Solidarité : un refuge animalier sauvé par le buzz

Firoozeh Farhang a failli perdre la maison où elle vit avec quelque 130 animaux non adoptables. Jusqu’à la mise en ligne d’un reportage qui a suscité un engouement sans précédent sur les réseaux.
Firoozeh Farhang dans le « sanctuaire » de Son toit sous mon toit, à Illiers-Combray.
Firoozeh Farhang dans le « sanctuaire » de Son toit sous mon toit, à Illiers-Combray. (Crédits : © Julien Collombel/Réel Média)

"J'ai l'impression qu'on m'a délestée d'un poids de plusieurs tonnes", lâche Firoozeh Farhang, sa chatte Tigris sur les genoux. Il y a trois semaines, cette comptable de 53 ans était sur le point de perdre la maison qu'elle a acquise il y a sept ans pour recueillir des animaux non adoptables. Sur les 10 000 mètres carrés que compte son terrain cohabitent actuellement 93 chats, 7 chiens, 2 ânes et 2 chevrettes mais aussi des oies, des poules, des furets... « On est une famille, les bêtes sont libres d'aller où elles veulent, confie la cheffe de meute. Parfois, il arrive que l'on dorme à dix-sept dans ma chambre. »

Depuis le Covid, elle enchaîne les coups durs. Son activité de comptable et de traductrice free-lance s'est considérablement réduite. Rien que cette année, elle a dû faire opérer un de ses chats percuté par une voiture, soigner un abcès et effectuer un double détartrage pour son chien Sarko. Résultat, elle ne parvient plus à rembourser son crédit. « Je crois que la phrase que j'ai le plus répétée dernièrement c'est : comment on va faire ? » lâche-t-elle dans un sourire. Samedi 22 juillet, l'étau se resserre lorsqu'elle reçoit un avis de déchéance de prêt. « J'ai une semaine pour rembourser la totalité de mon crédit, soit 247 000 euros. » Firoozeh décide de se battre. Dès le lendemain, elle crée une cagnotte en ligne qu'elle partage sur les réseaux sociaux via le compte de son association, Son toit sous mon toit. Dans le même temps, elle convainc sa banque de lui laisser un sursis jusqu'à septembre. À la rentrée, la cagnotte a engrangé 14 000 euros. Son banquier accepte de la laisser poursuivre sa levée de fonds avec pour nouvel objectif d'atteindre les 30 % de la somme due, soit 80 000 euros, d'ici au 2 janvier 2024, en échange de quoi il s'engage à réévaluer son prêt.

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Firoozeh y croit et passe à l'offensive. Elle dépose son CV partout, livre des courses chez des particuliers, écrit des articles pour la presse locale. Tout ce qu'elle gagne, elle l'investit dans des campagnes de publicité sur Instagram, pour un coût d'environ 150 euros par semaine. « J'ai appelé toutes les fondations, les chaînes de télé, l'équipe de TPMP ; personne ne m'a répondu. » Fin octobre, un correspondant du Parisien relaie tout de même l'information. Avec sa maigre retraite, sa mère, âgée de 83 ans, l'aide comme elle peut. « Elle a été mon plus fidèle soutien, assure Firoozeh. Pourtant, elle a mis du temps à accepter mon choix de vie. » C'est vrai qu'a priori rien ne destinait cette Franco-Iranienne élevée à Neuilly-sur-Seine qui enchaînait les voyages à New York ou à Monaco en hélicoptère et gagnait 5 000 euros par mois à ouvrir dans la cité de Proust un sanctuaire pour animaux. « Je dis sanctuaire et non refuge car ici les pensionnaires restent jusqu'à la fin », précise-t-elle en regardant par la fenêtre le jardin où reposent une quarantaine de ses protégés « partis au ciel ».

Les dons affluent du monde entier

Fin novembre, la cagnotte plafonne à 38 000 euros. Firoozeh est désespérée. « Je me suis dit que c'était fichu, même si je n'imaginais pas une seconde me séparer de mes animaux. » Un mercredi, elle reçoit le coup de fil d'un reporter de Réel Média, nouveau média numérique lancé en mars par Bernard de La Villardière sur le modèle de Brut ou de Konbini et qui a pour ambition de raconter des histoires d'engagement et de solidarité. « Quand Julien Collombel m'appelle, je suis en train de préparer les gamelles, se remémore-t-elle. Le surlendemain, il vient tourner chez moi. » Le 1er décembre, la vidéo est publiée. En une heure, la cagnotte augmente de 1 000 euros. Le lendemain, elle dépasse les 20 000. Le dimanche, l'objectif des 80 000 est atteint. « À partir de là, ça n'a pas arrêté », se félicite Firoozeh.

Les dons affluent du monde entier, des États-Unis à l'Iran. Un anonyme lui verse 250 euros chaque dimanche. Une artiste réalise des portraits de ses bêtes pour les mettre en vente. D'anciens camarades d'école la recontactent pour la féliciter, des inconnus se proposent pour créer des affiches, confectionner des coussins. Un voisin lui apporte des croquettes. Sa sœur complète de 300 euros pour passer la barre des 100 000. Dix jours plus tard, elle atteint 115 000 euros. Au total, la vidéo de Réel Média cumule 1,5 million de vues. « C'est le reportage qui a généré le plus d'engagement, observe son auteur. Même si je n'ai fait que filmer, c'est fabuleux de se sentir utile, de voir que l'on a un réel impact sur la vie des gens. » Comment envisage-t-elle la suite, après le buzz ? « Je vais déjà savourer un peu, m'octroyer de vraies vacances, dit Firoozeh. Je veux prendre le temps de faire des calculs pour ne pas me tromper. Le plus gros de la somme sera alloué à l'aménagement de la maison. J'ai un projet de nurserie pour mamans gestantes, je voudrais refaire le sol de la pièce confinement pour les nouveaux arrivants. Ce week-end, je vais sauver un nouveau chien, que j'appellerai Julien. » Sinon, pourquoi Sarko ? « J'ai pour habitude de donner des noms de choses que j'aime bien comme Chips, Pepsi, Pastek ou Amex, pour American Express... »

Cagnotte Son toit sous mon toit à retrouver sur gofundme.com ; plus d'informations sur stsmt.fr

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