Jérôme Kerviel contre la Société Générale : suivez le procès minute par minute

Le procès de Jérôme Kerviel contre la Société Générale a commencé ce mardi 8 juin. Suivez les débats minute par minute avec notre envoyé spécial Benjamin Jullien. Jérôme Kerviel s'approche du micro et répond au président d'une toute petite voix...

18h55 Metzner et son équipe exhibent enfin le fameux tableau mis en cause par la Société Générale. « Il s'agit, sauf erreur, d'une extraction de la base Eliot, et nous pourrons interroger plusieurs utilisateurs sur l'emploi qu'ils en faisaient », explique Maître Huc-Morel. Claire Dumas explique avoir reconnu ce fichier à la télévision, mais qu'il était présenté comme un fichier accessible aux managers. Metzner argumente que ce fichier est « extrait » de la base Eliot, et que les managers avaient accès à cette information, et donc aux opérations démesurées de JK. Le Ministère public souligne alors que le fichier est issu de l'enquête interne, et non du reporting accessible aux managers, et qu'il s'agit donc d'un « tri dans la fraude » réalisé lors de l'enquête.

Metzner souligne alors que la base indique parmi les contreparties un élément intitulé « pending » (destiné aux opérations en suspens, c'est-à-dire dont la contrepartie n'est pas encore référencée dans la base) qui aurait dû attirer l'attention de la banque. Claire Dumas rétorque que cette écriture est prévue pour permettre l'intégration des nouvelles opérations dans le contrôle des risques.

« Il y avait donc 18 milliards d'engagement sans contrepartie, c'est à dire 18 milliards en l'air ? » demande Maître Metzner

- Il y avait en fait 50 milliards, conclut Claire Dumas
 

18h30 Questions de Me Metzner à Claire Dumas

- Vous acceptez le constat que les contrôles n'étaient pas parfaits ?

-Oui

- Jérôme Kerviel a en fait gagné 1,4 milliards, cette somme était en trésorerie, est-il normal que la banque ne sache pas qu'une telle somme se balade sur ses comptes ? J'interroge la banque que vous représentez et non vous.

- Il y avait 1,4 milliard de solde positif sur notre compte chez le courtier Fimat, mais il était englobé dans un compte de regroupement destiné à optimiser la gestion de la trésorerie, dont le solde était de l'ordre de plusieurs milliards.

Claire Dumas explique ensuite que le reporting de trésorerie de JK, qui indiquait ce solde de 1,4 milliard, tait accessible à ses supérieurs, mais que ceux-ci ne le consultaient pas systématiquement

Olivier Metzner demande ensuite comment, quand un des supérieurs de JK a pris connaissance d'une trésorerie de 1,2 milliard courant 2007, la banque a pu se contenter des explications du trader, à savoir qu'il s'agissant d'un emprunt fait à la banque.

Claire Dumas répond qu'un tel niveau de trésorerie peut correspondre à un pic précédant une grosse opération, et qu'il peut donc d'expliquer par un « écart de trésorerie » momentané.

"Donc la Société Générale, sur une simple déclaration, prête plus d'un milliard à un trader ?" lance Metzner. Nouveau brouhaha. Les avocats de la banque s'écrient alors, au milieu du vacarme, qu'il ne s'agit pas d'un emprunt mais d'un simple opération de trésorerie interne au groupe.

18h Moment clé. Claire Dumas raconte avoir constitué, lors de ses investigations, un fichier reprenant toutes les opérations de Kerviel, réelles et fictives. Elle explique ensuite sa surprise en découvrant, pendant le week-end précédent le procès, que ce document confidentiel était exhibé au journal télévisé et présenté comme un simple reporting auquel les supérieurs de Kerviel auraient eu accès. C'est un argument important, car il s'agit de l'une des pièces sur laquelle la défense compte s'appuyer pour démontrer que les supérieurs de Kerviel ne pouvaient ignorer ses opérations.

Me Jean Veil intervient alors pour souligner qu'Olivier Kerviel s'est "gobergé" sur cette pièce, présenté comme "la surprise du chef", et demande à consulter cette pièce sur-le-champ.

"Puisque Me Veil s'intéresse enfin au dossier, je suis ravi de lui informer que cette pièce est présente dans le dossier, réplique Me Metzner, avant de persifler : si le dossier est trop gros pour les avocats de la partie civile, qu'ils en prennent de plus petits !"

Le ton monte, signe qu'il s'agit d'un point important. Claire Dumas insiste pour terminer son propos sur cette fameuse pièce : "je crois avoir reconnu le fichier que nous avons constitué pendant le week-end ou nous avons découvert la fraude, si ce n'est pas le cas c'est sans doute un cousin germain, mais pas un élément de reporting visible par plusieurs centaines de collaborateurs comme l'affirme la défense".

"Nous attendons le document", conclut le président.

17h55 Poursuivant son récit, Claire Dumas raconte le moment où elle a appris que Kerviel avait pris de nouvelles positions début 2008 à hauteur de 50 milliards d'euros et qu'elles étaient en perte latente de 2,7 milliards. "Je ne me suis jamais autant demandé combien il me restait à rembourser sur ma maison", explique-t-elle, insinuant qu'elle se voyait plus près de la porte que de l'augmentation.

"Après un bref moment de franchise où il a reconnu ces faits, Kerviel est reparti dans ses explications fumeuses", explique Claire Dumas, ajoutant qu'elle avait la sensation d'avoir une "savonnette entre les mains".

A la reprise des marchés, le lundi matin, la décision est prise de ne rien annoncer aux équipes, tant que le débouclage des positions de Kerviel n'est pas terminé. S'ensuivent "trois jours de schizophrénie". Elle raconte aussi son angoisse pendant le débouclage, car "la base Eliot contient 100 millions de transactions, et nous n'avions pas de moyen de nous assurer que notre lecture des positions était la bonne".

17h30 Claire Dumas, numéro deux du contrôle du risque opérationnel du groupe SocGen, dépose à son tour. Elle raconte l'inquiétude des patrons de la salle des marchés, après leur découverte, le vendredi 18 janvier, que Kerviel avait pris une position et une couverture d'environ 40 milliards d'euros chacune. Elle explique avoir constaté que le compte de Kerviel contenait bien 1,4 milliard d'euros, mais que la contrepartie indiquée, le courtier Baader, était "toute petite", ce qui affolait les système d'évaluation des risques de la banque.

Interrompue par la toux sifflante de Me Metzner, elle reprend en expliquant que Kerviel avait indiqué qu'en fait la contrepartie n'était pas Baader mais la Deutsche Bank, avec qui il avait noué une opération de refinancement (ce qui s'apparente à un prêt). Mais la SocGen n'a pas souhaité vérifier tout de suite auprès de la Deutsche Bank de peur que sa gigantesque position ne soit éventée, ce qui aurait permis aux traders de la banque allemande de profiter du débouclage.

Elle explique avoir monté pour le samedi matin une "task force" de cinq personnes pour éplucher les livres de transaction de Kerviel, avant de mobiliser des membres du middle et du back office. En soirée, une trentaine de personnes sont ainsi mobilisées, mais la plupart ne sont pas informées du problème.

Kerviel reconnaît alors que les contreparties n'existent pas et qu'il a bien gagné 1,4 milliard, mais Claire Dumas juge "confuses" ses explications sur la stratégie de trading qui lui a permis de dégager un tel résultat.

Rappelé par la banque, Kerviel revient sur place en fin de journée. Il est soumis à un interrogatoire enregistré, plusieurs supérieurs et contrôleurs écoutant ses réponses à distance. Il explique sa "martingale". Luc François, son N+5, lui répond qu'il est impossible de gagner en arbitrant le dérivés sur l'indice Dax, l'un des plus liquides du monde (donc où les opportunités d'arbitrage sont très réduites). Claire Dumas insiste sur la fait que Jérôme Kerviel s'est montré très peu coopératif.

Elle explique qu'elle et les membres de son équipe étaient "dévastés" en découvrant finalement l'ampleur des positions, même si certains pourraient croire que la découverte de 1,4 milliard de profit caché est une bonne nouvelle : elle utilise un parallèle saisissant : "si je découvrais dans la chambre de mon fils adolescent une enveloppe avec 80.000 euros, je ne serais pas contente, je serais dévastée".

17h14 Première intervention régulière de Me Metzner, qui interroge à son tour le prévenu.

- Certains vous ont présenté comme un génie de l'informatique, êtes vous d'accord ?

- absolument pas

- on vous accuse d'avoir "appris à tricher" grâce à votre expérience du "middle office"

- je le nie, car ce que je faisais était, si je puis dire, complètement con : je ne faisais que reporter des informations dans la base informatique, je n'ai jamais passé d'opérations

- donc vous étiez comme le secrétaire particulier du trader ?

- absolument

- Combien de séances de formations avez-vous eu à la banque pendant que vous étiez au "middle office" ?

- une ou deux, je n'avais pas le temps d'en faire plus

- avant de passer trader, vous n'avez donc bénéficié d'aucune formation spécifique ?

- Absolument pas, on apprend sur le tas, au contact des seniors

- Est-ce que vos supérieurs vous disaient s'il fallait jouer à la hausse ou à la baisse ?

- parfois, oui, ils m'encourageaient à prendre certaines positions.

L'avocat exhibe ensuite un plan physique du "desk" Delta One, qu'il indique avoir reconstitué par ses propres moyens. Kerviel était situé entre deux autres traders, à deux places de son supérieur direct Eric Cordelle. Son N+2 était situé à une dizaine de mètres, le N+3 et le N+4 un et deux mètres plus loin.

"Et ils ne savaient pas ce que vous faisiez ?", questionne Me Metzner

- c'est le problème, effectivement, repond Kerviel. Pendant une journée, c'est possible, mais pas pendant un an, d'autant que j'étais très expressif quand je gagnais ou perdais

- Vos supérieurs avaient accès à votre écran d'un simple clic ?

- Absolument

Un peu plus tard, l'un des avocats de la banque souligne que les collègues ont déclaré qu'ils ne faisaient pas attention à ce que faisait Kerviel. Metzner intervient : "je trouve admirable que la partie civile sache déjà ce que vont dire ces témoins, alors que c'est nous qui les avons cités". Il affirme au passage détenir la preuve que la banque a organisé des formations à leur attention sur la façon de repondre aux questions de la police judiciaire.

Me Metzner interroge aussi Kerviel sur les appréciations de sa hiérarchie, d'où il ressort que son "agressivité" était, selon lui, jugée positivement.

17h. Reprise de l'audience. Me Reinhart, avocat de la SocGen, interroge Kerviel sur son DESS, dont l'ex trader dément qu'il était centré sur les activités de "back office", avant de convenir qu'il préparait aux métiers de "back" et de "middle office". L'avocat passe ensuite à ses responsabilités d'assistant trader en 2001 et 2002, soulignant qu'il y a acquis la connaissance du mode de saisie des opérations dans le système et du fonctionnement des fonctions support. Kerviel précise que cette connaissance ne couvrait que certaines des fonctions support, et notamment pas les services qui assuraient la comptabilité et le suivi du résultat.

Sur son bonus au titre de 2007, qu'il aurait dû toucher début 2008, Kerviel nie avoir été "mécontent" du montant qui lui avait été proposé, à savoir 300.000 euros.

Sur son emploi du temps, Me Martineau, qui défend aussi la banque, lui demande si ses journées chargées s'expliquait en partie par ses activités dissimulées, ce que Kerviel admet.

Dans la foulée, Jean Veil, leader de l'équipe juridique de la Générale, revient sur le fait que Kerviel ne prenait pratiquement pas de vacances. "On dit que vous avez refusé de prendre des vacances au motif que vous étiez en deuil de votre père, était-ce vraiment pour cette raison, ou pour éviter qu'un de vos collègues ne découvre vos positions cachées ?"

"Je trouve votre remarque particulièrement odieuse", lui rétorque Kerviel, avant de préciser avoir pris deux semaines en 2007 et être revenu à la fin de la première car le "junior" qu'il avait formé "ne s'en sortait pas".

16h40. Pendant la première suspension de séance, à l'extérieur du palais, Me Metzner, le défenseur de Kerviel, fume son traditionnel gros cigare en répondant à une journaliste de télévision qui l'interroge sur sa façon de "se servir de la presse". L'avocat rejette cette expression, et réplique qu'il veut que la presse soit informée de façon transparente, car "dans les procès politiques, comme celui de l'affaire Clearstream, les prévenus sont souvent condamnés par la presse" avant de l'être par la justice...ou pas.

16h28. Kerviel détaille sa journée type à la SocGen : arrivée à 7h, déjeuner d'un sandwich les trois quarts du temps, et fin de journée vers 22h, après la cloture du marché new-yorkais. Le tout avec "très peu de vacances", d'autant qu'il a du "former" son assistant trader après avoir été lui-même promu trader.

16h20. Le président revient sur les bonus perçus par Jérôme Kerviel : 60.000 euros au titre de 2006, où il touchait 48.000 euros bruts de salaire fixe. Il l'interroge ensuite sur son bonus de 2007, où il avait déclaré 55 millions de profit, bien au-dessus des autres membres de son équipe, lui demandant comment il explique qu'il ait demandé 600.000 euros alors que la banque ne voulait lui proposer que 300.000 euros. Il explique que le chiffre lui avait été soufflé par des traders seniors, et qu'il ne s'explique pas cet écart.

 Dans la foulée, le président revient sur son profil psychologique et ses motivations.

Le trading, un métier de l'extrême ?

"A certains moments en effet, c'est assez sportif."

Des amis ?

"Mes seuls amis étaient des employés de la banque, essentiellement des traders".

16h10. Le président revient sur "une des thèses de l'accusation", selon laquelle Jérôme Kerviel a utilisé les connaissances qu'il avait accumulées au middle office pour camoufler ses activités frauduleuses.

"Le poste d'assistant trader est un point d'observation privilégié, à la croisée des chemins", estime le président

"Je saisissais les opérations que les traders me demandaient et je corrigeais les erreurs en fonction des instructions du "back office"", se borne à répondre Kerviel.

15h57. Debout, les mais jointes au niveau de la ceinture, la mâchoire serrée, Kerviel répond aux questions sur ses expériences professionnelles précédent la SocGen, d'où il ressort pour le président que le prévenu a acquis une certaine expérience informatique.

On apprend ensuite que Jérôme Kerviel, arrivé en 2002 à la SocGen au service du "middle office", était apprécié pour son implication et son sérieux. C'est ainsi qu'il est promu trader assistant en 2005, toujours rattaché au middle office mais localisé dans la salle des marchés. Le président déclare que ses missions, qui consistent notamment à suivre les positions prises par les traders et à produire des "reporting" (rapports d'activité), étaient alors liées à ses expériences précédentes au "middle office"...

- Pourquoi ? l'interrompt Kerviel.

- C'est vous qui posez les questions maintenant ? cingle le président.

L'ancien trader bafouille un mot d'excuse avant d'expliquer que "tous les traders font du reporting, c'est quelque chose d'habituel".

15h49. "Encore faudrait-il savoir qui vous êtes M. Kerviel, enchaîne le président. Approchez vous du micro". La salle frémit, mais Kerviel est inaudible. La presse gronde, l'huissier change le micro, et le président reprend, interrogeant Kerviel sur ses études. Le prévenu décline son parcours universitaire, désormais connu de tous, qui se termine par un DESS de Finance à l'université de Lyon. Mais le président veut savoir si Kerviel était "attiré par la finance". Il répond qu'il était intéressé par l'économie et les mathématiques. "Vous êtes un scientifique ?", demande ironiquement le président ? "Non, j'étais juste intéressé par l'économie", répète Kerviel.
 

15h31. Le président rappelle que Jérôme Kerviel, qui s'est rendu de lui-même, a reconnu les faits, mais en affirmant que ses supérieurs étaient conscients de ses pratiques. Comme le rappelle le juge, le prévenu a admis lors de l'instruction avoir agi "hors limite de son mandat", indiquant que sa hiérarchie lui aurait imposé de couper ses positions si elles n'avaient pas été dissimulées par de fausses couvertures. Mais il précise que le prévenu a aussi déclaré : "je ne peux croire que ma hiérarchie n'avait pas conscience de mes positions", car "il était impossible de dégager de tels profits avec de petites positions". Il fait ici référence aux 55 millions de profit déclarés par "JK" au titre de l'exercice 2007, et non à son gain réel de 1,4 milliard, qu'il n'a pas réussi à dissimiler à l'approche de l'arrêté des comptes, ce qui a provoqué sa chute.

15h10. Le président explique que les systèmes de contrôle de la banque n'ont pas pris en compte les positions excessives de Jérôme Kerviel car le trader passait des opérations fictives de couverture sur chacune de ses opérations. Or, la limite de 125 millions était calculée sur la base des engagements nets, c'est-à-dire de l'écart entre les positions prises et leurs couvertures, sans pouvoir faire la part des choses entre opérations réelles et fictives. C'est l'explication qu'a fournie la banque dès le début 2008 pour expliquer la défaillance de ses systèmes de contrôle.

15h02. Le président décrit l'organisation des salles de marché, avec un front office qui prend des positions, un middle qui les suit et un back office qui les contrôle. Il explique que la "limite de réplication" fixée au "desk" Delta One correspondait à la somme des valeurs absolues des engagements des traders du desk, ces engagements correspondant à l'écart entre les positions prises et leurs couvertures. Cette limite a été relevée de 75 à 125 millions d'euros en janvier 2007. Le président souligne que les dépassements devaient être immédiatement régularisés, soit en réduisant les positions, soit en demandant le relèvement de la limite. C'est l'un des points sur lesquels la Défense compte appuyer, en montrant que la banque n'a pas réagi aux dépassements gigantesques de Jéröme Kerviel, qui ont pourtant atteint plusieurs milliards d'euros dès la mi 2007.

14h50. Le président explique le principe de l'arbitrage, qui consiste à prendre des positions couvertes par une position en sens inverse afin d'exploiter de petits écart de prix sur les marchés avec une prise de risque minimum. Il note au passage que Kerviel dément avoir été chargé de faire de l'arbitrage, affirmant qu'il était au contraire un "market maker" (teneur de marché). L'intéressé s'expliquera demain.

Pendant ce temps, Kerviel prend des notes, puis fait tournoyer son stylo entre ses doigts, tout en laissant échapper de petits sourires quand le président s'enfonce dans la technique. Dans la petite salle bondée, la température a monté de plusieurs crans, et les habitués ont déjà dégainé leur éventail.

14h25 Exposé des faits. Le président, Dominique Pauthe, décrit le contexte : au sein de la banque d'investissement de la SocGen, dans le pole GEDS (global equities and derivatives solutions, solutions globales actions et dérivés »), l'activité d'arbitrage hébergeait notamment le service Equity Finance, qui comportait le "desk" (table de trading) où travaillait Jérôme Kerviel, baptisé Delta One.

Kerviel y disposait d'une station de trading avec un outil de passage d'ordres qui garde trace de toutes les opérations, automatiquement consignées dans la base de données "Eliot". Il travaillait sur des produits dérivés ("future", "forward" et autres "warrants") dont le sous-jacent (l'actif dont ils étaient dérivés) était le plus souvent les grands indices boursiers (FTSE, DAX et Eurostoxx). Et notamment sur les fameux "turbo warrants", des dérivés équipés d'une "barrière désactivante" : "le droit détenu par le titulaire du turbo warrant disparait lorsque le sous-jacent atteint un certain cours", décrit le président. Il explique qu'il s'agit d'un cours plancher pour une option d'achat ou "call", ou d'un plafond pour une option de vente, ou "put"] . "Le warrant est alors "knocké", c'est à dire désactivé", conclut le président. On comprend pourquoi les juges ont décidé d'inclure dans le dossier un lexique de la finance de marché...

14h10. Le président, qui aborde l'exposé des faits, s'interrompt pour se plaindre qu'il ne voit pas bien les avocats à cause de l'écran placé devant lui. Un assesseur tente de l'aider, mais il n'y a pas assez de place pour déplacer l'écran. C'est alors que Jérôme Kerviel, petit sourire ironique aux lèvres, se lève comme un bon samaritain pour aider l'assesseur à déplacer l'écran sur une console située à proximité. La salle glousse. A défaut d'impressionner la cour, Kerviel a marqué un premier point aux yeux du public.

13h45. Jérôme Kerviel s'approche du micro et répond au président d'une toute petite voix. La salle murmure : "on ne comprend rien !". Après quelques petits réglages de micro, l'ex-trader explique qu'il travaille désormais dans la sécurité informatique pour un salaire de 2.400 euros nets.

13h31. La petite salle des Cirées est pleine comme un œuf. Le chef de la section financière du parquet, Jean-Michel Aldebert, qui représente le ministère public, et les avocats des parties civiles, au premier rang desquels Jean Veil pour la Société Générale, sont déjà installés quand un grondement arrive de l'extérieur. Accompagné de son avocat, Olivier Metzner, Jérôme Kerviel fait son entrée avec un petit sourire timide et une cravate rose rayée de noir, comme pour souligner la solennité du moment. Il s'asseoit sur la chaise du prévenu et plie nerveusement un petit bout de papier avant d'échanger quelques mots avec Maître Huc-Morel, un associé de Metzner qu l'assistera tout au long du procès.

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