L'Allemagne, un modèle pour la Chine ?

Critiqué en Europe, le modèle allemand intéresse beaucoup les dirigeants chinois, notamment dans le domaine de l'accès des entreprises privées à la recherche et à la technologie et dans celui du financement des entreprises régionales.
Angela Merkel lors d'un voyage en Chine

 Le nouveau pouvoir chinois, qui vient à peine d'être mis en place, sera jugé sur sa capacité à transformer son économie. Que cela veut-il dire? Que la Chine va devoir travailler à la fois sur la montée en puissance de son appareil industriel dans la chaîne de valeur, développer l'innovation, faire des progrès significatifs en matière de protection de l'environnement, moderniser ses process industriels. Enoncés de la sorte, ces objectifs rappellent les spécificités d'une autre économie, celle de l'Allemagne.

De quelle façon l'économie sociale de marché allemande peut-elle proposer à la Chine des solutions innovantes dans la conduite de ses réformes économiques? Ce fut précisément le sujet d'un forum organisé par l'université de Tsinghua à Pékin, en présence du professeur Roland Berger, qui a mis en lumière un certain nombre de parallèles entre l'Allemagne et la Chine et notamment la corrélation entre le niveau de contribution de l'industrie à la valeur ajoutée brute et le taux de croissance. Les deux pays dans lesquels la part de l'industrie dans la valeur ajoutée est la plus importante sont la Chine (32%) et l'Allemagne (22,6%), contre 10,8% en France et en Grande-Bretagne. Pour Roland Berger, il existe aujourd'hui beaucoup de points communs entre l'Allemagne et la Chine: les deux pays sont très industrialisés, ils sont exportateurs, et ils sont les deux grands gagnants de la globalisation de l'économie de ces deux dernières décennies.

Sur quels points l'Allemagne peut-elle constituer un exemple à suivre pour la Chine?

1/ La collaboration entre les universités, les centres de recherche et les entreprises.
Il est clair que le succès des entreprises allemandes repose en grande partie sur cette collaboration, facilitée par le gouvernement qui a créé un ensemble d'incitations financières pour les structures qui travaillent sur des programmes de recherche auxquels s'associent étroitement les entreprises. L'Allemagne se distingue notamment par la densité de son réseau de centres de recherches et de développement dans l'ensemble du pays, un système dont la Chine pourrait s'inspirer.

2/ Le développement d'un Mittelstand chinois.
Les ETI sont une composante essentielle du tissu industriel allemand. En Chine, les entreprises moyennes représentent 68% des exportations et 75% des créations d'emplois. Mais elles ne disposent pas des mêmes facilités d'accès au capital, à la recherche et aux marchés que les grandes entreprises et notamment celles qui appartiennent au secteur public. Il y a donc là un champ d'initiatives et de réformes qui peuvent se révéler très fructueuses.

3/ La création de réseaux et de clusters d'entreprises.
L'industrie allemande se caractérise par son grand nombre de clusters, de réseaux collaboratifs avec leurs clients, fournisseurs, instituts de technologie qui les rendent plus performantes et plus innovantes. Ce système est ancien dans l'histoire économique allemande. Mais force est de constater qu'il continue de produire des résultats y compris dans les industries nouvelles comme les biotechnologies, les matériaux composites et les énergies vertes. Les entreprises chinoises de taille moyenne pourraient donc mettre en ?uvre des types de coopération similaires.

4/ La formation de personnels très qualifiés.
L'Allemagne tire un profit très important de son système de formation, basé sur une proximité très grande entre les entreprises et les universités et centres de formation. La Chine pourrait s'inspirer plus largement de ce système, qui a fait preuve de son efficacité depuis de longues années. Aujourd'hui, il y a déjà 7000 jeunes Chinois qui sont engagés dans ce type de formation avec des entreprises comme BMW, Bosch et Volkswagen.

5/ Le renforcement des réseaux de caisses d'épargne et de banques régionales.
L'une des caractéristiques de l'économie allemande est la densité du réseau des banques locales qui jouent un grand rôle dans le financement des entreprises moyennes. Il existe en Allemagne aujourd'hui plus de 400 caisses d'épargne (Sparkassen) et plus de 1000 banques coopératives (Volksbanken). Ces deux catégories d'institutions financières fournissent 90% du financement des entrepreneurs indépendants et des petites entreprises. Et ce qui est particulièrement intéressant, c'est que ces banques n'ont pas diminué leur distribution de crédit durant les années de crise, comme ont pu le faire les grandes banques commerciales. Ainsi, en 2009, les caisses d'épargnes ont augmenté leurs prêts de 5,5% alors que l'économie allemande était en retrait de 4,7%. Pourvu qu'elles observent un business model strict (obligation d'être profitables, bonne sélection des risques, connaissance précise de leurs clients...), ces banques peuvent se révéler un outil très performant au service de l'économie locale. La Chine dispose d'une sorte d'équivalent avec les City Commercial Banks (CCB), qui elles aussi servent une clientèle de petites entreprises locales. Des coopérations existent déjà entre les Caisses d'épargne allemandes et certaines CCB chinoises. Des programmes plus larges pourraient être mis en ?uvre pour améliorer le business model de la banque locale en Chine. Ce serait d'autant plus intéressant que la réduction des risques dans le système bancaire chinois va devenir un objectif essentiel de la Banque centrale.

 

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