Les relations entre la France et l'Inde sont au beau fixe. Après avoir reçu Narendra Modi, invité d'honneur du défilé du 14-Juillet sur les Champs-Élysées l'année dernière, Emmanuel Macron sera l'hôte du Premier ministre indien lors de la célébration du 75e Republic Day, la fête nationale indienne, à New Delhi, vendredi. Dans le détail, le pays célèbre l'entrée en vigueur de sa Constitution le 26 janvier 1950, deux ans après l'indépendance.
En pratique, ce voyage officiel a débuté ce jeudi, journée durant laquelle le Président français se rendre à Jaipur, capitale du Rajasthan, le plus grand État du pays, une première pour un président français. Accueilli sur tapis rouge avec une parade d'éléphants par la princesse Diya Kumari, vice-ministre en chef du Rajasthan, il devait ensuite être reçu par le Premier ministre, Narendra Modi et s'entretenir avec lui avant de partager un banquet d'Etat dans un palais de maharaja du XIXe siècle.
Ce déplacement marque la troisième visite officielle d'Emmanuel Macron, après celle de mars 2018 et sa participation en septembre au sommet du G20 présidé par l'Inde. Initialement, c'était le président américain, Joe Biden, qui devait assister à l'événement. Mais les soupçons sur l'implication de New Delhi dans l'assassinat d'un opposant sikh, citoyen américain, ont remis en question le déplacement.
Renforcer les liens
Ce voyage constitue une bonne opportunité pour Paris, qui entend renforcer les liens établis depuis vingt-cinq ans avec un pays fidèle à sa politique internationale de non-aligné.
« Ce déplacement va permettre de consolider et approfondir les relations diplomatiques et économiques franco-indiennes et de resserrer les liens entre les sociétés civiles », s'est ainsi félicité la présidence française.
Membre des Brics [Brésil, Russie, Inde et Chine], mais entretenant de bonnes relations avec les pays occidentaux, l'Inde est en train de devenir une puissance majeure. Classée au cinquième rang mondial, son économie enregistre la croissance la plus dynamique, malgré la conjoncture morose. Elle devrait s'afficher, selon le Fonds monétaire international (FMI), à un rythme annuel de 6,3% en 2024 et 2025, contrairement à la Chine dont l'activité ralentit.
« L'infrastructure publique numérique de l'Inde et un solide programme gouvernemental d'infrastructures vont continuer à soutenir la croissance », argumente l'institution internationale.
Devenue en 2023 le pays le plus peuplé au monde devant la Chine, l'Inde dispose d'une population très jeune, dont la moitié a moins de 25 ans, alors que la République populaire est confrontée à une population de plus en plus vieillissante.
Défendre l'attractivité de la France
Si les entreprises françaises convoitent ce potentiel économique, Emmanuel Macron compte aussi défendre, comme il vient de le faire au Forum de Davos, l'attractivité de la France auprès des patrons des grandes entreprises indiennes, dont certains sont déjà présents dans l'Hexagone, pour les inciter à y investir.
Mais, du côté français comme indien, il ne faut pas s'attendre à la traditionnelle moisson de contrats. L'accent sera mis sur la solidité du partenariat stratégique, « un pilier de stabilité dans un ordre mondial instable », comme l'a qualifié il y a quelques jours l'ancien ambassadeur indien en France, Mohan Kumar, dans le Times of India. Avec la fin de la « mondialisation heureuse », remise en question par la pandémie du Covid-19, la guerre en Ukraine et les risques géopolitiques croissants au Proche-Orient et en mer de Chine, les questions de sécurité et de souveraineté sont en effet une priorité. Dans la région indopacifique, zone de tensions avec la Chine, l'Inde est « un partenaire clé pour contribuer à la paix et la sécurité internationales », souligne l'Élysée.
Défense, spatial et nucléaire
Le programme de défense apparaît comme un axe majeur pour la fourniture de matériels, dont les avions Rafale - leur vol sera un des points forts de la parade du 26 janvier - et des sous-marins (lire encadré). Pour rappel, l'Inde lui a déjà acheté 36 Rafale et est en négociation pour en acquérir 26 supplémentaires, bien qu'aucune annonce majeure ne soit attendue durant la visite.
De même, la coopération spatiale et le secteur de l'aéronautique seront au cœur des échanges. Le spationaute Thomas Pesquet fait d'ailleurs partie de la délégation qui accompagne le président, ainsi que des représentants d'Airbus, dont les ventes à l'Inde ont bondi de 53,4% sur les dix premiers mois de 2023.
Du côté indien, les besoins d'énergie décarbonée sont immenses au regard de l'urbanisation et du développement des infrastructures. La coopération dans le nucléaire civil est en cours de négociation, dit-on à l'Élysée, la France espérant lui vendre six réacteurs nucléaires EPR.
Dernier axe de coopération : l'enseignement et la culture. « Le président a fixé un nouvel objectif de 30.000 étudiants indiens à l'horizon 2030 », indique l'Élysée. Ce qu'a répété Emmanuel Macron ce jeudi : « On veut 30.000 étudiants [indiens] pour 2030 donc il faut y aller. On veut avoir plus d'étudiants indiens en France », a-t-il affirmé en passant devant la presse.
Ainsi, un effort sur l'octroi de bourses sera mené, qui devrait faire de l'Inde le premier bénéficiaire de ces programmes. Du côté indien, on compte également sur l'expertise française dans le domaine muséal et de valorisation du patrimoine, nombre de villes possédant des trésors culturels et civilisationnels remontant à l'Antiquité.
La visite d'Emmanuel Macron en Inde ne coïncidera pas avec la signature de grands contrats d'armement, dont les commandes de 26 Rafale Marine et de trois sous-marins Scorpène annoncées le 14 juillet à Paris par le Premier ministre indien, Narendra Modi. « Rien n'est prêt », expliquent plusieurs sources, même si la venue du président français à New Delhi pourrait accélérer le processus administratif indien, pas réputé pour sa rapidité. La signature de ces contrats attendra. Mais jusqu'à quand ? Difficile de le savoir, d'autant que New Delhi pourrait avancer les élections législatives prévues entre avril et mai. Une signature du contrat Rafale pourrait avoir lieu lors du second semestre 2024. Rencontré début décembre dans le cadre de l'Association des journalistes de défense (AJD), le PDG de Dassault Aviation, Éric Trappier, qui dispose déjà d'un carnet de commandes Rafale rempli, n'était pas inquiet. Pierre Éric Pommellet, le PDG de Naval Group, non plus. Mazagon Dock, son partenaire indien, a remis une offre à New Delhi pour trois Scorpène avec 60% de contenu indien. Enfin, Dassault Aviation est déjà tourné vers une nouvelle commande pour l'armée de l'air indienne, qui devra cette fois-ci coller à la stratégie « Make in India » de Narendra Modi. Il est probable que le Rafale soit un jour fabriqué en Inde. Par Michel Cabirol.Grands contrats d'armement : c'est trop tôt !