Guillaume Canet : « J’ai un besoin viscéral du cinéma »

ENTRETIEN - Le comédien-réalisateur, qui joue un acteur en pleine crise de la cinquantaine dans « Hors-Saison », se livre sur la célébrité et sur MeToo.
(Crédits : © LTD / CYRILLE GEORGE JERUSALMI pour la Tribune Dimanche)

Il ne s'est jamais laissé enfermer dans le même rôle. Thrillers, comédies, films engagés, histoires sentimentales... Le public français plébiscite l'hyperactif Guillaume Canet sur tous les fronts. Ses huit films en tant que réalisateur (dont Ne le dis à personne, Les Petits Mouchoirs, Astérix et Obélix - L'Empire du Milieu) flirtent souvent avec les millions d'entrées. Il revient mercredi en tant qu'acteur dans Hors-Saison, de Stéphane Brizé, où il interprète sans fard et tout en retenue un célèbre comédien quinquagénaire en plein questionnement sur ses choix de vie. Toute ressemblance avec le principal intéressé...

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LA TRIBUNE DIMANCHE - C'est l'heure du bilan de vie pour Mathieu, votre personnage, un peu déprimé par sa carrière qui stagne et sa relation avec sa femme... Partagez-vous son goût pour l'introspection ?

GUILLAUME CANET - Le thème des choix de vie me plaît beaucoup : c'est beau et rassurant de savoir qu'on peut apprendre quelque chose même si on s'est trompé de chemin. C'est aussi ma philosophie : je ne regrette jamais rien, parce que j'ai l'impression que si je suis passé par là, c'est qu'il le fallait. C'est une belle histoire, celle d'un homme qui veut au départ devenir célèbre et qui, en fait, va devenir quelqu'un : il a davantage besoin d'un véritable amour et d'attention que de reconnaissance. Mathieu ne s'était pas rendu compte qu'Alice était peut-être la femme de sa vie.

Dans votre film Lui (2021), votre personnage, musicien, avait déjà besoin de s'isoler pour réfléchir à sa vie et à son œuvre. Est-ce un sujet qui vous travaille ?

Oui, ça me parle. Lui était très particulier pour moi : je l'ai écrit d'une traite en trois semaines et tourné en quatre semaines. C'est un film où je ne raconte pas du tout ma vie personnelle ni amoureuse mais où je dis certaines choses de moi, notamment ce conflit avec ce double qui m'a hanté pendant longtemps et qui me tirait vers le bas. C'était une forme d'introspection ! J'ai pensé à Lui quand j'ai tourné Hors-Saison : c'est la même région, au bord de la mer, des vagues... Cela pourrait être une sorte de suite plus mature ! Mais ce n'est pas ma vie, c'est celle de Mathieu : je serais incapable d'aller en tha-lasso une semaine, je n'ai pas besoin de ma femme pour savoir ce que je dois faire ou comment vivre, je n'ai pas ce genre de rapports avec elle ! Avec Marion [Cotillard], il nous arrive de nous demander conseil sur nos rôles, mais nous sommes assez grands pour faire nos choix !

On vous dit hyperactif. Est-ce que vous arrivez quand même à faire des pauses, comme votre personnage, pour prendre du recul ?

Je ne l'avais jamais fait... et puis, depuis deux ans environ, je me suis accordé un peu plus de temps, même si c'est encore rare. Aujourd'hui, j'en ai vraiment besoin : c'est devenu essentiel de me poser un moment pour me vider la tête, parce que sinon la charge mentale est trop lourde. Là, j'écris deux scénarios en même temps, je fais la promo de ce film, je me lance dans la production d'un autre et je fais une préparation physique pour un rôle... C'est beaucoup, et je sais qu'il va falloir que je parte quelques jours, juste pour dormir ! J'ai appris à faire ces pauses, parce que j'ai eu plusieurs pépins de santé. Le corps vous rappelle à l'ordre.

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Mathieu (Guillaume Canet) et Alice (Alba Rohrwacher) : tête-à-tête de deux anciens amoureux. (© LTD / GAUMONT)

Comme Mathieu, est-ce que vous vous demandez parfois ce qu'aurait été votre vie sans cet accident qui vous a empêché de continuer l'équitation ?

Je me suis demandé ce qu'aurait été ma vie sans le cinéma, mais je n'ai aucun regret. L'équitation, c'est à la fois un sport et un rapport à l'animal, à la compétition et au danger : tout ce qui procure cette adrénaline dont j'ai vraiment besoin. Après Blood Ties [thriller tourné à New York en 2012], j'ai arrêté le cinéma pendant un an et demi, je suis remonté à cheval, j'ai fait des concours internationaux et j'ai retrouvé un très bon niveau, mais finalement j'en ai vite fait le tour. J'ai un besoin viscéral du cinéma, qui me permet de m'exprimer de manière à la fois psychologique et émotionnelle, aussi bien à travers le métier d'acteur que comme réalisateur.

En parliez-vous avec Jean Rochefort, qui avait le même métier et la même passion pour les chevaux que vous ?

Oui, c'était un second papa, un père spirituel pour moi. C'est lui qui m'a permis de faire mon premier film [Barracuda], car j'avais fait du théâtre et des téléfilms mais je n'arrivais pas à avoir de rôles au cinéma. Nous discutions de films et de chevaux, il me parlait sincèrement de mes rôles ! C'était génial d'avoir sa bienveillance et son attention sur mon travail. J'ai eu des échanges similaires avec Jean-Paul Belmondo, une autre de mes idoles.

La libération actuelle de la parole est plus que nécessaire

Dans le film, vous jouez un acteur célèbre à qui on demande sans cesse de faire des selfies... Votre première réalisation, Mon idole, parlait déjà de célébrité. C'est toujours un sujet important pour vous ?

La notoriété est commune à beaucoup de films : Mon idole était inspiré de La Valse des pantins, de Martin Scorsese. Je l'ai écrit à un moment particulier. Après avoir eu un petit succès avec Barracuda et Je règle mon pas sur le pas de mon père, j'ai joué dans La Plage [avec Leonardo DiCaprio]. Après, j'ai enchaîné avec Vidocq, dans lequel j'étais mauvais. Je me suis fait laminer - comme souvent en France quand vous connaissez un succès, on vous casse vite les genoux. Je n'ai plus reçu de scénario pendant un an et demi. J'ai donc décidé d'écrire mon film. La notoriété est d'abord une grande chance, car c'est très agréable d'être soutenu par un public large et fidèle. Il y a aussi des inconvénients : parfois les gens racontent n'importe quoi sur vous, votre famille et font des raccourcis idiots. Mais on vit avec !

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Mathieu (Guillaume Canet) et Alice (Alba Rohrwacher). (© LTD / GAUMONT)

Ce rôle d'homme moins viril, qui se pose des questions sur lui, est-il nouveau dans votre filmographie ?

C'est un rôle plus mature, plus « d'homme ». Et puis... Les hommes pleurent aussi ! Je me rappelle que dans Un éléphant ça trompe énormément [sorti en 1976] ou dans d'autres films de cette époque, qui étaient encore très machos, on commençait à montrer un Victor Lanoux ou un Claude Brasseur en larmes... C'était les prémices, on osait dire que des hommes pouvaient aussi exprimer une peine, une tristesse.

Vos futurs projets sont-ils au diapason ?

C'est plutôt varié ! J'ai tourné dans un film magnifique, Le Déluge, avec Mélanie Laurent, où je joue Louis XVI. Je suis en train d'écrire mon prochain film, qui sera un thriller psychologique. J'ai très envie de revenir à ce genre. Et puis je joue actuellement dans un film d'action. Je suis bien occupé !

Savez-vous ce qu'il va advenir du film de Benoît Jacquot Belle, dans lequel vous avez tourné avec Charlotte Gainsbourg ?

Je n'en ai aucune idée. Aujourd'hui, il n'y a aucune date de sortie prévue. J'ai pris beaucoup de plaisir à tourner avec Charlotte Gainsbourg, d'autant plus qu'on s'était ratés sur le film de Claude Berri Ensemble, c'est tout. Mais vu la situation, cela me paraît très compliqué d'en assurer la promotion. Pour l'instant, la question ne se pose même pas.

Qu'avez-vous pensé quand vous avez entendu Judith Godrèche parler de son histoire ?

C'est très troublant. La libération actuelle de la parole est plus que nécessaire, ces témoignages sont très courageux. Pendant des années, on a mis un voile sur des comportements inadmissibles, et maintenant il faut accompagner ce changement du mieux possible. Ces dérives ne sont pas propres au cinéma et sont présentes dans tous les secteurs d'activité dans lesquels des rapports de pouvoir peuvent exister... C'est donc l'humain qui doit évoluer.

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