L’avenir du ciment sera green et… landais

Une start-up des Landes a mis au point une recette de ciment écologique à base d’argile crue. Une petite révolution pour l’habitat de demain.
(Crédits : © Materrup)

« Au début, on nous a pris pour des fous ! » Entre ironie et fierté, l'équipe rembobine l'histoire de la start-up Materrup. En 2018, les frères jumeaux Mathieu et Charles Neuville arrivent sur le marché du bâtiment avec leur ciment écologique sous le bras. Ils ambitionnent de vendre un produit qui émet deux fois moins de CO2. Le colossal secteur les regarde de haut et les surveille de loin. Le ciment, c'est ce liant hydraulique qui, mélangé à de l'eau, du sable ou des granulats, va notamment former le béton de nos routes et pistes cyclables, des fondations de nos maisons et résidences collectives. Mais voilà, il est responsable de 7 % des émissions mondiales de CO2, devant le transport aérien. Et le secteur du bâtiment représente 23 % des émissions de gaz à effet de serre en France. De quoi donner le tournis, et de sérieuses envies de révolution.

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 Une « usine verte »

À deux pas de la forêt landaise, sur le site de l'entreprise, des blocs de parpaings, des montagnes de dalles de couleur grège attendent de partir chez les clients. Pas de cheminée crachant une fumée noire : ici, c'est une « usine verte » où le ciment est fabriqué à base d'argile crue. La recette inédite peut en contenir jusqu'à 70 %, et se distingue par une absence de calcination. Ce qui réduit de 60 % les émissions de CO2 et de moitié la consommation d'énergie dans la fabrication. Autre point « green » : l'entreprise récupère l'argile « sur de grands chantiers, auprès d'industriels qui ont des déchets argileux », détaille Julie Neuville, CIO (chief impact officer) de Materrup : « D'un déchet qui est un problème, on a fait une ressource. » Ainsi, l'entreprise propose des prix analogues à ceux du secteur.

Histoire d'alléger encore le bilan carbone, la société a fait le choix de petites usines installées à proximité des ressources et des clients. La première, dans les Landes, abrite les 15 salariés de l'entreprise. Une deuxième est programmée en Occitanie, et cinq autres en France, en partenariat avec le cimentier Vicat.

« Une stratégie du concret »

Au Pays basque, l'entreprise de construction Duhalde utilise ce ciment depuis presque deux ans.

« On voulait aller plus loin dans la démarche écologique, raconte Mattin Duhalde, le directeur général délégué du groupe. Ils nous ont présenté leurs résultats et on a foncé. Pour nous, c'est une forte valeur ajoutée, sans rien changer à notre manière de travailler. On l'utilise de plus en plus. » « Une stratégie du concret » qui plaît à Mathieu Neuville. « On veut être sur les chantiers », dit-il, prouver les qualités de ce ciment aux « performances équivalentes ». Le produit a subi une série de tests pour assurer (et rassurer) sur les aspects techniques : pression, vibrations, chaleur, gel et dégel, tests au sel... Le ciment écolo est aussi « solide, résistant et durable » que le classique. Le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) a certifié le tout et accompagne l'entreprise dans son déploiement.

La route est encore longue, dans un secteur qui travaille avec « la même recette de ciment depuis deux cents ans », reconnaît Julie Neuville. Mais le concept interpelle, se diffuse. L'équipe était en Chine la semaine dernière pour présenter sa technologie. Mais ne comptez pas sur eux pour parler chiffre d'affaires ou parts de marché. Ici, on raisonne seulement en « évitement carbone » : « Notre objectif : 100 millions de tonnes de CO 2 évitées d'ici à 2030. »

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