« Nous sommes opposés à cette taxation généralisée des entreprises qui est injuste », Jean-René Cazeneuve, rapporteur du budget

ENTRETIEN - Budget 2023, article 49-3, taxe sur les superprofits, impôts de production, inflation... le rapporteur général du PLF 2023 et député du Gers (Renaissance) Jean-René Cazeneuve revient en détail sur les mesures de lutte contre la hausse des prix de l'énergie. Il justifie un bouclier tarifaire moins généreux en 2023 par « une nécessaire maîtrise des finances publiques».
Grégoire Normand
Le député du Gers Jean-René Cazeneuve lors d'un débat sur le projet de loi de finances rectificative à l'Assemblée nationale le 7 novembre dernier.
Le député du Gers Jean-René Cazeneuve lors d'un débat sur le projet de loi de finances rectificative à l'Assemblée nationale le 7 novembre dernier. (Crédits : Reuters)

LA TRIBUNE - Le Sénat à majorité de droite a adopté en fin de semaine dernière en première lecture le volet « recettes » du projet de budget pour 2023. Les sénateurs doivent s'attaquer dorénavant au volet « dépenses » avant un vote prévu le 6 décembre. Certains élus ont continué à débattre alors que l'article 49-3 risque une nouvelle fois d'être brandi dans l'hémicycle en décembre. Pensez-vous qu'il est possible de trouver des compromis avec des élus de l'opposition sur les textes budgétaires ?

JEAN-RENE CAZENEUVE - Notre méthode est de chercher systématiquement des compromis sur tous les textes. Sur les textes budgétaires, la tâche est plus compliquée. Les oppositions font barrage par principe. C'est leur droit. Mais sur le projet de loi de finances rectificative de cet été ou celui voté récemment, nous avons réussi à trouver des compromis.

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Quels ont été les principaux amendements des oppositions adoptés au parlement sur le dernier Projet de loi de finances rectificative 2022 ?

Plusieurs amendements ont été adoptés pour améliorer le projet de loi. 230 millions d'euros ont été inscrits pour aider les ménages qui se chauffent au bois. Des crédits supplémentaires ont également été votés à l'Assemblée nationale pour l'aide alimentaire (40 millions d'euros), MaPrimerénov (29 millions d'euros), ou de l'équipement militaire supplémentaire pour l'Ukraine. On a voté une nouvelle répartition des produits de l'IFER photovoltaïque favorable aux communes (Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux).

Au Sénat, une aide pour l'insonorisation des riverains vivant près des aéroports a été votée. 100 millions d'euros ont été ajoutés pour les ponts et le réseau routier. Enfin, les agences de l'eau doivent bénéficier d'une rallonge de 50 millions d'euros.

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Le bouclier tarifaire doit être moins généreux à partir de l'année prochaine alors que les prix de l'énergie continuent de flamber. Quelles pourraient être les conséquences de ce moindre soutien pour les ménages et les entreprises ?

Il y a plusieurs manières de voir les choses. On peut considérer qu'une hausse de 15% des tarifs de l'énergie est significative mais si l'Etat ne faisait rien, la hausse des prix de l'énergie serait de 120%. Les Français ont été très protégés par le bouclier tarifaire. La France a été le premier pays en Europe à mettre en place ce type de dispositif, en octobre 2021. L'inflation en France est l'une des plus basses de la zone euro. C'est pourquoi nous prolongeons le dispositif en 2023 afin de maintenir la hausse des prix de l'énergie à 15%.

Le bouclier est moins généreux que celui de 2022 car nous devons trouver un équilibre avec la nécessaire maîtrise des finances publiques. Le bouclier va aider les petites entreprises et les collectivités bénéficiant des tarifs réglementés et tous les Français. Le dispositif reste protecteur.

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Après la ristourne sur les carburants, un dispositif plus ciblé pour les gros rouleurs doit être mis en place. Quel pourrait être le coût de ce mécanisme ?

Le coût de ce dispositif est estimé à 1,5 milliard d'euros. Il reste des modalités à préciser. Son attribution va dépendre d'un critère de ressource et d'un critère de kilomètre parcouru. Il doit cibler les personnes qui font beaucoup de kilomètres pour aller travailler.

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Comment expliquez-vous toutes ces difficultés à mettre en place des mesures plus ciblées pour les ménages et les entreprises ?

Les mesures ciblées sont par définition plus justes et restent le meilleur moyen de maîtriser les dépenses. La prise en compte des revenus et de critères objectifs permet d'avoir des mesures plus justes. Le problème est que l'on ne peut pas multiplier ces dispositifs à l'infini. Actuellement le dispositif qui coûte le plus cher est le bouclier tarifaire. Ce mécanisme aide tous les Français sans discrimination.

Il faut allier des dispositifs généraux pour contenir l'inflation et limiter son impact sur le pouvoir d'achat des ménages à des dispositifs ciblés en fonction de certaines énergies comme on l'a fait sur le bois ou le fioul.

La suppression des impôts de production (CVAE) a suscité de vives réactions chez les élus des collectivités. Quelle est votre position sur la suppression de cette taxe ?

Les réactions sont exagérées. La baisse des impôts de production permet aux entreprises de se développer, de rester en France, d'investir et d'embaucher. Il s'agit d'un gain direct pour les collectivités territoriales. Je rencontre souvent des maires qui m'expliquent qu'ils ont dû mal à attirer des entreprises ou à les garder sur leur territoire.

Les emplois industriels créés le sont avant tout dans nos territoires et non pas dans les grands centres urbains. Ils bénéficient aux collectivités territoriales. Le gouvernement et notre majorité ont largement rassuré les collectivités sur la compensation à l'euro près avec une ressource dynamique à partir de la TVA.

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La taxation sur les superprofits a enflammé les débats partout en Europe. De nombreux États ont mis en œuvre des taxes sur les énergéticiens. Quel regard portez-vous sur les propositions des oppositions ?

Notre position est qu'il faut mettre en place cette contribution mais uniquement sur les entreprises qui bénéficient d'une rente, c'est-à dire les énergéticiens. Notre majorité a retranscrit les décrets européens en 2022 et 2023 dans les textes français. Cela devrait permettre à la France de toucher entre 25 et 30 milliards sur ces deux années. C'est colossal. Cela va permettre de financer le bouclier tarifaire et les aides aux entreprises.

Certains membres des oppositions auraient voulu taxer toutes les entreprises et tous les secteurs. Nous sommes opposés à cette taxation généralisée des entreprises qui est injuste. La majorité agit depuis cinq ans pour que les prélèvements obligatoires baissent et soient dans la moyenne européenne. Nous ne sommes pas non plus en train de transformer la France en paradis fiscal ! On essaie juste de s'aligner sur nos voisins européens. Malgré la pandémie, la résilience de l'économie française a été au rendez-vous. 2023 ne va pas être une bonne année pour les entreprises. Ce n'est pas le moment de les taxer.

Sur cette taxe sur les superprofits, Bercy a calculé que son rendement allait s'établir à 200 millions d'euros. De leur côté, les économistes de l'institut des politiques publiques (IPP) tablent sur un rendement de 6 à 7 milliards d'euros. Comment expliquez-vous un tel écart ?

Il y a deux composantes sur ces contributions. La première porte sur les énergéticiens et l'autre sur les hydrocarbures. Il me semble que l'écart concerne avant tout le secteur du raffinage des hydrocarbures. Sachant que cette taxe doit s'élever à 33% des profits exceptionnels, il faudrait que le secteur ait enregistré environ 20 milliards de profits. En France, il y a trois grandes raffineries. Un tel rendement paraît surprenant. Je dois rencontrer ces économistes pour y voir plus clair.

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Le gouvernement a retranscrit le texte européen de la « contribution aux rentes infra-marginales » dans le PLF 2023. Combien ce mécanisme pourrait-il rapporter au budget ?

Ce mécanisme pourrait rapporter 19 milliards d'euros à la France mais ce chiffre va dépendre des cours de l'énergie.

Après deux années de « quoi qu'il en coûte », le Fonds monétaire international (FMI) a appelé la France à mettre en place une « consolidation budgétaire » en 2023. Comment interprétez-vous cette recommandation ?

Le FMI a donné un satisfecit à la France sur les mesures du « quoi qu'il en coûte » et le bouclier. L'institution table sur une croissance du PIB de 0,75% en 2023. Cela conforte notre stratégie. Le FMI recommande à la France une consolidation budgétaire. C'est en réalité déjà ce qu'il y a dans la loi de programmation des finances publiques que l'on doit faire voter à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Le président s'est engagé à être en dessous de 3% de déficit en 2027. Dans le contexte de cette crise énergétique, l'État a mis en place des aides et au fur à mesure on complète ces dispositifs en fonction de l'évolution de la crise.

Propos recueillis par Grégoire Normand

Grégoire Normand
Commentaires 6
à écrit le 29/11/2022 à 13:08
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" Les prix de l'énergie flambent" !!! Quant le baril est redescendu a 80 $ , quand le gaz liquéfié se vend a prix raisonnable aux USA mais est l'objet de prises de bénéfices énormes par les entreprises européennes ! De qui se moque t on pour oser é...

le 30/11/2022 à 9:50
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et oui il faut payer la guerre en ukraine pendant que l'amerique vends des armes partout dans le monde l'europe les donnes et en plus il faut payer la guerre et engraisser les speculateurs certe certain perde la vie mais l'europe entiere vas a sa d...

à écrit le 29/11/2022 à 12:53
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hahaha! des economies!!!!!!! ca fait 40 ans que vous etes en deficit! quand hollande parlait d'economie, il voulait dire qu'il creusait le deficit, mais moins que ce qu'il aurait souhaite........suffit de regarder la n-ieme non reforme des retraites ...

à écrit le 29/11/2022 à 11:04
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Ils sont vraiment plus doués les uns que les autres. Alors je vais être plus pragmatique sur la notion d'injustice : UN TAUX NORMAL DE TVA A 20%. Voilà une injustice contreproductive pour l'ensemble des acteurs économiques, aussi bien sur le plan de ...

à écrit le 29/11/2022 à 10:19
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MAIS, mais il y a des députés, NOS députés, qui sont grassement payés, indemnisés, logés et nourris alors qu'ils sont incapables de voter l'IMPOT et la prévision de DEPENSES pour l'année; le Grand Charles leur avait déjà supprimé le droit de choisir ...

à écrit le 29/11/2022 à 9:29
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les super profits n'existent pas, pas plus que les supers augmentations de rémunérations des grands patrons, que les supers distributions de dividendes, il n'y a plus rien, plus, plus rien.......... jusqu'à l'année prochaine, bien évidemment....

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