Pourquoi les grandes banques centrales ne parviennent pas à calmer les marchés

Les grandes banques centrales multiplient les annonces pour rassurer les marchés... en vain. Les observateurs s'inquiètent d'une trop grande précipitation et que les principales institutions financières ne se retrouvent sans marge de manoeuvre pour soutenir l'économie si la pandémie devait perdurer.
(Crédits : Reuters)

Nouvelle baisse des taux de la Réserve fédérale américaine (Fed), politique renforcée de rachats d'actifs au Japon, action concertée des plus grandes banques centrales... Ces dernières heures, alors que le monde se barricadait face au coronavirus, les institutions financières ont multiplié les initiatives pour tenter de rassurer les investisseurs et d'endiguer l'impact économique de l'épidémie du nouveau coronavirus. Mais nombre d'observateurs s'interrogent sur l'efficacité de telles actions.

La Fed baisse brutalement ses taux

Dimanche 15 mars, la Fed a brutalement abaissé ses taux, sans attendre la réunion du 18 mars prévue au calendrier, lesquels évoluent désormais entre 0 et 0,25%. La dernière fois que la Réserve fédérale avait abaissé ses taux à un tel niveau remonte à décembre 2008, au coeur de la crise financière dite des "subprimes". La Fed avait déjà fait une annonce surprise le 3 mars dernier en abaissant ses taux d'un demi-point de pourcentage, sans que cela n'ait pour autant un impact positif sur les marchés, déjà complètement déboussolés.

Dimanche, la Banque centrale américaine a aussi annoncé l'achat de 500 milliards de dollars de bons du Trésor et de 200 milliards de dollars de titres hypothécaires, pour "soutenir le bon fonctionnement" de ces marchés.

Action concertée des banques centrales

Au même moment, elle participait à une action concertée pour s'assurer que le monde ne manquait pas de dollars ce lundi 16 mars. La Fed, la Banque centrale européenne (BCE) et les Banques centrales du Japon, Royaume-Uni, Canada et de Suisse, ont assoupli les conditions auxquelles elles s'échangent des devises entre elles, afin de pouvoir garantir un approvisionnement suffisant des marchés en dollars.

De son côté, la banque centrale du Japon (BoJ) a décidé, ce lundi, de maintenir son taux à -0,10% mais a en revanche annoncé un doublement de ses rachats d'actifs annuels à 12 trillions de Yen, contre 6 auparavant.

Mais cette batterie de mesures n'a visiblement pas rassurer les investisseurs. La Bourse de Paris plongeait à nouveau lundi (-8,1% vers 10h45). Même dégringolade à Londres (-6,1%) et pire encore du côté de Madrid, où la Bourse chutait de plus de 8,9%.

Des actions inefficaces sur un choc d'offre et de demande

De nombreux observateurs remettent en effet en question l'efficacité des politiques monétaires sur une crise qui affecte l'offre. Le 3 mars dernier, Jérôme Powell, le patron de la Fed,  suggérait lui-même qu'une baisse des taux risquait d'avoir peu d'effet.

« Nous reconnaissons qu'une baisse de taux ne réduira pas le taux d'infection et que cela ne résoudra pas les problèmes de chaînes d'approvisionnement. Nous avons cela en tête », avait-il déclaré lors d'une conférence de presse improvisée.

Mêmes doutes concernant l'efficacité de telles mesures sur la demande.

"Si vous ne voulez pas faire un voyage d'affaires ou aller à un concert, le fait que la Fed abaisse ses taux ne changera probablement pas votre décision, qui se fonde sur votre peur du virus", commentait, à l'AFP, Karl Haeling de la banque allemande LBBW.

Trop grande précipitation

Pis encore, de nombreux spécialistes s'interrogent sur les risques d'une trop grande précipitation, redoutant que les banques centrales se retrouvent dans les semaines à venir "sans aucune munition" pour agir si l'épidémie perdure.

"La capacité des banques centrales à faire face à un choc est très réduite et cela participe à l'envolée du stress sur les marchés",  estime l'économiste indépendante Véronique Riches-Flores.

"Le geste rapide de la Fed pourrait être catastrophique si la pandémie venait à se poursuivre car cela restreint les possibilités de la réserve fédérale américaine pour rassurer les marchés. Le manque de liquidité fait craindre de plus en plus une crise financière sans précédent", commente Vincent Boy, analyste marché chez IG France."En effet, le monde est inondé de liquidité depuis 10 ans alors même que l'économie se portait bien mais au vu de l'ampleur de la crise à venir les banques centrales mondiales pourraient se retrouver sans marges de manœuvre pour soutenir l'économie mondiale", poursuit-il.

Vers une crise financière sans précédent ?

Selon ce même analyste :

"Les économies du monde entier devraient plutôt se concentrer sur le ralentissement de la propagation, puis annoncer des mesures fiscales et budgétaires immédiates et efficaces avant d'intervenir au niveau monétaire". "Si l'épidémie perdure et si les petits commerçants ne sont pas massivement soutenus, une relance monétaire sur un tissu économique décimé n'aura aucun impact et mènera probablement à la prise crise financière que le monde est connu", prévient-il.

Preuve que la situation est inédite et les marchés sans point de repère: Christine Lagarde, la présidente de la BCE, s'est retrouvée sous le feu des critiques la semaine dernière lorsque la Banque centrale européenne a décidé, jeudi 12 mars, de ne pas baisser ses taux, renvoyant la balle aux Etats.

A la question de savoir si les banques centrales avaient perdu de leur aura sur les marchés, Stéphane Boujnah, le patron de l'opérateur boursier paneuropéen Euronext, a répondu, sur France Inter, que la crise actuelle «sans les mécanismes en place des liquidités dites abondantes serait beaucoup plus grave». Mais, a-t-il reconnu, les marchés considèrent que les réponses «les plus pertinentes» sont «les messages de relance et de soutien budgétaires».

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Commentaires 5
à écrit le 25/04/2020 à 11:56
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Pour les banques : Inspirer 20 milliards .... retenir 20 milliards ... et expirer 2000 milliards ... économie presque carré ... Pour les populations Plus d’inspiration avec le Covid 19...

à écrit le 17/03/2020 à 7:58
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Si mes dividendes ne sont pas versés, je vais voter Mélenchon au second tour ! #sauverlesactionnairesenpriorité

à écrit le 17/03/2020 à 7:08
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Je ne comprends toujours pas cette nécessité d'accroitre les liquidités; les débiteurs n'ont tout de même pas placé leurs avoirs dans l'immobilier?

à écrit le 16/03/2020 à 14:45
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C'est un puits sans fond qu'il va falloir remplir ou le tonneau des Danaïdes. Ce n'est pas le problème d'un seul pays comme lors de la crise grecque, mais c'est l'ensemble des pays européens qui est concerné. De plus, c'est aussi le chacun pour soi q...

à écrit le 16/03/2020 à 11:20
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Ils ont surtout peur que l'on finisse par aller chercher le grisbi dans leurs paradis fiscaux oui... De toutes façons ils ne sont que cela, de la peur. PLus on possède et plus on est possédé et vu tout ce qu'ils possèdent actuellement...

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