(Dés) union bancaire : et si les Européens ne trouvaient pas d’accord ?

Les analystes de RBS n’excluent pas que le Parlement européen et les ministres des Finances des 28 ne trouvent pas de terrain d’entente sur le mécanisme de résolution unique des crises bancaires avant la campagne électorale européenne.
Christine Lejoux
Les eurodéputés et les représentants du Conseil se réuniront à nouveau le 19 mars, pour tenter de s'entendre sur le mécanisme de résolution unique des crises bancaires. REUTERS.

Ce qui devait être la plus grande étape d'intégration financière en Europe depuis la création de l'euro semble avoir du plomb dans l'aile. "Ce", c'est le projet d'union bancaire européenne, destiné à éviter une répétition de la crise des dettes souveraines de 2011, en brisant le cercle vicieux entre les difficultés financières des Etats et celles de leurs banques. Le but ultime étant de restaurer la confiance des investisseurs dans le secteur bancaire européen. Le problème, c'est que cette union bancaire, censée reposer sur deux piliers, est pour le moment unijambiste.

 Si le premier pilier - la supervision unique du secteur bancaire par la Banque centrale européenne (BCE) - n'a pas posé de problème particulier, il en va tout autrement pour le second pilier. A savoir le mécanisme de résolution unique des crises bancaires (MRU). "Il reste des questions cruciales à résoudre (…), le chemin à parcourir est encore long", a prévenu la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, dans un communiqué publié le 13 mars, au lendemain de négociations tendues entre les eurodéputés et les représentants du Conseil, où siègent les Etats membres de l'Union européenne (UE).

 Un Conseil sous influence allemande

Des Etats qui sont venus à la table des négociations "les mains vides", enrage l'eurodéputé vert allemand Sven Giegold. De fait, les ministres des Finances de l'UE n'ont fait quasiment aucune concession sur les deux points qui fâchent le Parlement. Ils campent sur leur accord du 18 décembre dernier, selon lequel ce sont eux - les ministres - qui auront le dernier mot pour décider de la liquidation ou du sauvetage d'une banque en difficulté. Alors que le Parlement souhaite que pareille décision revienne à la Commission européenne, afin d'éviter tout biais politique.

Sur l'autre sujet qui suscite l'ire des eurodéputés - le délai au terme duquel le fonds de résolution unique sera mutualisé et pourra donc financer le renflouement ou la mise en faillite d'une banque quelle que soit sa nationalité -, les ministres ont accepté de ramener cette durée de dix à huit ans. Le Parlement réclamait un délai de trois ans seulement… La proposition du Conseil "est clairement dictée par un grand Etat membre, qui a forcé la majorité des autres à adopter une position que personne ne partage", a asséné Sven Giegold, le grand Etat en question n'étant autre que son propre pays, l'Allemagne, qui redoute comme la peste de se retrouver comptable des difficultés d'autres pays, tels que l'Espagne.

 Le risque de ne pas trouver d'accord est réel

Résultat des courses, les eurodéputés et les représentants du Conseil se réuniront à nouveau le 19 mars, pour tenter de s'entendre enfin sur le MRU. Et s'ils ne trouvent pas d'accord d'ici au 26 mars, le projet d'union bancaire européenne sera différé de sept mois au moins, campagne électorale oblige. Si le délai de sept mois est un minimum, c'est parce qu'il y a de fortes chances (ou plutôt, risques) que le prochain Parlement compte nombre d'eurosceptiques, ce qui rendrait l'adoption du projet d'union bancaire plus compliquée encore.

Mais est-il vraiment pensable que les eurodéputés et le Conseil ne trouvent pas d'accord d'ici au 26 mars ? Oui, " c'est maintenant une réelle possibilité, aucune des deux parties ne voulant lâcher du lest", affirment les analystes de RBS, dans une note publiée le 13 mars. Dans ces conditions, la BCE endosserait en novembre prochain son costume de superviseur unique des banques européennes, sans disposer du remède nécessaire - le MRU - si elle diagnostiquait de graves difficultés au sein de certains établissements.

 Une attitude "suicidaire"

Et ce serait très grave, docteur ? Oui, là encore. Car chaque Etat demeurerait responsable de la gestion des crises éventuelles de ses propres banques. Or les bilans cumulés des établissements de crédit européens représentent encore trois fois le produit intérieur brut de la zone euro, souligne RBS. Qui ne doute donc pas qu'une nouvelle crise - économique ou politique - réenclencherait le cercle vicieux entre les difficultés des banques et celles de leurs pays d'origine.

 "Si nous ne parvenons pas à mettre en place le MRU, la résolution des crises bancaires restera une responsabilité nationale, ce qui renforcera le lien entre les banques et les souverains (les Etats)", a renchéri Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE, le 13 mars, lors d'une conférence sur le secteur bancaire organisée à Paris par le magazine The Economist. Son confrère Yves Mersch est allé plus loin, décrétant que "ne pas avoir de MRU s'apparenterait à une attitude suicidaire."

Christine Lejoux

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Commentaires 4
à écrit le 14/03/2014 à 10:22
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L'on a bâti un foirail délétère de maquignons ; l'on ne peut pas geindre ensuite sur ses foires d'empoigne. On gonfle le chapiteau du foirail, en faisant payer des milliards à ceux qui y sont dedans, pour secourir d'autres dehors, telle l'Ukraine ma...

à écrit le 13/03/2014 à 21:32
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Pour qui sonne le glas ? Pour l'Euro ou pour l'Europe .....ou pour les deux ?

le 14/03/2014 à 13:18
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Le glas sonne pour le bons sens et le pragmatisme. Des ministres européens qui défendent leur beefsteak sur le dos des citoyens, une commission européenne complètement déconnectée des réalités, et un parlement européen qui n'en peut mais... Tous les ...

le 14/03/2014 à 14:19
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@carpatrick C'est bien la triste réalité que vous décrivez. Il faut être complètement aveugle ou de mauvaise foi pour ne pas le reconnaitre. L'Europe profite uniquement à la caste qui se goinfle sans vergogne sur le dos des contribuables.

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