Il faut une sacrée résilience pour survivre à autant de haine. Si 2020 a été l'année qui la révélée avec son tube Ta Marinière, c'est aussi celle qui l'a anéantie jusqu'à lui donner des envies de tout abandonner. Parce qu'elle ne fait pas partie de ces artistes qui entrent dans les cases, parce qu'elle a osé parler ouvertement de son homosexualité. Parce que les paroles de ses chansons ont un sens. Alors que les homophobes lui ont déclaré la guerre, elle prône l'amour sans aucune justification. Est-ce Mathilde ou Hoshi qui nous reçoit dans un bistrot parisien ? « Les deux ont fusionné récemment pour ne faire plus qu'une. » Bonnet noir et blanc sur la tête et yeux soulignés d'un trait de khôl noir car sans maquillage, dit-elle, elle ressemble à une enfant. Une enfant que l'on a envie de serrer dans nos bras.

LA TRIBUNE DIMANCHE - Vous m'avez demandé de ne pas citer le lieu où nous sommes actuellement.

HOSHI - Parce que depuis trois ans je reçois des menaces de morts par milliers. Dernièrement, j'ai porté plainte contre un cyberharceleur mais, à la suite d'une expertise psychologique, il a été considéré comme « fou », donc pas jugeable. Et cette personne-là se promène encore en toute liberté. Voilà pourquoi je ne me balade plus seule dans la rue car je me sens vraiment menacée. Dans Mauvais Rêve, le premier titre de l'album, j'évoque la question du harcèlement. C'était important pour moi car cela touche tout le monde. J'ai tenté de retracer ma vie, et les épreuves que j'ai pu rencontrer, en trois minutes trente.

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Tout ça à cause du baiser sur la bouche avec une danseuse lors des Victoires de la musique en 2020 ?

Absolument. Ce baiser sur la chanson Amour censure n'a pas été digéré par une certaine catégorie de personnes. Les mêmes qui ont manifesté contre le mariage pour tous, contre l'IVG. Pour eux, l'homosexualité reste encore une maladie.

Brigitte Macron est très impliquée contre le harcèlement. Vous a-t-elle contactée ?

Jamais. En revanche, quelques politiques m'ont proposé de me recevoir. J'ai décliné leurs invitations car s'intéresser au harcèlement, c'est bien, mais ils n'apporteront aucune solution. Les lois existent, les peines sont encourues mais ne sont pas appliquées. Il est là, le vrai problème. Je ne me sens vraiment pas soutenue par la justice.

On parle beaucoup de la question du genre. En Argentine, un enfant de 6 ans a été autorisé à changer d'identité sexuelle. Vous comprenez ?

C'est un sujet très complexe. Si l'enfant se pose des questions sur son identité, il faut l'écouter, l'accompagner. Les psys ont aussi une grande responsabilité. Désirer changer de genre ne se fait pas simplement. Mes premiers doutes, eux, sont apparus à l'âge de 11 ans. J'ai mis presque vingt ans à comprendre et me rendre compte que moi, Mathilde, je suis une femme. Ce déclic, je l'ai eu quand j'ai fini par oublier les injonctions imposées par notre société. Mais sincèrement, j'aurais préféré que ce ne soit pas un sujet pour ma construction personnelle.

Gia, votre compagne et manageuse, est assise quelques tables plus loin. Sa présence vous rassure ?

C'est grâce à elle si j'ai réussi à relever la tête après tout ce déferlement de haine. Elle est comme mon parapluie, d'où le titre de mon nouvel album.

Parce que vous vous sentez fragile ?

Pas nécessairement, car je suis capable d'encaisser beaucoup de choses. En revanche, quand je sombre, je sombre vraiment. Et c'est comme ça depuis toujours car je ne sais pas faire les choses à moitié. Je suis en permanence dans l'excès. J'aime trop, je dors trop ou pas du tout... Mon cerveau ne s'arrête jamais de penser. Croyez-moi, c'est vraiment fatigant. Je peux rester des heures assise sur mon canapé, tétanisée par un événement que je me repasse en boucle. La seule solution pour me sortir de ce blocage est d'écrire et de jouer de la musique. J'aime faire danser les peines.

Vous aimez ce que vous êtes ?

Si aujourd'hui j'accepte cette différence, elle a été source d'angoisse tout au long de ma scolarité. J'étais bonne élève mais beaucoup trop dans ma bulle. Mes parents ont longtemps pensé que j'étais autiste. Encore aujourd'hui, je sens bien que ma personnalité est trop atypique.

Vous êtes encore étonnée que l'on vous invite à chanter ?

Je chante là où l'on veut de moi. J'ai toujours la crainte de demander un duo par peur de déranger un artiste dans son art.

Mon cerveau ne s'arrête jamais de penser. Croyez-moi, c'est vraiment fatigant

Certaines féministes boycottent les œuvres écrites par des hommes. Qu'en pensez-vous ?

Je n'en suis pas du tout là. Je lis des polars écrits par des femmes, des hommes, j'écoute des chanteuses, des chanteurs, je collabore avec des femmes et des hommes. Je ne déteste pas les hommes.

En 2021, Fabien Lecœuvre vous a violemment attaquée en direct à la radio. Vous l'avez croisé depuis ?

Vous faites allusion à mon physique qu'il estime « effrayant » ? Non, je ne l'ai jamais croisé. J'avais 25 ans à l'époque, et jusque-là je ne m'étais jamais posé de questions sur mon physique. Et soudainement, mon visage est devenu un sujet de débat.

Vous souffrez de la maladie de Ménière, une affection de l'oreille interne qui ne se soigne pas.

J'ai dû apprendre à vivre avec même si j'ai perdu 50 % de mon audition. Je ne peux pas encore m'appareiller car c'est incompatible avec mes « ears », ces oreillettes obligatoires quand je suis sur scène. Et il me faudrait de toute façon trop de temps pour m'adapter à ma nouvelle audition. J'écoute mon ORL qui m'interdit d'enchaîner plus de deux concerts. Cette maladie est la pire qui puisse toucher une chanteuse, car un jour je risque de devenir complètement sourde.

Comment se manifeste cette maladie ?

Ce sont des acouphènes en permanence, des pertes d'équilibre comme sur un bateau en haute mer, je tombe, je me cogne partout, je vomis. Ces crises peuvent durer plusieurs jours. Et puis je n'entends plus tous les sons indispensables pour créer mes chansons. Mais je reste très positive car ces crises sont de moins en moins fréquentes et mon audition reste stable depuis quelques mois.

C'est comment, le dimanche d'Hoshi ?

Tout dépend de ce que j'ai fait la veille. Si j'étais en concert, je voyage toute la nuit en tour bus pour rentrer à la maison. Soit je suis sortie et rentrée tard et dors toute la journée, soit je fais de la musique chez moi et je lis des mangas ou joue aux jeux vidéo. Et ne me dérangez surtout pas en plein match de foot à la télé.