Après trois mois consécutifs de décollecte, l'assurance-vie retrouve une collecte nette positive de 1,5 milliard d'euros sur le mois d'octobre, selon les derniers chiffres de France Assureurs. La collecte est une nouvelle fois tirée par les unités de compte (UC), au capital non garanti, avec une collecte nette de 4,1 milliards d'euros, alors que le fonds en euros poursuit sa décollecte nette tendancielle (- 2,6 milliards d'euros et près de 23 milliards d'euros depuis janvier). Au total, depuis le début de l'année, la collecte nette de l'assurance-vie se rapproche des 3 milliards d'euros.
La collecte brute (cotisations) a été très soutenue en octobre, à 14,7 milliards d'euros, grâce au dynamisme des unités de compte qui, à la faveur de la bonne tenue des marchés, ont représenté 45 % de la collecte, une proportion nettement supérieure à la moyenne (40%) constatée depuis 2022. Toutefois, nuance Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Epargne, « le poids des unités de compte dans la collecte est désormais peu sensible aux fluctuations des indices "actions", ce qui n'était pas le cas auparavant ».
Sauvé par le PER
Malgré la remontée des taux et les couches successives de frais qui amputent les performances, les unités de compte continuent donc d'avoir le vent en poupe. La collecte nette sur ces supports frôle désormais les 25 milliards d'euros depuis le début de l'année. La bonne tenue des PER (plan d'épargne retraite), qui entrent dans les chiffres de l'assurance-vie, y est sans doute pour quelque chose. « Sur les 10 premiers mois de l'année 2023, la collecte nette des PER est de 5,1 milliards d'euros. Cela signifie que l'assurance-vie "classique" est en décollecte globale de 2,2 milliards d'euros », estime Cyrille Chartier-Kastler, PDG de Facts & Figures, un cabinet de conseil spécialisé dans l'assurance.
Avec un encours de près de 1.900 milliards, l'assurance vie demeure néanmoins toujours le placement financier préféré des ménages, en raison de ses avantages fiscaux, en particulier l'avantage fiscal successoral. Reste que, comme le souligne le Cercle de l'Epargne, l'assurance-vie connaît une « collecte nette poussive en raison du recul du fonds en euros, pénalisé par son faible rendement ».
Une priorité : booster le rendement
« Dans les prochaines semaines, les assureurs communiqueront les rendements 2023 qui devraient s'afficher en hausse de 0,5 à 0,8 point par rapport à 2022. Ces rendements devraient se rapprocher de ceux générés par l'épargne réglementée et par les dépôts à terme », avance Philippe Crevel. Mais les assureurs-vie devront puiser dans leurs réserves pour y parvenir, n'ayant pas eu le temps de faire tourner leur portefeuille pour augmenter son rendement avec la montée récente des taux.
« Une décollecte d'environ 30 milliards d'euros sur les fonds en euros pour l'année 2023 paraît probable. Cette situation ralentit la capacité de dilution à la hausse du rendement de la poche obligataire des fonds en euros », explique Cyrille Chartrier-Kastler. Selon le site Good Value for Money, le rendement moyen des actifs financiers du fonds en euros « classique » (sur la base de 110 fonds en euros du marché) a été de 2,24% en 2022, pour un taux moyen servi en 2022 de 1,92%.
Les encouragements du superviseur
Mais le rendement moyen d'un portefeuille n'augmente pas aussi vite que les taux, surtout lorsque la duration moyenne est élevée (7 à 8 ans) comme en assurance-vie. Les assureurs-vie pourraient effectuer des arbitrages pour accélérer la rotation du portefeuille et augmenter son rendement, sous réserve de disposer d'une réserve de capitalisation suffisante pour encaisser les moins-values de cessions.
De nombreuses compagnies ont notamment annoncé des taux promotionnels, mais sous conditions. Même le superviseur encourage les assureurs à faire un geste sur le fonds en euros, quitte à puiser dans les réserves, comme l'a récemment dit Jean-Paul Faugère, vice-président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), lors de sa conférence annuelle le 17 novembre dernier. Tout en rappelant que c'est bien tous les assurés qui doivent bénéficier des réserves, et pas seulement les plus aisés ou ceux qui investissent le plus dans des unités de compte.
Mais, globalement, la hausse attendue des rendements sur le fonds en euros devrait freiner sa décollecte. « La restauration attendue de la hiérarchie des taux devrait avantager l'assurance vie en 2024 et surtout en 2025 », anticipe même Philippe Crevel.
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