
La Made in France a le vent en poupe. Dans les vastes allées du parc des expositions à Paris, les visiteurs se bousculent ce vendredi 10 novembre pour aller dénicher les produits fabriqués en France. Plus de 100.000 personnes sont attendues durant les quatre jours du salon du Made in France.
En 2012, près de 15.000 personnes avaient franchi les portiques du salon. Pour cette 11ème édition, les organisateurs ont convié plus de 1.000 exposants venant des quatre coins de la France. D'un pas pressé, le ministre de l'Industrie Roland Lescure est venu ce vendredi avec une armée de députés et sénateurs pour passer plus de quatre heures à déambuler au milieu des stands.
Un défilé de ministres, élus et représentants du patronat
Dans l'après-midi, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire est également passé prendre la température d'un événement devenu incontournable pour les ambassadeurs du fabriqué en France. A l'image de l'ancien ministre du redressement productif Arnaud Montebourg venu faire la promotion des produits tricolores devant un parterre de jeunes.
« Travailler avec ses mains, c'est travailler avec sa tête », a-t-il scandé. « Au lieu d'aller vers les métiers du conseil ou de la finance, j'incite les jeunes des écoles de commerce à aller fabriquer et construire. Ce sont des métiers importants [...] Après le Covid, beaucoup de salariés en ont eu marre de leurs métiers à la Défense. Ce que David Graebber [un anthropologue américain] appelait les bullshit jobs », a-t-il rappelé.
La veille, la ministre des PME OIivia Grégoire, le patron du Medef Patrick Martin ou encore la cheffe de file des députés de la France insoumise Mathilde Panot sont également venus fouler les longues allées de cette exposition.
Arnaud Montebourg ce vendredi 10 novembre au MIF. Crédits : Reuters.
Une usine éphémère
L'originalité de cette édition est la présence d'une usine éphémère. Souvent méconnues du grand public, les usines et ateliers font souvent l'objet d'interrogations. En faisant venir les machines, les organisateurs espèrent attirer la curiosité des visiteurs. Entre les pompes à chaleur d'Inthuis (Hauts-de-France), les gants et bonnets Missegle (Occitanie) ou encore les pulls Saint-James (Normandie), une variété de produits de consommation sont fabriqués sous les yeux des curieux sur un espace de 1.400 mètres carrés. « 50 machines ont été transportées dans le salon et 24 entreprises fabriquent sur place des produits de qualité », a déclaré Alain Di Crescenzo, président de CCI France.
Au milieu des démonstrations, le fabricant de brosses à dent Bioseptyl implanté dans l'Oise montre comment il peut changer la tête de ses brosses à dent et recycle les manches usés en mobilier urbain sous les yeux surpris des officiels. Un peu plus loin, le fondateur des jeans 1083 Thomas Huriez interpelle le ministre de l'Industrie sur les enjeux majeurs de la relocalisation d'une industrie du textile décimée par des décennies de délocalisations.
L'inflation enraye la dynamique du Made in France
Derrière cette vitre du Made in France, la situation de l'industrie tricolore est loin d'être florissante. Les Français achètent certes en grande majorité (85%) des produits fabriqués dans l'Hexagone, selon un sondage réalisé par OpinionWay pour CCI France. Mais plus de deux tiers (67%) estiment que l'inflation a eu un impact sur cette consommation.
Depuis la guerre en Ukraine, les prix dans l'alimentaire, le textile ou les biens de consommation durable ont flambé dans la plupart des enseignes tricolores. La part du « fabriqué en France » dans la demande intérieure finale française a perdu 11 points entre en 50 ans, passant de 89% à 78%, selon une analyse de l'Insee, publiée il y a quelques jours. Cette baisse est d'autant plus prononcée pour les produits manufacturés, où la part représentée par le Made in France a chuté de 82% à 38% en cinq décennies.
Le désarroi de l'industrie textile
Résultat, des secteurs entiers se retrouvent en fortes difficultés à l'instar de l'industrie du textile. Dans une lettre envoyée au chef de l'Etat Emmanuel Macron, plusieurs industriels ont tiré la sonnette d'alarme. « Dans notre secteur, le "Fabriqué en France" est à un moment charnière. Suite à la pandémie et aux aides mises en place pour accompagner les relocalisations, ce sont près de 15.000 emplois qui ont été créés en 2022. Toutefois, le contexte mondial et les tensions économiques ont eu raison de cette dynamique et 2023 a été rythmée par l'annonce de faillites successives ».
Pour le président des chambres de commerce et d'industrie interrogé par La Tribune, « il faut absolument travailler sur les volumes vendus en France et à l'international pour amortir cette hausse des coûts ». Ces dernières années, le gouvernement a certes multiplié les plans et les aides en faveur de l'industrie (Territoires d'industrie, plan de relance, France 2030). Mais le niveau d'activité de l'industrie manufacturière n'a pas encore retrouvé son niveau d'avant crise sanitaire souligne l'Insee. Autant dire que le chantier de la réindustrialisation semble colossal.