Vivendi accélère le tempo des propositions de mariage avec SFR

La maison-mère attend les premières offres de Numericable et de Bouygues mais se laisse jusqu'à la fin mars pour décider. Le "câblo" proposerait 11 milliards d'euros en cash.
Delphine Cuny
« SFR est tellement gros dans le mobile qu’il peut difficilement fusionner avec un autre opérateur, sans de lourdes contreparties » relève un dirigeant du secteur.

Fini de tergiverser. Vivendi a donné jusqu'à mercredi 20h aux parties intéressées par un mariage avec SFR pour soumettre des offres préliminaires, comme l'a révélé « Le Monde ». Mais « Vivendi va prendre son temps pour étudier les éventuelles offres. Il y aura des allers-retours. Si quelqu'un se manifeste lundi prochain, il ne sera pas trop tard !», précise une source bien au fait des discussions, qui ajoute : « La date importante c'est fin mars, début avril. Il faudra que le conseil de surveillance tranche entre la poursuite du projet de scission de SFR [par introduction en Bourse NDLR] ou une fusion » de l'opérateur avec un autre acteur. Pour l'instant, Numericable semble tenir la corde : c'est son actionnaire Altice, le holding de Patrick Drahi, qui a lancé les hostilités, la première fois il y a dix-huit mois puis le mois dernier. Il préparerait une offre de 15 milliards d'euros, dont 11 milliards en cash, selon Les Echos. Martin Bouygues ne dément pas étudier une contre-offre et il est allé lui-même défendre le projet d'un rapprochement de SFR et Bouygues Telecom auprès de François Hollande. Patrick Drahi aussi a été reçu à l'Elysée, après avoir rencontré Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin il y a dix jours.

SFR trop gros dans le mobile pour fusionner avec Bouygues ou Free ?

En revanche, « il n'y a aucune discussion avec Iliad », la maison-mère de Free, affirme-t-on dans le camp de Vivendi-SFR. Du moins à ce stade. Free avait discuté fusion avec SFR à l'automne 2012 avant d'en être dissuadé par l'Autorité de la concurrence. Il pourrait se manifester à nouveau si une offre de Bouygues se concrétise. En réalité, « SFR est tellement gros dans le mobile qu'il peut difficilement fusionner avec un autre opérateur, sans de lourdes contreparties », relève un dirigeant du secteur : le numéro deux français des télécoms, avec ses 21 millions de clients dans le mobile, pèse près d'un tiers du marché. Un rapprochement avec le numéro trois, Bouygues Telecom, risquerait de marginaliser Free. Si Bercy n'est plus arc-bouté sur le maintien d'un marché mobile à quatre acteurs et le fait savoir, c'est l'Autorité de la concurrence, dont l'inflexible président, Bruno Lasserre, vient d'être reconduit, qui se prononcera sur un éventuel projet de mariage. « Bouygues Telecom est presque un doublon exact de SFR, tous les services sont en double [environ 9.000 salariés chacun NDLR]. Cela peut paraître plus sexy sur le papier de vendre aux investisseurs une histoire de « market repair », de retour au calme du marché mobile, mais il ne faut pas que les remèdes imposés par la concurrence soient trop importants » analyse une autre source proche du dossier.

« Les deux projets ont leur charme » aux yeux de Vivendi

En revanche, un rapprochement avec Numericable ne poserait pas vraiment de problème de concurrence, puisque le câblo-opérateur est à peine présent dans le mobile (comme opérateur virtuel avec 130.000 lignes) et que même dans le fixe sa part de marché est modeste, de l'ordre de 5%, quand SFR se situe à 25% aujourd'hui, au troisième rang juste derrière Free. « Les deux projets ont leur charme ! Mais celui de Numericable est un projet de développement, complémentaire, plus facile à mettre en œuvre que celui de Bouygues qui est plutôt défensif », confie une source bien au fait des discussions, qui résume l'état d'esprit actuel de la direction de Vivendi. Un groupe de travail a été constitué au sein du conseil de surveillance de Vivendi, composé de trois administrateurs indépendants, Henri Lachmann (Schneider), Alexandre de Juniac (Air France KLM) et Daniel Camus (The Global Fund). Quatre critères seront pris en compte pour examiner les offres : primo, la valorisation, en particulier la part versée en cash et la durée de détention de la participation minoritaire dont héritera Vivendi dans le nouvel opérateur ainsi créé, secundo une gouvernance « partagée, équilibrée » dans une structure bicéphale, tertio le projet industriel, qu'il s'agisse d'un renforcement dans le très haut débit fixe ou mobile, et enfin l'absence de casse sociale.

L'épineuse question sociale

Sur ce point, très sensible politiquement, chacun a rivalisé d'engagements. D'un côté, Patrick Drahi peut se prévaloir d'une structure déjà « lean », affûtée, chez Numericable avec 2.000 salariés, mais il a par le passé procédé à plusieurs sévères plans sociaux après le rachat de Noos et France Telecom Câble en 2005 et 2006 (700 à 800 postes supprimés à chaque fois, soit entre la moitié et les deux tiers des effectifs), ce qui lui vaut une réputation de cost-killer sans état d'âme. De l'autre, le groupe Bouygues met en avant « sa tradition de dialogue social, sa culture aux antipodes du cost-cutting à tout-va » mais il devra répondre aux questions des syndicats et des investisseurs sur les doublons et les synergies de coûts.

Un rachat de Bouygues Telecom par Free ensuite ?

A ce stade, le scénario d'un rapprochement de SFR et de Numericable semble le plus probable, du fait de la forte motivation de Patrick Drahi et du moindre risque réglementaire de l'opération : les analystes d'Oddo Securities lui affectaient une probabilité de 80% dans une étude de la fin janvier. Cependant, cette fusion ne règlerait pas le « problème » du marché mobile français aux yeux du gouvernement et de certains acteurs eux-mêmes, à savoir la chute des prix depuis l'arrivée de Free Mobile et la baisse des marges, donc de la capacité d'investissement des opérateurs dans la fibre et dans les achats de fréquences… Mais une fusion peut en cacher une autre. Oddo imagine toujours qu'un rachat de Bouygues Telecom par Free est probable à 40%...

Delphine Cuny

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Commentaires 2
à écrit le 03/03/2014 à 22:14
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Si SFR vaut 15 Milliards, combien vaut Orange valorisée de toutes ses filiales étrangères ? 100 Milliards ??? Capitalisation actuelle, 25 Milliards.

à écrit le 03/03/2014 à 21:31
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A 15 milliards d'euros, SFR vaudrait donc cinq milliards de moins que le prix payé par Facebook pour What'sapp, société créée en 2009 et qui compte 50 personne.

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