La Turquie enchaîne les hausses de taux en rafale et le porte à 35%

Le taux directeur de la banque centrale de Turquie a atteint ce mois-ci son plus haut niveau depuis l'arrivée au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan en 2003. En cause : une iinflation à 60%. Depuis les élections présidentielles de mai la nouvelle équipe à la tête de la Banque centrale et du ministère de l'Economie a fait remonter le taux directeur de 8,5 à 35%.
En quelques mois seulement, le taux directeur de la banque centrale de Turquie est passé de 8,5 à 35%. Un record en si peu de temps.
En quelques mois seulement, le taux directeur de la banque centrale de Turquie est passé de 8,5 à 35%. Un record en si peu de temps. (Crédits : Umit Bektas)

La banque centrale turque a relevé ce jeudi 26 octobre son taux directeur pour le cinquième mois consécutif, à 35%. Il s'agit ainsi du plus haut niveau depuis l'arrivée au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, en 2003. La Banque a relevé son taux de cinq points comparé au mois dernier et explique, dans un communiqué, qu'elle entend « poursuivre le resserrement monétaire, afin d'entamer le plus rapidement possible le processus de désinflation ».

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« Au troisième trimestre, les chiffres de l'inflation ont été supérieurs aux attentes, reconnaît l'institution. (...) La vigueur de la demande intérieure, la rigidité de l'inflation des services et la détérioration des anticipations d'inflation continuent d'exercer des pressions à la hausse sur l'inflation ».

La banque centrale turque reste également attentive aux risques géopolitiques pesant sur les perspectives d'inflation, sur les prix du pétrole, sans toutefois évoquer directement le conflit opposant le Hamas et Israël.

Depuis les élections de mai et la reconduction au pouvoir du président Erdogan, la nouvelle équipe à la tête de la Banque centrale et du ministère de l'Economie a fait remonter le taux directeur de 8,5 à 35%, afin de tenter de réduire l'inflation. La hausse des prix à la consommation a atteint le mois dernier plus de 60%, selon les statistiques officielles.

Une inflation supérieure à 60%

Le coût des emprunts a ainsi presque quadruplé depuis que le chef de l'Etat a renoncé à sa théorie selon laquelle augmenter les taux d'intérêt aide à lutter contre l'inflation. Recep Tayyip Erdogan a été réélu en mai dernier, en s'engageant durant sa campagne à ne jamais autoriser la banque centrale à relever son taux directeur tant qu'il serait président. Entre 2019 et 2021, il avait limogé trois gouverneurs de la Banque centrale opposés à ses thèses.

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La conjoncture économique l'a contraint à changer de cap. Il a ainsi nommé une nouvelle équipe d'économistes respectés, formés à Wall Street et dans le privé, chargés de sortir la Turquie de la crise qui altère gravement le quotidien des Turcs. Pour rappel, le taux d'inflation annuel officiel de la Turquie a culminé à 85% en octobre 2022, puis, après une nette réduction durant la campagne, a de nouveau bondi au-dessus de 60 % en septembre.

Le président Erdogan a assuré ce mercredi devant le parlement que la Turquie « lutte contre l'inflation sur tous les fronts ». « Il faut du temps pour voir les effets des mesures prises se répercuter sur la vie quotidienne des gens », a-t-il déclaré.

Une crise économique qui vire à la crise sociale

La situation est telle qu'elle provoque, entre autres, une véritable envolée des loyers, générant des conflits de voisinage violents. Selon les médias turcs, onze personnes ont été tuées et au moins quarante-six blessées en un an dans de violents conflits entre locataires et propriétaires. Les loyers ont augmenté en moyenne de 121% sur un an en Turquie, une hausse qui atteint 188% dans certaines grandes villes comme Ankara, la capitale, selon une étude publiée en août par l'université de Bahçesehir.

Face à la gronde des locataires, l'exécutif a plafonné la révision des loyers à 25% pour les logements, alignée sur le taux officiel de l'inflation pour les commerces. Mais, selon des experts, cette mesure n'a fait qu'aggraver les tensions. Elle pousse de nombreux propriétaires à chercher par tous les moyens, parfois frauduleux, à se débarrasser de leurs locataires pour relouer à meilleur prix.

Pour rappel, la Turquie s'est enfoncée dans la crise il y a deux ans. Le président Erdogan avait alors ordonné à la banque centrale, théoriquement indépendante, de réduire son taux directeur. Résultat, une flambée incontrôlée des prix. La livre turque s'est rapidement effondrée quand les Turcs, pour tenter de sauver leurs économies, ont commencé à acheter des dollars et de l'or afin de se prémunir contre de nouveaux chocs économiques.

La livre turque bloquée ?

La banque centrale aurait, selon les estimations, dépensé plus de 200 milliards de dollars pour tenter de soutenir la livre turque au cours des deux dernières années. Les nouveaux responsables de l'économie et des finances en poste depuis juin ont décidé de laisser la monnaie s'affaiblir afin d'alléger la pression sur ses réserves. Mais les analystes considèrent aussi que les interventions répétées sur la monnaie commençaient également à éroder la compétitivité des principales exportations turques. La livre turque est passée de 20 livres pour un dollar au moment de la réélection d'Erdogan à plus de 28 dollars ce jeudi.

« Il semble que la banque centrale ait actuellement bloqué la livre turque, avec un objectif probable d'environ 30 livres pour un dollar à la fin de l'année », a estimé la banque ING dans une note récente.

(Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 26/10/2023 à 18:59
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Pas très bon pour Erdogan l'histoire. Troubles sociaux en vue.

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