Michel Jonasz : « Vous ne me verrez jamais dans un Ehpad »

ENTRETIEN - Dans « Maison de retraite 2 », le chanteur fait l’acteur et incarne un joyeux pensionnaire, un rôle sur mesure.
Michel Jonasz, à Paris, sous les arcades de la place des Vosges, dans le quartier du Marais, le 6 février.
Michel Jonasz, à Paris, sous les arcades de la place des Vosges, dans le quartier du Marais, le 6 février. (Crédits : © CYRILLE GEORGE JERUSALMI POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

Michel Jonasz est définitivement un joueur de blues. Un mélomane dans l'âme, bercé depuis toujours par la musique tzigane. Un gamin né en 1947 à Drancy, lieu d'internement où la famille de sa mère a été placée avant la déportation.

Si un soir il est descendu un peu tard, un peu naze dans cette boîte de jazz, ce n'était pas pour se consoler d'une super nana partie pour un autre que lui et surtout pas à cause de lui, mais pour passer une audition de piano qui n'a pas convaincu le jury. De cet échec il a fait un succès. À 77 printemps dont cinquante-cinq ans de carrière dans la chanson, la télé, le théâtre et le cinéma, il conserve cette malice enfantine et cette crépitante simplicité.

Dans son bureau du Marais, il demande à Nora, la maquilleuse, de vider le tube de laque pour dompter sa crinière éclatante. Michel est d'humeur badine. Entre deux coups de pinceau, il raconte ses fous rires sur le tournage de Maison de retraite 2, particulièrement ceux avec Jean Reno. « C'est vrai que nous avons bien profité de la cantine ! » Naturellement, il s'accroche à mon bras pour rejoindre la place des Vosges, salive devant une pâtisserie, commente les galeries d'art sous les arcades et prend la pose sans jamais manifester d'ennui. C'est la classe, ce Jonasz !

La TRIBUNE DIMANCHE - Vous jouez dans Maison de retraite 2 avec une sacrée bande de septuagénaires. Vous vous sentez vieux ?

MICHEL JONASZ - La vieillesse, c'est dans la tête, c'est d'avoir ce sentiment de ne plus progresser. Et moi, je ne suis pas programmé pour ça. Je suis né avec la certitude que la vie m'apportera de belles choses. Certes, aujourd'hui, j'ai un peu moins de cheveux et un peu plus d'embonpoint, mais je garde le même optimisme qu'à mes 10 ans. Ma seule crainte est de ne plus avoir les moyens physiques ou cérébraux à la hauteur de mon enthousiasme. Mais je garde espoir, ma mère a vécu jusqu'à 94 ans avec toute sa tête !

Lire aussi« Le cinéma est le miroir d'un vaste changement sociétal » (Emmanuelle Devos, actrice)

Hasard de la vie, vous avez écrit en 2019 La Maison de retraite. Avec comme paroles « peur de la dépendance », « on vivra libres et dignes ». C'est possible en Ehpad ?

J'ai tout fait pour que mes parents restent le plus longtemps possible chez eux. Pour en avoir visité, ça ne sent pas la liberté. Ça pue l'ennui, la mort, l'exploitation. Mais il ne faut pas généraliser. Il y a probablement des établissements de grande bienveillance. Et parfois, il n'y a pas d'autre solution que de placer ses parents en maison de retraite. Mais en ce qui me concerne, vous ne me verrez jamais dans un Ehpad !

La loi sur la fin de vie est en train d'être débattue au Sénat. Vous êtes pour ?

Je suis surtout pour la liberté de choix de chacun. Je peux comprendre que l'on n'ait pas envie de souffrir quand on se sait condamné. En revanche, je suis partagé lorsque la personne est dans un coma prolongé, car elle n'a pas la possibilité de décider. On a déjà vu des personnes se réveiller après un long coma.

Mais si un jour vous vous sentiez condamné, quelle serait votre décision ?

J'ai toujours eu la foi et je crois aux miracles. Même si un jour, on me diagnostique la maladie de Charcot, par exemple, je continuerai d'y croire. J'essaierai de faire le plus possible un travail d'ordre spirituel. Une chose est sûre, je n'irai pas en Suisse ou en Belgique.

Vos chansons sont souvent mélancoliques. Vous avez le blues, parfois ?

Ça m'arrive, mais je me soigne. J'ai toujours été obsédé par le bonheur.

À cause de votre histoire familiale ?

Très certainement. Ma mère est la seule survivante, avec sa sœur, de la Shoah. Ses parents ont quitté la Hongrie en 1930, car les discriminations envers les Juifs étaient déjà oppressantes. Ma mère a 16 ans quand elle arrive en France. Elle travaille dans un salon de coiffure avec sa sœur au Blanc-Mesnil. Puis ses parents et ses quatre frères sont arrêtés, dont deux par la police française. Ils ne reviendront jamais des camps de concentration.

« La vieillesse, c'est dans la tête, c'est d'avoir ce sentiment de ne plus progresser »

Michel Jonasz

Avez-vous déjà ressenti de la honte de vos origines ashkénazes ?

Je n'ai jamais caché mon histoire. Sauf un jour dans la cour de récré où un gamin a dit « j'aime pas les Juifs ». Je lui ai répondu : « J'en connais un et il est très gentil. » Mais depuis, je n'ai jamais caché être juif, malgré les réticences de ma mère, qui aurait préféré que je me taise. Ma tante, elle, n'avait jamais osé raconter ses origines à ses enfants. C'est moi qui leur ai tout raconté !

Que pensez-vous de la loi sur l'immigration ?

Je suis toujours déchiré par ces images de migrants en pleine mer. Je peux comprendre ceux qui disent « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Mais on ne peut pas non plus laisser les gens se noyer ! La priorité est de les sauver ; mais après, que fait-on de ces gens qui ont fui leur pays ? Je me sens davantage concerné, car si la France n'avait pas accueilli ma mère je ne serais pas là à parler avec vous.

Votre timbre de voix dans vos chansons est unique. A-t-il été critiqué ?

On ne m'a jamais parlé de ma voix, mais certains ont pu me décourager de faire ce métier pour des raisons que je n'ai pas envie de raconter.

Et vous n'avez jamais pensé abandonner ?

Quand je décide quelque chose, rien ne peut m'arrêter. Par exemple, il était inenvisageable de faire mon service militaire car c'était aux antipodes de mon caractère. J'étais tellement convaincu que je n'ai jamais été appelé ! J'ai quitté l'école en seconde car je ne supportais pas de devoir rendre des comptes. J'ignorais que j'allais devenir artiste, même si la musique tzigane était omniprésente dans ma famille. « Le Tzigane se réjouit en pleurant » - c'est un proverbe hongrois que je n'oublierai jamais.

Vous êtes très concerné par l'écologie. L'heure de stationnement pour les SUV passe à 18 euros. Choqué, pas choqué ?

Je pense être concerné car j'ai un Volvo XC60. Je veux bien utiliser les transports en commun ! Il m'arrive souvent de prendre le RER pour rentrer chez moi en banlieue parisienne. Mais encore faut-il que le réseau soit à la hauteur !

C'est comment, le dimanche de Michel Jonasz ?

J'aime beaucoup le dimanche, ça remonte à mon enfance. Je déjeunais chez mes grands-parents paternels et ma grand-mère nous cuisinait des plats hongrois. Si j'aime autant manger et cuisiner, c'est grâce à elle... ou à cause d'elle ! [Rires.]

Maison de retraite 2, de Claude Zidi Jr, avec Kev Adams et Jean Reno. Sortie mercredi.

SES COUPS DE CŒUR

Vous avez dit gourmand ? Entre deux gorgées de pessac-léognan ou de Cristal Roederer rosé, il aime buller sur son canapé devant les séries Breaking Bad et Good Doctor. Quand lui vient l'envie de se taper la cloche et de faire la bamboche, il appelle ses copains toqués étoilés. Guy Savoy ou Alain Ducasse ? Peu importe. Il a toujours son rond de serviette à la table des chefs.

Benoit Paris : 20, rue Saint-Martin, Paris 4e.

Restaurant Guy Savoy : Monnaie de Paris, 11, quai de Conti, Paris 6e.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.