Pourquoi le groupe Aéma est prêt à débourser 3,2 milliards pour Aviva France

Le groupe mutualiste, né du rapprochement de Macif et d’Aésio en janvier dernier, fait une offre pour la reprise de la totalité des activités d’Aviva France. L'opération sera financée sur fonds propres et une dette subordonnée de 1,75 milliard d'euros. L'intersyndicale d'Aviva a aussitôt salué cette reprise par le mutualiste français.
En cas de succès de l'opération de rachat d'Aviva France, le groupe Aéma disposerait de 11 milliards d'euros de fonds propres.
En cas de succès de l'opération de rachat d'Aviva France, le groupe Aéma disposerait de 11 milliards d'euros de fonds propres. (Crédits : SIMON DAWSON)

Après une compétition de six mois, Aéma Groupe, né en janvier dernier du rapprochement de Macif et Mutuelle Aésio, a fini par l'emporter. L'assureur mutualiste vient en effet d'entrer en négociations exclusives avec l'assureur Britannique Aviva pour le rachat de la filiale française, dans l'intégralité de son périmètre, Aviva France.

Aéma Groupe a ainsi mis sur la table 3,2 milliards d'euros, une offre qui ne serait pourtant pas la mieux disante financièrement. Toutefois, son compétiteur le plus sérieux, le tandem formé par Allianz et l'assureur-vie Athora, ne se serait pas aligné sur ce prix, selon des sources proches des négociations.

Le pari d'Amanda Blanc, patronne d'Aviva depuis l'été dernier et maitre d'œuvre du recentrage du groupe britannique sur ses marchés stratégiques (Royaume-Uni, Canada et Irlande), d'annoncer cette vente avant la présentation des résultats annuels le 5 mars, est donc tenu. La cession des activités polonaises, pour un montant estimé de 2 milliards d'euros, est également en bonne voie de finalisation, après la vente, en septembre dernier, de la filiale de Singapour, pour 1,9 milliard d'euros.

Opération structurante sur le marché français

Pour Aéma Groupe, cette opération est structurante à plusieurs égards. Elle lui permet de doubler sa taille, avec un chiffre d'affaires pro forma de 16 milliards d'euros de primes. Elle renforce aussi considérablement sa présence dans l'assurance-vie, grâce à la reprise de la gestion des contrats de l'Afer, puissante association d'épargnants, qui pèse plus de 55 milliards d'euros d'encours.

De même, elle complète la présence du groupe dans l'assurance dommages avec la reprise d'un fonds de commerce plutôt axé sur les professionnels et les entreprises. Enfin, le groupe muscle ses réseaux de distribution, avec les quelque 1.000 agents généraux Aviva et le millier de conseillers en gestion de patrimoine du groupe UFF, par ailleurs coté. Plus globalement, ce rachat propulse le nouveau groupe mutualiste parmi les leaders français de l'assurance.

« Cette opération traduit tout d'abord une ambition, celle de participer à la consolidation du secteur et de créer un acteur mutualiste qui se positionnera parmi les cinq premiers assureurs sur le marché français », justifie à La Tribune Adrien Couret, directeur général d'Aéma Groupe. « Elle a ensuite du sens compte tenu de la complémentarité très forte tant sur nos métiers, nos savoir-faire que sur nos réseaux de distribution », précise-t-il.

Un grand bond dans l'assurance-vie

Selon les estimations du cabinet Facts & Figures, sur la base des chiffres pro forma 2019, le nouvel ensemble serait ainsi le numéro deux du marché en santé individuelle (1,9 milliard d'euros de primes), le numéro quatre du marché en dommages de particuliers (4 milliards de primes) et numéro trois en prévoyance individuelle (700 millions).

Il prendrait également des parts de marché significatives dans les dommages aux entreprises (4% de part de marché au total pour 500 millions de primes) et, évidemment, dans l'assurance-vie (5% de part de marché) avec un encours géré de 117 milliards d'euros.

L'assurance-vie est le principal pari d'Aéma Groupe. Mais si Macif est davantage connu pour son activité d'assurance auto et habitation, l'assurance-vie, via sa filiale Mutavie, contribue pour les deux tiers de son résultat.

« Nous connaissons bien le métier et le pilotage de l'activité d'assurance-vie. C'est une offre que nous proposons depuis 1980 et que nous avons développé en second équipement de nos sociétaires. Ce qui est intéressant au travers d'Aviva France, notamment grâce à son partenariat solide avec l'Afer, c'est qu'elle aborde l'épargne en première approche des clients. Du coup, la position de l'assurance-vie est différente. C'est une autre approche complémentaire dans le parcours de vie de nos sociétaires, adhérents et clients », détaille Adrien Couret.

Le bon moment

Lorsque Macif/Aéma a officialisé sa candidature, elle paraissait à la fois la plus logique, compte tenu des complémentarités, mais aussi la plus audacieuse, compte tenu du prix (près de la moitié des fonds propres), de la grande diversité de ses métiers et de la toute nouvelle gouvernance et organisation du groupe.

« L'annonce de la création d'Aéma est la concrétisation d'un travail initié trois ans plus tôt. Et c'est parce que ce travail d'envergure a été bien mené que nous sommes en capacité aujourd'hui de saisir cette opportunité. Cette opération, qui s'inscrit pleinement dans l'ambition d'Aéma Groupe, arrive donc au bon moment », soutient Adrien Couret.

Son principal atout est sans conteste de préserver le périmètre du groupe, alors que les offres concurrentes devaient aboutir, d'une façon ou d'une autre, à un démantèlement des activités vie et non-vie.

Cette offre a d'ailleurs immédiatement reçu le soutien de l'intersyndicale d'Aviva-UFF-Epargne Actuelle. « Depuis septembre, l'Intersyndicale a multiplié les initiatives pour montrer combien cette cession ne trouverait un sens que si elle préservait l'intégrité du groupe. (..) Seul le groupe Aéma a su comprendre cette richesse », souligne l'intersyndicale dans un communiqué.

Ancrage tricolore

Cette offre sera également reçue avec soulagement par Bercy, engagé par ailleurs dans un combat pour préserver les entreprises françaises des appétits étrangers en pleine crise crise sanitaire. L'ancrage tricolore de l'offre d'Aéma a donc certainement pesé.

En revanche, Gerard Bekerman, l'emblématique président de l'Afer, qui a toujours brandi dans le processus de vente son « droit à consultation », semblait ces derniers temps pencher plutôt en faveur de l'offre d'Athora, en raison notamment de son expertise en assurance-vie, de ses (grands) moyens financiers et de ses ambitions internationales.

Une neutralité bienveillante qui avait surpris nombre d'observateurs alors que Gérard Bekerman était monté au créneau, à l'automne dernier, notamment auprès de la classe politique, pour dénoncer le risque d'une reprise par un acteur régulé aux Bermudes et dont l'actionnaire de référence (bien de très minoritaire au capital) est le fonds américain Apollo.

Un rachat financé pour moitié sur les marchés

Reste désormais à convaincre le régulateur de la solidité financière de l'offre et du projet dans un univers de taux bas qui pèse à la fois sur la rentabilité des activités vie et non vie. Si, sur le plan juridique, Aviva France à vocation à devenir une filiale de Macif, c'est bien Aéma Groupe (7 milliards d'euros de fonds prudentiels) qui s'apprête à débourser 3,2 milliards d'euros.

Le financement du rachat s'appuie à la fois sur les fonds propres du groupe, ou plus précisément sur une mobilisation du portefeuille de placements des différentes mutuelles, et sur la levée sur les marchés, à hauteur de 1,75 milliard d'euros, d'une dette subordonnée.

Après l'opération, le nouveau groupe disposera néanmoins de 11 milliards de fonds propres prudentiels et d'un ratio de solvabilité de 165%. Le nouveau groupe visera, à un horizon de quatre ans, un ratio de 190 à 200% - qui répond plus précisément au standard du secteur, et le niveau d'endettement, précise le communiqué, sera « comparable à celui des principaux acteurs du marché ».

Reste à savoir cependant si Aviva devra recapitaliser sa filiale avant le rachat, une recapitalisation annoncée en catimini lors de la présentation des résultats du troisième trimestre de l'assureur britannique.

Enfin, un accord a été arrêté sur le vieux litige des contrats « à cours connu », hérités d'Abeille-Vie, et dont les encours et le risque sont actuellement portés par Aviva France. « C'est un sujet bien identifié sur lequel nous nous sommes mis d'accord avec le groupe Aviva pour mettre en place un mécanisme de partage des risques, qui plafonne l'exposition d'Aéma dans des proportions qui sont marginales », assure Adrien Couret.

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Commentaires 3
à écrit le 23/02/2021 à 12:36
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C'est marrant ça ! D'avoir confier à une boite le 'soin' de trouver de nouveaux noms à des entreprises ou des produits français fait qu'ils ont tous désormais des noms de pot de yaourt ! Ou de gel douche... Aésio, Aéma, aviva... areva, clio, twin...

à écrit le 23/02/2021 à 12:24
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Brexit, Contrats financiers à renégocier, ou pas ? Obligations pour le Royaume-Uni de respecter les contrats déjà signés. Autorisation à négocier en France ? Le volet financier du Brexit étant en négociations, ça reste la grande inconnue. Marchés pr...

le 24/02/2021 à 12:24
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Vous vous parlez à vs même ou au seul usage des sourds et malentendants ?

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