Impôts 2023 : habiter à l’étranger ne garantit pas de ne pas en payer

En théorie, un contribuable résidant plus de 6 mois à l’étranger, soit 183 jours, n’est pas considéré comme résident fiscal en France. En pratique, on dénombre bien plus de critères pour échapper à ce statut. Pour autant, non seulement la résidence fiscale hors de l’Hexagone n’exempte pas de l’obligation de remplir une déclaration de revenus, mais elle ne garantit en aucun cas de ne pas être redevable de l’impôt sur le revenu. A quelques jours de la date limite de la déclaration d'impôt, La Tribune vous explique tout en détail.
Pauline Chateau
La fiscalité en France et au Royaume-Uni ne répond pas aux mêmes critères (Photo d'illustration).

[Article publié le samedi 13 mai 2023 à 07h00 et mis à jour le mardi 23 mai 2023 à 11h21] Il ne reste plus que quelques jours pour les contribuables non-résidents, afin de remplir leur déclaration de revenus. Les non-résidents font partie des premiers à devoir remplir leur déclaration de revenus sur le site impots.gouv.fr. La date limite est fixée au jeudi 25 mai, à minuit, comme les foyers fiscaux de la zone 1, pour les départements numérotés de 01 à 19. Et pour cause, habiter en dehors de l'Hexagone, pour des raisons familiales ou professionnelles, n'exempte pas de remplir une déclaration d'impôt au printemps, comme n'importe quel contribuable.

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Pour savoir si l'on doit remplir effectivement une déclaration de revenus cette année, le contribuable doit, en premier lieu, déterminer sa résidence fiscale. Et ce, même s'il réside plus de six mois (183 jours) en dehors de France.

 « C'est davantage une question de faits et de circonstances que de choix, avertit d'emblée Cédric Rivière auprès de La Tribune, avocat spécialisé en fiscalité internationale des particuliers. Il faut s'attacher à analyser la résidence fiscale, d'autant plus que la très grande majorité des contribuables accordent une importance aux 183 jours de résidence dans un pays. Or, c'est bien plus compliqué que cela. »

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Une, voire plusieurs résidences fiscales

Mais dans ce cas, quels sont les critères déterminant la résidence fiscale ? « C'est une analyse qui s'effectue en deux étapes : il faut d'abord voir si l'on est considéré comme résident fiscal dans un ou deux pays au regard de la législation fiscale nationale domestique de chaque pays », introduit le professionnel inscrit au barreau de Périgueux depuis 2018.

« La seule application du droit interne propre à chaque pays peut (...) aboutir à ce que vous soyez considéré comme résident fiscal de plusieurs pays, confirme ainsi la Direction générale des finances publiques (DGFIP) sur son site. Le cas échéant, afin de déterminer un lieu de résidence fiscale unique, il convient de vous reporter à la convention applicable à votre situation particulière. »

En clair, il est indispensable de se renseigner sur le droit fiscal en vigueur en France et dans l'autre pays. « Chaque pays a ses critères », appuie l'avocat spécialisé. Pour ne pas être considéré comme résident fiscal en France, le contribuable ne doit répondre à aucun des critères suivants, si l'on s'en fie au site des impôts :

  • Le foyer fiscal reste en France : autrement dit, le conjoint ou le partenaire de Pacs, voire les enfants, sont établis dans l'Hexagone, et ce, même si le contribuable est amené à résider à l'étranger de manière temporaire.
  • Le centre des intérêts économiques (investissements, siège des affaires ou des activités professionnelles) se situe en France. « Cela va être là où vous avez le patrimoine le plus important », détaille Cédric Rivière.

De multiples critères

A ces deux critères, qualifiant les centres d'intérêts économiques et familiaux du contribuable, s'en ajoutent deux supplémentaires. Le critère du « séjour principal », duquel découle la règle des 183 jours, entre alors en jeu. Si l'on se fie au Bulletin officiel des Finances publiques (BOFIP), « doivent être considérés comme ayant en France le lieu de leur séjour principal, les contribuables qui y séjournent pendant plus de six mois au cours d'une année donnée ».

« On ne s'attache à regarder ce critère que si on n'a pas de foyer [familial, ndlr] en France », martèle Cédric Rivière. En clair, un contribuable qui travaille pour une entreprise au Royaume-Uni par exemple plus de 183 jours par an, mais dont la conjointe et les enfants sont restés en France, est tout de même considéré comme résident fiscal français. En outre, la législation précise bien que la règle des 183 jours « ne constitue pas un critère absolu », citant plusieurs arrêts du Conseil d'Etat. En d'autres termes, il n'est plus suffisant d'invoquer les six mois ou plus pour échapper au statut de résident fiscal en France.

Le dernier critère, et pas des moindres, est professionnel. « On va s'attacher d'abord à étudier le temps passé : il y a une jurisprudence sur le sujet, qui acte le fait que l'activité principale est celle pour laquelle on accorde le plus de temps, et non celle grâce à laquelle on tire le plus de revenus », explique l'avocat fiscaliste. La fiscalité est ensuite, théoriquement, proratisée en fonction du temps passé dans tel et tel pays, si le salarié a exercé dans les deux pays au cours de l'année d'imposition.

La convention fiscale, un incontournable...

L'ensemble des critères précédemment mentionnés sont alternatifs : répondre à un seul d'eux suffit à être considéré comme résident fiscal de France. De quoi compliquer la tâche du contribuable, pour lequel le droit fiscal est aride et rébarbatif. Le chemin de croix est pourtant loin d'être terminé, puisqu'il faut s'atteler à dénicher les critères de résidence fiscale dans l'autre pays. Au Royaume-Uni, par exemple, on retrouve les critères du foyer fiscal, de l'activité professionnelle et des 183 jours. Lorsqu'ils ne sont pas remplis, il convient de réaliser le Sufficient Ties Test (STT). « Il consiste à mesurer le nombre de liens avec le pays : c'est très mathématique comme appréciation », illustre Cédric Rivière.

Une fois la, voire les résidences fiscales déterminées, il convient d'éplucher la convention fiscale des deux pays. Objectif affiché, évaluer les modalités d'imposition de chaque type de revenus (salaires, pensions, revenus fonciers, revenus du capital, etc). Les revenus de nature française, eux, sont soumis à l'impôt sur le revenu, et ce, même si le contribuable est effectivement non-résident fiscal en France. Ainsi, un contribuable propriétaire d'un bien immobilier, dont il tire des revenus fonciers ou classés en bénéfices industriels et commerciaux (BIC) s'il est meublé, est redevable de l'impôt sur le revenu sur ceux-ci, par exemple. Par conséquent, il est contraint de remplir une déclaration de revenus, comme n'importe quel contribuable au printemps.

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... Pour déterminer ce qui est imposable ou non et où

Quid de ceux perçus à l'étranger ? « Encore faut-il qualifier la nature de ces revenus », souffle Cédric Rivière. La fiscalité des revenus - et in fine, le fait d'être redevable de l'impôt sur le revenu en France ou ailleurs - diffère selon son origine - pays source ou de résidence -, la convention fiscale permettant en théorie d'éviter les doubles impositions. Or, parfois, la France et les pays étrangers n'ont pas la même compréhension et qualification des revenus.

« Au Royaume-Uni, vous avez ce que l'on appelle les Premium Bonds, un système de compte épargne géré par le National Savings and Investments, complète l'avocat fiscaliste. C'est une sorte de loterie, c'est un mélange d'intérêts et de gains. Ces derniers, en théorie, ne sont pas imposables en France. Ils ne le sont pas non plus au Royaume-Uni, mais pour une raison que j'ignore, les contribuables considérés comme résidents fiscaux en France doivent les déclarer. »

Autre exemple marquant, les pensions de retraite. « Dans la quasi-totalité des conventions fiscales signées par la France, on distingue deux types de pensions : les pensions privées ou de Sécurité sociale, détaille Cédric Rivière. Et ensuite, vous avez les pensions des anciens fonctionnaires. Dans la majorité des cas, les premières sont soumises à l'impôt dans le pays de résidence. » Ce qui n'est pas le cas des secondes, pour lesquelles la fiscalité du pays source est retenue, sauf convention fiscale prévoyant une disposition contraire. Comble de la complexité, la convention fiscale est susceptible d'évoluer.

Un taux minimum d'imposition pour les non-résidents

Pour le spécialiste de la fiscalité internationale des particuliers, les contribuables doivent aussi être attentifs aux modalités d'imposition de leurs revenus. « Lorsque vous êtes non-résident et que vous avez des revenus de source française, il y a un taux minimum de 20% jusqu'à 27.478 euros [de revenu net imposable perçu en 2022, ndlr] », rappelle l'avocat fiscaliste. Au-delà, c'est un taux de 30% qui s'applique, comme le confirme le site impots.gouv.fr. Il est toutefois possible de bénéficier d'un taux dit moyen.

« Si vous justifiez que le taux de l'impôt français calculé sur la base de vos revenus de sources française et étrangère (revenu mondial) est inférieur aux taux minimums applicables, ce taux dit « taux moyen » pourra s'appliquer à vos seuls revenus de source française imposables en France (art. 197 A du code général des impôts) », peut-on lire sur la page dédiée de l'administration fiscale.

Dans ce cas, il faut penser à cocher la case « Bénéficier du taux moyen d'imposition (s'il est plus favorable) » sur l'écran de sélection des rubriques, lors de la déclaration en ligne, puis saisir les revenus de source étrangère pour chaque catégorie (traitements, salaires, etc.). Le fisc optant rarement pour la simplicité, les contribuables qui ont choisi le formulaire papier devront remplir la case 8TM du formulaire n°2042-C, puis le formulaire n°2041-TM.

« Cette démarche permet d'alléger la note dans pas mal de cas », confesse Cédric Rivière. Petite subtilité et pas des moindres : les non-résidents ne peuvent pas bénéficier des avantages fiscaux (déduction fiscale, crédit et réduction d'impôt), comme la déduction des frais réels, en principe réservés aux seuls résidents fiscaux en France.

Gare aux prélèvements sociaux

Enfin, l'avocat émet un ultime avertissement aux non-résidents sur les prélèvements sociaux : la contribution sociale généralisée (CSG), le prélèvement de solidarité et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). « Pour un non-résident fiscal, les contributions sociales s'appliquent uniquement aux revenus immobiliers et aux plus-values immobilières de source française perçus », explique l'administration fiscale sur une page dédiée.

« Depuis une jurisprudence de 2015, dite de Ruyter, lorsque vous êtes à la charge d'un système de sécurité sociale d'un autre pays européen, sur les revenus du patrimoine, vous ne payez pas 17,2% de prélèvements sociaux, mais 7,5%, qui correspond au seul prélèvement de solidarité, souligne l'avocat. Malgré le Brexit, les non-résidents fiscaux en France vivant au Royaume-Uni restent concernés : il faut donc faire attention, et cocher les bonnes cases dans sa déclaration. »

Gare à ceux qui oublient leurs compte bancaires à l'étranger

Pour les contribuables qui seraient arrivés au bout de ces démarches, last but not least : il faut encore déclarer ses comptes bancaires détenus à l'étranger. Toute omission expose à une sanction salée de 1.500 euros par compte bancaire non-déclaré. Et mieux vaut éviter de jouer avec le fisc. L'administration fiscale effectue des contrôles sur pièces, avec les déclarations fiscales ainsi que des données des pays étrangers, voire des banques elles-mêmes. « Il y a des accords d'échange de données automatiques, et cela fonctionne extrêmement bien », assène l'avocat fiscaliste, qui rappelle que le fisc dispose du solde des comptes au 31 décembre de l'année d'imposition. « Mon conseil est de déclarer au maximum », assène Cédric Rivière. D'autant plus que certains pays, comme les Etats-Unis, sont très assidus dans la communication des informations bancaires de leurs citoyens installés en France.

Pauline Chateau
Commentaires 9
à écrit le 24/05/2023 à 8:09
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En effet faut d'abord et avant tout être milliardaire pour ça.

à écrit le 23/05/2023 à 17:59
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Réponse à toto: oui évidemment en partant au Portugal j'ai tout bazardé en France. Rien dans ce pays confiscatoire et que je comprends comme étant perpétuellement en Faillite et aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain: 3.000 milliards c'des...

à écrit le 13/05/2023 à 21:14
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LES IMPOTS ;c'est du vol ;j'apelle ça (le proxénéte) ;on voudrait savoir ou va cet argent d'abord ;

le 23/05/2023 à 18:02
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Comment vous faites sans impôts pour payer les enseignants, la police , l'armée , construire des routes etc ..... ?

à écrit le 13/05/2023 à 16:20
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Certains états européens comme le Portugal ont instauré en 1971 un régime spécial, dérogatoire, pour les retraités de l'UE du secteur privé: pas d'IRS (impôt sur le revenu) pendant 10 ans avec le statut RNH (résident non habituel ) et donc aucune déc...

le 14/05/2023 à 18:36
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@revanchard... Attention ce que est écrit est en partie faux ! Si le centre de vos intérêts économiques est en France, si vous n'êtes pas résident permanent au Portugal (i.e. 6 mois au minimum), si votre foyer fiscal est en France, etc. Vous paiere...

le 23/05/2023 à 13:15
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Richard Anthony, c’est toute leur jeunesse. Ils sont quelques dizaines de retraités à être venus guincher pour la Saint-Valentin, trottinant entre les tables d’un petit restaurant de Guia, l’une des nombreuses stations balnéaires de cette côte du sud...

à écrit le 13/05/2023 à 15:08
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"il faut encore déclarer ses comptes bancaires détenus à l'étranger" j'ai oublié le numéro du formulaire prévu pour (chaque année, on y signale aussi la fermeture d'un compté déjà déclaré) mais il ne comporte aucune case pour indiquer leur contenu, o...

à écrit le 13/05/2023 à 10:23
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Cela n'a rien de nouveau, le texte date des années 70...

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