Impôts 2023 : comment tirer profit du quotient familial maintes fois réformé

Destiné à tenir compte des charges familiales afin de réduire le montant final de l’impôt sur le revenu, le quotient familial a été plusieurs fois modifié. Si la piste d’une demi-part doublée dès le premier enfant a été évoquée par la presse, Bercy semble toutefois l'avoir écartée dans le cadre de son plan de baisses d’impôt en faveur des classes moyennes qui prévoit de diminuer les prélèvements à hauteur de deux milliards d’euros. Un plan ambitieux, et ce, alors que les marges de manœuvre sont restreintes. À l’heure actuelle, le mécanisme de quotient familial présente tout de même quelques avantages. Voici comment en profiter.
Pauline Chateau
Le quotient familial vise à moduler le montant final de l'impôt sur le revenu en fonction du nombre d'enfants d'un ménage, afin de prendre en considération les charges inhérentes aux familles.
Le quotient familial vise à moduler le montant final de l'impôt sur le revenu en fonction du nombre d'enfants d'un ménage, afin de prendre en considération les charges inhérentes aux familles. (Crédits : 23RF.com)

La période déclarative touche déjà à sa fin dès lundi prochain, 22 mai à minuit, pour certains contribuables. Cette première échéance concerne les foyers fiscaux ayant encore recours au formulaire papier, le cachet de la Poste faisant foi. Pour rappel, la déclaration de revenus en ligne est désormais obligatoire pour tous. Seuls ceux dont le domicile n'est pas équipé d'une connexion internet, ou qui n'ont pas les capacités pour remplir le formulaire en ligne, peuvent encore utiliser le fameux exemplaire n°2042 et les documents complémentaires (2042-C, 2042-C PRO, 2044, 2042-RICI...).

Lire aussiImpôts 2023 : tout ce qui change pour les contribuables

Avant même de réaliser l'inventaire des revenus perçus en 2022, il convient de vérifier les informations préremplies par le fisc, à commencer par la situation familiale. Chaque évolution doit faire l'objet d'une déclaration dans les 60 jours suivant l'événement (naissance, mariage ou Pacs, divorce, décès...) sur le site impots.gouv.fr, afin d'ajuster le taux de prélèvement à la source du foyer. En revanche, rien ne garantit que l'évolution notifiée à l'administration soit bel et bien prise en compte dans le formulaire prérempli. Raison pour laquelle il est primordial d'être attentif.

Lire aussiImpôts 2023 : ces revenus à ne surtout pas négliger dans sa déclaration

« Favoriser une politique familiale »

D'autant plus que la situation familiale peut générer de sérieux avantages. Outre les avantages fiscaux, comme la réduction d'impôt au titre des frais de scolarité ou le crédit d'impôt pour frais de garde hors du domicile, le simple mécanisme de quotient familial est bénéfique. Créé dans la période de l'après-guerre, dans les années 1950, il a été mis en place afin d'encourager la natalité dans une France meurtrie par la Seconde Guerre mondiale. L'Hexagone fait partie des rares pays, avec le Portugal et le Luxembourg, à avoir mis en place un tel dispositif, nous rappelle l'Insee dans une étude publiée en 2021.

« La genèse du quotient familial consiste à favoriser, d'un point de vue fiscal, une politique familiale, et ainsi les familles nombreuses », confirme Guy Parlanti, avocat fiscaliste associé à Paris au cabinet Gozlan & Parlanti.

« Le quotient familial désigne le nombre de parts affectées à chaque foyer fiscal pour le calcul de l'impôt sur le revenu », rappelle le ministère de l'Economie sur une page dédiée, comme défini à l'article 194 du Code général des impôts. Il permet ainsi de diviser le revenu imposable en fonction d'un nombre de parts : un couple avec deux enfants à charge compte ainsi trois parts (deux au titre des adultes, et deux demi-part au titre des enfants).

Lire aussiImpôts : ces avantages fiscaux trop souvent oubliés

Un gain non-négligeable...

« C'est une logique qui consiste à casser la progressivité de l'impôt », souligne l'avocat. De fait, il vise à moduler le montant final de l'impôt sur le revenu en fonction du nombre d'enfants d'un ménage, afin de prendre en considération les charges inhérentes aux familles. Le barème progressif de l'impôt sur le revenu fixe le taux de la première tranche à 0%, lorsque les revenus sont inférieurs à 10.777 euros.

« Lorsqu'on a une demi-part supplémentaire, ce n'est plus 10.777 euros, mais 16.165 euros, illustre Guy Parlanti, qui rappelle que le gain n'est pas identique selon la situation familiale du foyer fiscal. Si on a un contribuable, dont le revenu imposable du foyer s'élève à 50.000 euros, et dont le taux marginal d'imposition atteint 30% : le montant d'impôt s'élève à 8.594 euros pour une part, avant avantages fiscaux. Maintenant, un foyer avec deux parts, aurait, lui, 5.238 euros d'impôt à payer. »

... À évaluer lors de la déclaration de revenus

Dans cette perspective, au moment de remplir sa déclaration de revenus 2023, le contribuable doit s'interroger sur deux points :

  • Le rattachement fiscal des enfants mineurs, dans le cadre d'une séparation : « Lorsque les époux font l'objet d'une imposition séparée (...), chacun d'eux est considéré comme un célibataire ayant à sa charge les enfants dont il assume à titre principal l'entretien, rappelle le législateur. Dans cette situation, ainsi qu'en cas de divorce, de rupture du pacte civil de solidarité ou de toute séparation de fait de parents non mariés, l'enfant est considéré, jusqu'à preuve du contraire, comme étant à la charge du parent chez lequel il réside à titre principal. »
  • Le rattachement fiscal des enfants majeurs, jusqu'à 21 ans, voire jusqu'à 25 ans s'ils poursuivent des études : il permet de bénéficier des avantages découlant du quotient familial. En revanche, le contribuable doit ajouter les revenus perçus par ces mêmes enfants, ce qui peut faire gonfler le revenu imposable. Raison pour laquelle il convient de comparer le gain de cette option avec le détachement fiscal des enfants majeurs qui, lui, permet de déduire une pension alimentaire, au titre de l'obligation alimentaire, lorsque l'enfant n'est pas en mesure de répondre financièrement à ses propres besoins.

« Le quotient familial va plus loin que la politique familiale, nuance l'avocat spécialiste de la fiscalité des particuliers. Vous avez des cas dans lesquels vous pouvez bénéficier d'une demi-part supplémentaire de quotient familial indépendamment du nombre d'enfants à charge. Pour le coup, nous sommes dans une logique d'aide ou de récompense de l'Etat au regard de situations particulières. »

On peut notamment citer la demi-part attribuée aux titulaires de la carte d'invalidité, aux anciens combattants ou encore aux parents isolés. L'intégralité des cas est listée à l'article 195 du Code général des impôts.

Lire aussiImpôts 2023 : habiter à l'étranger ne garantit pas de ne pas en payer

Un mécanisme plafonné

À noter : les majorations de quotient familial précédemment citées - au titre de la famille ou non - font l'objet d'un plafonnement. En clair, il n'est pas possible d'accumuler les demi-parts afin de réduire son impôt à néant. « Dans le cas général, la réduction d'impôt lié au quotient familial est limitée à : 1.678 euros pour chaque demi-part supplémentaire ; 839 euros pour chaque quart de part supplémentaire », rappelle Bercy sur son site, citant l'article 197 du Code général des impôts. « En pratique, la limitation ne joue qu'à partir d'un certain niveau de revenu », précise le Bulletin officiel des finances publiques.

Le doublement de la demi-part pour le premier enfant écarté

Dans le cadre de la baisse d'impôts de deux milliards d'euros pour les plus modestes, une réforme du quotient familial aurait, un temps, été envisagée par le gouvernement. Elle aurait attribué une part complète de quotient familial - et non, une demi-part supplémentaire comme c'est le cas à l'heure actuelle - dès le premier enfant. « Je ne sais pas d'où ça sort (...) », avait balayé Gabriel Attal, ministre des Comptes publics au micro de BFMTV, le 5 mai dernier. Interrogé par Capital.fr la semaine passée, le cabinet du ministre a confirmé écarter cette piste.

Et pour cause, si la mesure est bénéfique pour les familles (861 euros d'économies pour un couple avec un enfant à charge et un revenu imposable de 45.000 euros, selon les simulations réalisées par France Info), elle est surtout très onéreuse pour les finances publiques.

Lire aussiLa France n'a plus de marges de manoeuvre pour réduire les impôts des classes moyennes

Le quotient familial, déjà réformé sous Hollande...

Par le passé, le quotient familial a été la cible de plusieurs réformes, la plus marquante ayant été réalisée sous François Hollande, en 2013. Le gouvernement socialiste, alors dirigé par Jean-Marc Ayrault, avait alors décidé d'abaisser le montant du plafond du bénéfice du quotient familial. À titre indicatif, le dernier abaissement datait de 1998, le plafonnement lui-même ayant été mis en place en 1983.

L'exécutif avait alors évoqué une mesure « évidente de justice », « mise en œuvre dès 2014 », qui doit améliorer « de près d'un milliard d'euros la situation de la branche famille » de la Sécurité sociale, endettée à hauteur de 2,5 milliards d'euros en 2011. La majorité avait déjà touché à ce plafond, en octobre 2012, l'abaissant de 2.336 euros à 2.000 euros, conformément à une promesse de campagne de François Hollande.

... Pour réduire l'avantage auprès des plus aisés

Sans surprise, ces deux réformes conjuguées ont provoqué une véritable levée de boucliers. En plafonnant davantage le quotient familial, le gouvernement socialiste a, de facto, réduit l'avantage fiscal qui en découle pour les plus aisés. L'ancêtre du parti Les Républicains, l'UMP invoquait alors la défense des classes moyennes, affectées, selon le parti, par cette réforme. Cette mesure devait, sur le papier, augmenter de 64 euros par mois en moyenne les impôts de 1,3 million de foyers, soit 12% des ménages avec enfant(s) à charge. Selon Matignon en 2013, les familles touchées par la réforme figuraient quasiment toutes parmi les 20% des foyers fiscaux français les plus riches.

« Le plafonnement du quotient familial est un dispositif principalement concentré dans le haut  de la distribution des niveaux de vie, confirme l'Insee dans son étude de 2021. Il concerne moins de 3,5% des ménages parmi les 75% les plus modestes alors que 86% des ménages concernés par le plafonnement du quotient familial appartiennent aux 20% les plus aisés dont 28% parmi les 5% les plus aisés. »

Sous Macron, la demi-part de certaines veuves réinstaurée

Bien qu'il soit appliqué avec un mécanisme de plafonnement, le quotient familial est susceptible de concerner tous les foyers fiscaux a priori, sans distinction de revenus. Pour en réserver le bénéfice aux familles les plus fragiles, un rapport parlementaire préconisait en 2018 de remplacer l'avantage fiscal par des allocations familiales pour tous dès le premier enfant sous conditions de ressources.

« C'est une ligne rouge qui, pour nous, n'est pas acceptable. C'est la remise en cause pure et simple de toute la politique familiale qui vise à remettre en cause le quotient familial », avait alors réagi Christian Jacob, président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale. Par le passé, d'autres acteurs ont prôné la mise en place d'un crédit d'impôt pour les familles modestes, avec des enfants à charge. Aucun chantier d'ampleur ne semble toutefois à l'étude.

Seule mesure notable relative au quotient familial, sous le quinquennat d'Emmanuel Macron : la demi-part supplémentaire pour les veuves d'anciens combattants âgées de plus de 74 ans. Inscrite dans la loi de finances 2023, cette mesure est destinée à faire bénéficier tous les conjoints survivants - quel que soit l'âge du décès de l'autre conjoint - d'une majoration de leur quotient familial, avec une demi-part supplémentaire. Ainsi, un veuf ou une veuve de plus de 74 ans, seul et sans personne à charge, bénéficie d'1,5 part, et non d'une part. Seule condition pour prétendre à cet avantage fiscal : le conjoint décédé devait être titulaire de la carte du combattant au moment de son décès.

Le quotient familial, totem de la fiscalité en France

Le dispositif de la demi-part des veuves, aussi appelée « demi-part vieux parents » - hors conjoint d'un ancien combattant et/ou invalide -, a, lui, été supprimé de manière progressive sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Pour soulager les conjoints survivants confrontés au deuil et à un alourdissement de leur fiscalité - du fait de la perte de la deuxième part de quotient familial - plusieurs sénateurs avaient déposé une proposition dans le cadre du projet de loi de finances 2021. Les élus proposaient alors l'instauration d'une assurance veuvage, mais cette piste a été rejetée.

Plus récemment, le gouvernement Borne a récemment annoncé la mise en place d'une individualisation du taux de prélèvement à la source pour les couples mariés et pacsés, sans toutefois remettre en cause le principe de conjugalité de l'impôt sur le revenu. Difficile, pour l'heure, d'imaginer le lancement d'un tel débat sur la familialisation de la fiscalité en France, tant le quotient familial apparaît, aujourd'hui encore, comme un totem.

Pauline Chateau
Commentaire 1
à écrit le 20/05/2023 à 22:38
Signaler
On ne comprends plus très bien l'utilité de cette politique nataliste ? Quel est l'intérêt de favoriser les familles nombreuses, alors que la France est en surpopulation ?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.