Comment tenter de reprendre la main, alors que les mauvaises nouvelles se sont accumulées à grande vitesse ces jours deniers? C'est la question à laquelle les dirigeants du groupe aéronautique EADS ont essayé de répondre aujourd'hui, à l'occasion d'une réunion au sommet à laquelle assistent les quatre principaux patrons du groupe.

Les deux président français et allemand, Arnaud Lagardère et Manfred Bischoff, et les deux patrons exécutifs, le français Noël Forgeard et l'allemand Thomas Enders, se sont en effet réunis ce matin à Munich. Il s'agissait d'une réunion informelle, et non pas d'un conseil d'administration comme la rumeur en avait couru. A l'issue de la rencontre, le groupe s'est d'ailleurs borné à indiquer qu'aucune décision n'avait été prise.

Les sujets au programme ne manquaient pas. La semaine dernière a vu s'accumuler les graves déboires pour le groupe d'aéronautique et de défense. L'annonce, mercredi dernier, de gros retards dans la construction de l'Airbus géant A380 a suscité un effondrement boursier, l'action perdant plus du quart de sa valeur dans la journée. Une chute dont l'ampleur manifeste une véritable défiance des investisseurs envers le groupe et son mode de gestion.

Comme si cela ne suffisait pas, une vive polémique se développe depuis sur les cessions de titres EADS effectuées voici deux ou trois mois par les principaux actionnaires du groupe et certains de ses dirigeants. Le groupe Lagardère et Daimler-Chrysler ont en effet allégé leurs positions en avril dernier. Plus gênant encore, Noël Forgeard et d'autres cadres dirigeants ont cédé en mars des titres reçus en stock-options. D'où la question: ces actionnaires et dirigeants avaient-ils des informations en avant-première sur les problèmes de l'A380, et en ont-il profité pour vendre à bon compte avant que ces derniers ne deviennent publics?

Sur le premier point, Arnaud Lagardère a répondu qu'il n'était au courant de rien, au point de se dire prêt à assumer l'image d'incompétence qui pourrait s'attacher à un patron qui ne sait pas ce qui se passe dans ses usines. Sur le deuxième point, Noël Forgeard a affirmé "catégoriquement" dans une interview accordée à La Tribune n'avoir eu aucune information privilégiée (voir ci-contre).

Mais l'affaire ne saurait en rester là. En ce qui concerne les ventes de titres, l'Autorité des Marchés Financiers a annoncé avoir mené une enquête. Et ce matin, Thomas Enders, co-patron d'EADS aux côtés de Noël Forgeard, a semblé prendre ses distances avec ce dernier, en faisant valoir, par porte-parole interposé, que lui n'avait pas vendu de stock-options, considérant que ce n'était "pas opportun".

Autant dire que la position de Noël Forgeard à la tête d'EADS pourrait bien être au coeur des réflexions des dirigeants du groupe. D'autant qu'ils ne pourront sans doute pas faire l'économie de désigner des responsables pour le fiasco des retards de l'A380. A cet égard, le groupe risque de voir s'aggraver encore un peu plus ses déchirures internes: rivalités traditionnelles entre Français et Allemands, guerre de clans à l'intérieur du camp français...

Chez les investisseurs, du coup, on réclame des mesures de fond. Selon la société de courtage Aurel Leven, par exemple, "une réforme de l'organisation de la société apparaît indispensable, qui nécessite peut-être des changements d'hommes à la tête du groupe", C'est toute la "crédibilité" d'EADS qui en dépend, estime-t-elle.

Lundi, en fin d'après-midi, l'action reprend 1,26%, à 20,15 euros. Depuis sa chute de 26,3% mercredi dernier, l'action a rebondi de 6,8% jeudi avant de se tasser de 0,5% vendredi. Depuis le début de l'année, elle perd encore près de 37%.