Comment les banques augmentent discrètement leurs tarifs

Dans une opacité organisée, les banques augmentent le coût de l'argent par la démultiplication des prestations facturées. Internet leur a même permis d'aller plus loin, en créant toujours plus de services facturés. Aveuglées par la baisse des taux, peu d'entreprises l'ont vu.
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On savait que la baisse de la rentabilité de leurs activités de marché et de conseil amènerait les banques à augmenter leurs tarifs. C'est fait, et ce n'est pas fini ! "La crise, qui a modifié le rapport de force entre les banques et leurs clients, leur a permis d'augmenter leurs tarifs", résume Jérôme Longeat, manager frais bancaires et trésorerie chez Alma Consulting Group. Pour le calcul des intérêts débiteurs, relève-t-il, elles ont toutes changé leur taux de référence, passant du taux au jour le jour l'Eonia (aujourd'hui à 0,627) à l'Euribor 3 mois (à 1,026). Comme elles se refinancent au prix du premier, elles empochent la différence, soit 0,4%. Ce qui, dans un environnement de coût très bas de la ressource, représente une facturation supplémentaire significative pour les clients. "Si les très grandes entreprises ont su tirer parti de la baisse du coût de l'argent, elle a été beaucoup moins forte pour les PME", dit David Laugier, chez BFinance.

Des hausses tarifaires généralisées

Car ce n'est plus par les taux que le coût de l'argent grimpe, mais par les services facturés. Si tout le monde n'y a vu que du feu, c'est que les banques ont développé un art de la hausse tarifaire fort ingénieux. "Si le taux facial du crédit a beaucoup baissé, il a été remplacé par un nombre spectaculaire de prestations facturées, et augmentées chaque année, explique Judicäel Roger chez Jekho. C'est par ces prestations qu'augmente désormais le coût de l'argent."

Depuis 2000, elles ont en effet mené une analyse de la valeur systématique de leur service, et facturé de plus en plus de prestations qui jusque là faisaient partie du service normal du banquier: il en est résulté un morcellement spectaculaire du service bancaire, et partant une démultiplication des occasions de facturation, prélevées directement sur les comptes. Réduites hier à quelques pages, les conditions tarifaires des banques ont incroyablement gonflé: pour 2010, pas moins de 44 pages à la Société Générale, et même 84 chez BNP Paribas!

Les clients n'ont pas vu ces nouvelles lignes apparaître, les frais de tenue de compte -multipliés par le nombre de comptes- et leur nombreux «services associés» tels que simples relevés, photocopie, ou synthèse d'activité, le moindre incident de fonctionnement -automatiquement facturés sans justification quand, hier, ils donnaient lieu à un appel rapide du chargé de compte-, etc. Ce morcellement permet aux banques de passer des augmentations substantielles mais indolores, car réparties sur une multitude de lignes, elles sont réduites à quelques centimes... par opération.

Des prestations difficilement comparables

Si elles peuvent le faire, c'est qu'aucune prestation n'est comparable d'une banque à l'autre. Les frais de «tenue de compte»? Ils sont trimestriels chez BNP Paribas, annuels chez SG mais progressifs en fonction du chiffre d'affaires des clients. Les «incidents de fonctionnement» ? Quand HSBC facture 7 euros par opération «nécessitant un traitement particulier» à la condition qu'il y en ait moins de trois par jour, SG facture un «minimum de 7,40»... à la condition que l'incident s'inscrive «dans le cadre de la signature d'une convention de Trésorerie courante et dans la limite de six opérations par jour».

Quant à BNP Paribas, l'orfèvre en la matière, elle a procédé à un découpage subtil et extrêmement fructueux entre les incidents sur «opérations de versements et d'encaissements», ceux sur «opérations de paiements et règlements impayés» en distinguant les chèques, les effets les avis de prélèvement, et les incidents sur compte... Inutile de dire que personne ne peut les comparer entre eux bien qu'ils coûtent fort chers aux entreprises, et ce à leur insu. «Tout est fait pour qu'elles ne puissent pas négocier leurs tarifs» dit Anthony Schulhof, du cabinet de Rhins. L'opération est si fructueuse pour les banques qu'elles mènent un lobbying intense pour que le projet SEPA, censé harmoniser leurs pratiques pour favoriser la concurrence, ne puisse être appliqué.

Des services en ligne fort coûteux

Vous pensiez que les nouvelles technologies permettraient aux clients de bénéficier des gains de productivité du secteur ? Erreur ! Non seulement les banques ont facturé ce qu'avant elles offraient gratuitement -comme les relevés papier et autres traitements d'incidents-, en faisant payer au prix fort la plus petite intervention humaine, mais elles ont surtout créé d'innombrables nouveaux services chèrement facturés: l'abonnement mensuel de base à Internet -multiplié par le nombre de comptes, et toujours plus cher que l'accès à Internet lui-même-, auquel elles ajoutent de nombreux «modules complémentaires», sans oublier les opérations facturées à l'unité, y compris quand tout est automatisé ! Idem pour les coûteux abonnements pour échange de fichiers par télétransmission. Et encore, n'a-t-on pas encore vu les services sur smartphones qu'elles entendent transformer en carte de paiement, et qu'elles s'apprêtent à facturer au prix fort.

Vous pensiez que le calcul des agios avait été clarifié par la loi ? "Chaque opération est affectée d'une date de valeur dont le calcul est opéré à compter
du jour de l'opération (J DO), du règlement (J DR) ou du jour de comptabilisation (J DC) majoré ou minoré d'un nombre variable de jours. Le nombre de jours est exprimé en mode calendaire ou ouvré" précise sans rire BNP Paribas dans ses conditions tarifaires. Dès lors, connaître en temps réel votre situation de trésorerie devient quasi impossible. Qu'importe puisque cela permet à BNP Paribas de vous fournir, pour 30 euros par mois, un logiciel pour connaître votre trésorerie! Si un de vos comptes venait à tomber inopinément dans le rouge, vous vous verrez imposer des commissions de compte courant débiteur, plus des commissions de «de plus fort découvert», héritage du lointain encadrement du crédit mais toujours en vigueur...«Avec tous les prélèvements additionnels, le taux effectif global des découverts atteint facilement 7 à 8%» dit Jérôme Longeat chez Alma Consulting Group.

 

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Commentaires 36
à écrit le 01/02/2011 à 17:38
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Ca fait peur ... ces escrocs peuvent se servir sous toutes les raisons qu'ils peuvent inventer ... Comment les éviter ou les contourner ?

à écrit le 29/12/2010 à 20:30
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si encore les plus chères étaient les plus efficaces : mais non... Au Crédit mutuel, il faut déposer les chèques dans l'automate, pas au guichet même s'il n'y a aucun autre client : moralité, on perd déjà 24h pour l'encaissement, alors qu'à la Hsbc p...

à écrit le 29/12/2010 à 12:36
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La perception de beaucoup que les banquiers sont des voleurs serait-elle justifiée? Il est temps pour les Etats d'harmoniser les législations et d'imposer aux banques des règles strictes qui seront au service des consommateurs et qui les défendront. ...

le 29/12/2010 à 15:07
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Cet article est très incomplet et très subjectif. Je m'explique: si on répète à tout va que les banques françaises sont chères, on omet de dire que le consommateur français vit bon train: compte et chèque gratuit pour tous (imposé par l'Etat "droit a...

le 31/12/2010 à 9:58
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Pourquoi les banques, pour se renflouer, n'ont-elles pas vendu une part ou la totalité de leurs immenses parcs immobiliers ?

le 31/12/2010 à 14:18
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les gens sont devenus des assistés leur compte est mal géré ?? c est de la faute de tout le monde sauf de la leur.Ils dépassent leur autorisation de découvert ?? pas de leur faute c est le méchant banquier .Perso quand j ai un probleme je prend rdv j...

le 31/12/2010 à 16:24
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Tout à fait d'accord. Dans beaucoup de pays les tarifs bancaires sont si prohibitifs que seuls les ménages les plus aisés y ont accès. Mais en France c'est bien connu: TOUT EST DU...

le 31/12/2010 à 18:11
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Bravo pour ces commentaires ! En France, les gens les plus démunis ont pris l'habitude d'être assistés de partout. Ils ne gèrent plus leur compte, c'est le banquier qui doit le faire ! Je travaille dans un centre de relation clientèle, et tous les j...

le 01/01/2011 à 17:57
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Tout est dû en France? aux banques oui sans doute. L'argent que je place à la Banque, la banque le place ou le prête à des taux bien supérieurs à celui des intérêts qu'elle me verse. Lorsque j'envoie de l'argent à l'étranger, une simple opération pou...

le 10/01/2011 à 11:19
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C'est vrai c'est une honte... vendre une chose plus cher que ce qu'on l'a acheté... c'est pas comme si c'était le principe de commerce [soupir]

à écrit le 28/12/2010 à 18:47
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BNP reste dans sa logique de profits avec un certain cynisme je m'explique: Un handicapé SALARIE demande en juin 2010 un prêt pour acquérir un logement, je me porte garant pour le prêt, mes revenus ne posent pas de pb. Le chef d'agence compile l'ens...

à écrit le 28/12/2010 à 13:24
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Les politiques ne peuvent ou plutôt ne veulent rien faire contre le lobby bancaire et son argent. Tous d'accords pour nous plumer bien à fond.

le 10/01/2011 à 12:27
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les banques ont un poids important auprès des gouvernants qui les protègent ! nos gouvernants sont venus "au secours des banques" après la crise financière - qu'on se le lise ! ce ne sont pas les politiques qui gouvernent mais les financiers- nos gou...

à écrit le 28/12/2010 à 12:02
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faut re-nationaliser les banques! _ _ _ Béregovoy n'aurait jamais dû les privatiser ! car elles font de l'argent avec l'argent des autres ! ne produisent rien (vivent au crochet de l'économie industrieuse ) !

le 01/01/2011 à 17:36
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Tout à fait d'accord

à écrit le 28/12/2010 à 10:36
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Et Madame Lagarde, qui nous avait promis plus de transparence et moins de coûts, elle est en vacances avec ses amis banquiers. Le mensonge est devenu la règle!

à écrit le 28/12/2010 à 10:22
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L'avocat du diable ? Pas sûr... La critique est facile, l'art l'est moins. Il me paraît utile de préciser que les banques restent des partenaires indispensables. L'augmentation des coûts sans contrepartie est une vérité pour celui qui ne se penche pa...

le 29/12/2010 à 15:16
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J'ajouterais: comme-ci les consultants, purs produits du secteur financier, qui facturent "au conseil" oral ou écrit, et touchent des prestations mirobolantes à chaque "intervention humaine" avait une morale à donner...

le 02/01/2011 à 22:38
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"les consultants, purs produits du secteur financier". ça doit exister, effectivement... Pour ce que je représente, nous accompagnons et notre rémunération se fait en cas de succès, l'entrepreneur restant sur la première marche du podium des gains (b...

à écrit le 28/12/2010 à 9:21
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Merci pour cet article instructif. Spécialiste des relations des entreprises avec leur(s) banque(s), je voudrais y apporter deux précisions : 1) Les banques n'ont pas de "client". Elles ont des usagers ou des numéros ou catégories de comptes, ou tout...

le 29/12/2010 à 16:07
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commentaire stérile! vs etes spécialistes des relations entreprises - banques àtitre de bénévolat peut etre ??? Les banques proposent comme n'importe quelles entreprises des services en échanges de quoi il faut bien payer ces prestations.

à écrit le 27/12/2010 à 17:40
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Qui peut encore croire que nos politiques font les lois en toutes indépendance.??? Des lobbyes ont leurs entrées au parlement, et peuvent fournir " des propositions toutes faites", dans le but de servir leurs intérêts. Voir la loi NOME, où EDF doit...

à écrit le 27/12/2010 à 10:43
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les banquiers sont devenus les plus grands voleurs à découvert avec le soutien de mme Lagarde et de tout le gouvernement; il y a longtemps que l'internationale des banquiers s'est unie !!!

à écrit le 26/12/2010 à 11:17
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Que fait Mme Lagarde ? La Tribune serait bien inspirée de lui demander sa position sur ce sujet et d'en publier la réponse . L'UMP va sans nul doute tout faire pour perdre les élections en 2012 .

à écrit le 24/12/2010 à 22:46
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La diversion sur la facturation des chèques a permis aux banques de faire ce qu'elles voulaient sur le reste..... Canto va finir par avoir raison et surtout va être suivi!

à écrit le 24/12/2010 à 16:43
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C'est régulièrement que les associations de défense des consommateurs dénoncent le manque de transparence des banques, lesquelles s'en fichent complètement et continuent à brouiller les pistes pour que le consommateur n'y comprenne rien. Prenez les p...

à écrit le 24/12/2010 à 16:15
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la détention d'un compte étant obligatoire pour un salarié, ces pratiques relèvent donc de l'arnaque pure et simple et qui plus est elle est légale. En somme, on se fait plumer très astucieusement et de façon indolore, pour alimenter sans doute les b...

le 28/12/2010 à 11:18
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Rien ne vous oblige à souscrire à tous les services annexes que propose une banque. La simple ouverture de compte est dans la plupart de celles-ci gratuite. Si bien vous voulez une CB avec la possibilité de consulter vos comptes sur internet, et tout...

à écrit le 24/12/2010 à 16:10
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La question se pose aussi pour les prèts immobiliers : les banques prètent à des taux très faibles, parfois inférieur aux taux des bons du trésor (OAT 10 ans). Le but est d'attirer les clients pour les piéger pendant toute la durée du prèt. Les quest...

le 27/12/2010 à 16:16
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une banque est aussi une entreprise qui doit dégager des benefices... et non une oeuvre caritative(ca se saurait..!) à ce moment là pourquoi continue t'on a payer des services comme l'electricité ou le gaz si les banques ne facturaient plus rien......

le 29/12/2010 à 8:26
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tout à fait d'accord avec vous SAUF que le service n'est plus, alors payé oui pour un vrai service. Je rajoute aujourd'hui qu' elle la valeur technique d'un conseiller client pour l'ensemble des entreprises celui du logiciel de son PC car l'initiat...

le 29/12/2010 à 15:24
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Le service n'est plus vous dites...assumer la lourde de tâche de sécuriser vos avoirs n'est-il pas un service en lui même??? Je pense qu'il s'agit d'une responsabilité et d'un risque qui mérite facturation. Gardez votre argent chez vous, vous compren...

le 29/12/2010 à 17:20
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Les banques ne font qu'appliquer des tarifs que les consommateurs, s'ils étaient un peu plus responsables, sont libres d'accepter ou de refuser en changeant de banque ! Personnellement je n'ai jamais de "commission" ou d'"agios" sur mon compte, pourt...

le 31/12/2010 à 10:08
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une seule réponse à tous ces commentaires : faire voter rapidement une loi sur le recours en nom collectif (class action) pour rééquilibrer le pouvoir du lobbying d'ailleurs interdit par la loi, mais qui se porte très bien auprès de nos députés. Cett...

le 31/12/2010 à 15:55
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voltR A RAISON,la loi sur le recours en nom collectif a ete promise par l'UMP et Lagarde,et jamais discutee au parlement,sous la pression des lobbys.

le 10/01/2011 à 12:30
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vous avez élu des politiques qui en fait sont au service des financiers, les seuls qui "gouvernent" vraiment - nos politiques font de la com et ont peu de résultats hélas pour les français bernés ......

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