno, mais de s'adapter au tissu industriel. Un tiers de l'effectif s'est attelé à analyser et traduire ses besoins », explique Matthieu Guesné.

Des besoins traduits à travers trois plateformes dédiées à la navale et aux EMR, à l'aéronautique et à l'agroalimentaire pour répondre aux enjeux régionaux.

L'une est tournée vers la robotique collaborative utilisée pour une assistance aux gestes des opérateurs dans l'industrie pour limiter, par exemple, les TMS (troubles musculosquelettiques). L'autre, centrée sur la Tomographie X robotisée, c'est-à-dire l'analyse non destructive de pièces de grandes dimensions pouvant atteindre 6 à 8 mètres pour en révéler d'éventuels défauts. La dernière, enfin, destinée à étudier le vieillissement, le prototypage et l'intégration en réseau des systèmes énergétiques marins pour en déterminer les contraintes dans l'environnement.

Inédit en Europe, cet ensemble déployé sur 2.200 m2, a été fortement soutenu par la région qui a investi 7,5 millions d'euros pour l'aménagement des trois plateformes. À travers les programmes engagées avec les structures académiques pour le développement de briques technologiques, le financement de thèses, de post-doc, d'équipements structurants et de démonstrateurs, l'intervention régionale s'élève, à ce jour, à 18 millions d'euros.

Des coûts de R&D optimisés

 « La mise à disposition des moyens d'essais mutualisés est l'un des intérêts de cette l'antenne régionale », reconnait Patrick Pirrat, directeur des développements régionaux chez STX France.

« Car, au-delà de la construction navale, STX est très focalisés sur les EMR. C'est très important de disposer sur son territoire de véritables démonstrateurs. D'une part, ça limite les coûts de recherche, mais ça créé aussi une émulation entre les compétences et les chercheurs », observe l'expert industriel par ailleurs présent au conseil d'administration de l'IRT Jules Verne et du pôle EMC2.

Rien à voir avec un mille feuilles à ses yeux. « On peut toujours redouter une ambiguïté ou un conflit d'intérêt. Mais un industriel ne peut pas se satisfaire uniquement de l'IRT Jules Vernes. Nous sommes attentifs à diverses technologies. Certaines thématiques, comme les systèmes d'informations, ne sont pas couvertes. CEA Tech vient en complément des structures existantes », estime-t-il.

Pour lui, « l'intérêt premier de l'implantation de CEA Tech, c'est de pouvoir engager une collaboration dans la durée, explique Patrick Pirrat. Notre organisation nous conduit à avoir une veille permanente sur l'innovation. Nous sommes évidemment très présents dans l'écosystème industriel régional, mais jusque-là, nous avions des relations très fragmentées avec CEA Tech. Souvent au coup par coup, par l'intermédiaire de laboratoires de recherche. »

Des collaborations dans la durée rendue possibles

Cette fois, la relation est allée beaucoup plus loin. Avec un engagement sur un programme de recherche pluriannuel de cinq ans où STX a mis plusieurs centaines de milliers d'euros sur la table. Un investissement en contrepartie des compétences, des équipements et brevets mis à disposition par CEA Tech.

« C'est notre principe de fonctionnement », précise Matthieu Guesné. « Pour le contrôle non destructif dans le cadre du manufacturing avancé par exemple, les technologies déployées sont sous-tendues par 130 brevets, qui ont nécessité des investissements lourds. Pour les travaux sur les systèmes énergétiques, ce sont 200 brevets et une équipe de 200 personnes de CEA en appui qui peuvent être sollicitées à la demande. »

Concrètement, les deux parties se sont mises d'accord sur un programme d'investigation autour d'une douzaine de thématiques.

« Pour lesquels on a établi une fiche d'évaluation des technologies potentielles. Dans des domaines très variés, mais plutôt sur des niches technologiques concernant le contrôle non destructif, la réalité augmentée, la connectivité, les systèmes d'information, la déformation des navires... bref des technos qui aient un sens et... une réalité industrielle. C'est là que tout se complique, il est difficile de savoir combien une technologie va rapporter », indique Patrick Pirrat.

Les recherches menées dans la cobotique, -l'assistance des robots- ont, par exemple, été suspendues, faute de trouver une rentabilité cohérente avec la situation industrielle du moment.

« Et là, c'est tout l'intérêt d'une relation forte entre constructeurs et chercheurs où l'on ne va pas développer un sujet pendant 3 ou 5 ans si l'on sent que ça ne sert à rien d'aller plus loin. En revanche, ça permet de clarifier des stratégies, de lever des options sur des process. On prend conscience que des technos ne sont pas pour nous ou on identifie qu'elles ne sont pas accessibles. Ça permet de se recentrer sur nos priorités. »

L'innovation pour pénétrer le marché de l'aéronautique

Présent auprès des grands groupes, des ETI, des PME et TPE, CEA Tech, dont l'équipe est passée de 5 à 40 personnes aujourd'hui, est allée à la rencontre de 350 entreprises pour expliquer comment la structure pouvait les accompagner dans l'accélération vers l'innovation. De fait, soixante-quinze contrats de partenariats industriels (Valeo, Bénéteau, Diana Food, Lemer Pax, Holvia Porc...) ont été signées, dont 83% auprès de PME (48%) et d'ETI (35%).  Ce qui représente 34 millions d'euros de programmes de recherche.

« Signe d'une véritable appétence pour l'innovation », souligne Matthieu Guesné.

A l'instar de la Pme vendéenne SMTC (150 personnes C.A 26 millions€), fabricant de matériaux composites pour le ferroviaire (Bombardier, Hitachi, Siemens, SNCF...), qui cherche à pénétrer le marché de l'aéronautique.

« Nous sommes spécialisés dans l'aménagement intérieur de moyens de transport de masse. Depuis trois ans, nous cherchons à mettre au point une technologie de rupture pour proposer au secteur de l'aéronautique un matériau plus léger, moins coûteux et recyclable », explique Christophe Jerry, directeur général de SMTC.

 Pour la mise au point du process de fabrication, l'entreprise buttait sur un problème d'énergie.

Des solutions différentes à choisir

« Nous avions besoin de puissances très importantes pour monter et descendre en température très rapidement... Par le réseau EMC2, j'ai eu connaissance de CEA Tech. Ils venaient d'arriver à Nantes. Je me suis dit, l'énergie c'est un truc pour eux, et suis allé les rencontrer », explique le chef d'entreprise.

« J'ai longuement détaillé le process, nos attentes, les économies souhaitées, etc. Nos échanges ont duré un an pour bâtir un cahier des charges. Et puis, ils nous ont proposé trois ou quatre solutions différentes. Avec des choix technologiques et budgétaires pour réaliser et mettre au point un outil industriel. Ils nous ont fournis une matrice d'aide à la décision. Sont allés jusqu'à préconiser des fournisseurs, ont respecté les livrables, ont assuré la mise au point et même le SAV », précise Christophe Jerry, dont l'investissement en R&D atteint 3 à 4 millions d'euros.

Le prix à payer pour prendre pied sur le marché des longs courriers où SMTC, intégré en mai dernier au groupe Finaero, pourrait réaliser des portes bagages, des coques de siège pour les premières classes, du mobilier, les toilettes, des cloisons...  Dont le poids et le coût auraient baissé de 20%. De quoi devenir compétitif.

Au regard des contrats de partenariat qui s'étalent sur 12 à 36 mois, CEA Tech Pays de la Loire n'a pour l'instant pas évalué l'influence de ses interventions en emploi pur et dur ou en nombre de brevets en cours de dépôts, préférant observer, dans l'immédiat, les gains de compétitivité acquis par les entreprises. Une attractivité indéniable si l'on en juge par les 300 candidatures reçues par Matthieu Guesné pour chaque création de poste en Pays de la Loire.

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Commentaire 1
à écrit le 30/07/2017 à 9:00
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"Commissariat à l'Énergie Atomique" et aux énergies alternatives (depuis Mr Fillon Premier Ministre, Journal Officiel) "Dans un une, ....., le socialiste Jacques Auxiette saisit l'opportunité." manque pas un mot ? Ou deux, trois ? Un une quoi ?

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