ENQUÊTE Immobilier : les étrangers tirent-ils les prix parisiens vers le haut ?

A Paris, les prix immobiliers s'envolent. Il y a-t-il encore que les non-résidents pour accepter de payer de telles sommes ?
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Si les prix montent à Paris, c'est la faute des étrangers ! Voila l'explication toute faite et bien pratique pour justifier l'envolée des prix de 17,5% en 2010, des montants qui ont atteint 8.000 euros le mètre carré au deuxième trimestre 2011.

Mais la vérité est-elle aussi simple ? Pas forcément... Concernant l'immobilier haut de gamme, les étrangers sont effectivement très présents. D'après Charles-Marie Jottras, président du conseil en immobilier Daniel Féau, « sur les logements de 4 à 10 millions d'euros à Paris, sur les 12 derniers mois, 50% des acquéreurs étaient des non-résidents. Et au-delà de 10 millions d'euros, les résidents français représentent moins de 15% des acquéreurs. Sur ces segments-là, les étrangers dominent le marché et donc "font" les prix ». Thibault de Saint-Vincent, président de Barnes constate même aujourd'hui la présence d'une seconde génération d'étrangers, c'est-à-dire des non-français qui ont acheté et qui revendent pour réacquérir un bien.

Jean-Philippe Roux, directeur de l'agence John Taylor à Paris, est plus nuancé. « C'est vrai que l'on assiste à une augmentation régulière de la part des étrangers dans le nombre de transactions total à Paris. Dans certains marchés, comme le triangle d'or à Paris, les non-résidents représentent même 20% des transactions. Mais si les étrangers payent, en moyenne, 25% plus cher que les français, ils n'achètent pas la même chose ni au même endroit. Ils veulent un grand appartement, une signature d'architecte et un emplacement comme le centre de la capitale». D'ailleurs, Alexander Kraft, PDG de Sotheby's International Realty France-Monaco, remarque que sur le marché haut-de-gamme traditionnel (Biarritz, Dinar, la Baule, Ile-de-Ré, ...), plus de 50% des acheteurs sont français. Les étrangers contribuent donc à la hausse des prix, mais principalement dans le segment haut-de-gamme international comme Paris ou la Côte d'Azur.

Et sur les biens plus accessibles ? « Les étrangers ont sûrement contribué à la hausse. Néanmoins, en terme de volume, ils restent marginaux », s'avance prudemment Gilles Ricour de Bourgies, Président de la Chambre Fnaim Paris-Ile-de-France.

Sébastien de Lafond, président de Meilleursagents.com, est plus affirmatif. « Ce ne sont certainement pas eux qui font le marché et poussent les prix à la hausse. Ils ne représentent, en moyenne, que 6% des transactions». Dans le détail, au premier trimestre 2011, la part des étrangers parmi les acquéreurs d'appartements était de 6,1% dans le 15ème arrondissement, de 5,1% dans le 18ème, de 4,3% dans le 20ème et de 8,9% dans le 19ème, selon les chiffres des Notaires donnés en exclusivité à La Tribune Gestion de patrimoine. Reste que si l'on regarde arrondissement par arrondissement, il n'y a pas de corélation nette entre les plus fortes hausses et les quartiers où les étrangers sont le plus présent.

Autre enseignement des analyses des notaires : les nationalités présentes ne sont pas toujours celles que l'on croit. A Paris Intra muros, ce sont les Italiens qui sont, dans chaque arrondissement, les plus représentés ! Seule exception : dans le 19ème, où ils n'arrivent qu'à la deuxième place après les Chinois. Dans le 2ème arrondissement, les Transalpins représentent même 48,7% des non-résidents ! Viennent ensuite les Américains pour le 7ème arrondissement, les Britanniques dans le 11ème, les Portugais dans le 15ème, les Marocains dans le 16ème, les Allemands dans le 18ème arrondissement. Des statistiques plutôt étonnantes...

Alors qui est le grand coupable de la hausse des prix parisiens ? « Le secondo-accédant, répond sans hésitation Sébastien de Lafond. Il est prêt à acheter cher car il a vendu cher. C'est un marché de troc ». Une idée largement reprise par Laurent Vimont, PDG de Century 21, « les Parisiens alimentent eux-mêmes la hausse des prix en achetant un logement grâce à la vente d'un bien. D'ailleurs, la quotité de financement (la part du projet immobilier qui va être financée par le prêt) est de 79% en France contre 58,6% à Paris. L'apport personnel est très largement lié aux ventes d'appartement aujourd'hui dans la capitale ».

Pour Gilles Ricour de Bourgies, la cause c'est surtout la rareté de l'offre. Et comme les constructions sont très limitées, cela ne va pas aller en s'arrangeant. Dans tous les cas, le vrai perdant dans l'histoire est le primo-accédant. « Il n'y en a plus à Paris. Leur disparition a commencé depuis mi-2010 », déplore Sébastien de Lafond. Sandrine Allonier, responsable des études économiques chez Meilleurtaux, note toujours la présence des primo-accédants dans la capitale, (67% parmi leurs clients). Mais ce sont des acquéreurs CSP+ qui, en moyenne, ont un apport personnel de 180.000 euros et gagnent 8.000 euros à deux.

Et pour l'avenir ? Si les non-résidents restent encore marginaux aujourd'hui, ce ne serait pas impossible qu'ils arrivent en masse bientôt. Pour l'instant, les vrais actifs étrangers sur le marché français sont les européens (suisse, belge, italiens, retour des anglais). Les asiatiques et sud-américains commencent à faire leur apparition de manière importante. « Les étrangers investissaient encore peu jusqu'alors car les mesures fiscales n'étaient pas sécurisantes, expliques Gilles Ricour de Bourgies, mais aujourd'hui les contraintes réglementaires deviennent un atout. L'investisseur étranger rentre dans un marché organisé, cela le rassure. Et l'abandon de la taxe des résidences secondaires des non-résidents est une bonne nouvelle pour eux ! ». Maël Bernier, directrice de la communication et porte-parole d'Empruntis renchérit : « nos partenaires remarquent que la nationalité des acheteur a changé. Avant il y avait beaucoup d'américains. Aujourd'hui, c'est surtout des italiens car ils ont peur de l'instabilité chez eux, ils veulent un pays dignes de confiance. Et parce que fiscalement, c'est plus intéressant pour eux ».

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