Crédit immobilier : les banques vont retrouver le chemin de la profitabilité

Les réseaux bancaires devraient revenir sur le marché du crédit immobilier avec la hausse des barèmes qui permettent désormais d’éviter la vente à perte. La plupart des réseaux bancaires ont connu des baisses de plus de 20 % de leur marge nette d’intermédiation au premier semestre. Si certains réseaux, comme BNP Paribas, ont appuyé sur le frein, les réseaux mutualistes se sont efforcés de conserver leur part de marché alors que LCL et La Banque Postale étaient en conquête. Reste à savoir si la demande de crédit va rebondir alors que la baisse du pouvoir d’achat immobilier liée à la hausse de taux est loin d’avoir été compensée par la baisse des prix immobiliers.
Le nombre de prêts accordés s'est littéralement effondré. Source : Crédit Logement/CSA (niveau glissant annuel, base 100 en 2020).
Le nombre de prêts accordés s'est littéralement effondré. Source : Crédit Logement/CSA (niveau glissant annuel, base 100 en 2020). (Crédits : Observatoire du Crédit Logement/CSA)

C'est un frémissement. Et c'est l'Observatoire de Crédit Logement, la vigie du marché du crédit immobilier, qui le dit dans sa dernière publication sur l'activité du mois d'août, publiée début septembre. « La production commence à se stabiliser avec l'amélioration des conditions pour les banques », note l'Observatoire de cette institution qui propose, pour le compte des réseaux bancaires, un service de cautionnement.

C'est plutôt une bonne nouvelle qui a sans doute plaidé, ce mardi 26 septembre, en faveur d'un statu quo sur les critères d'octroi d'un prêt immobilier, à l'issue de la réunion du Haut conseil de stabilité financière (HCSF), présidé par le ministre de l'Économie, Bruno le Maire.

Pourtant, Bercy était soumis à une très forte pression depuis plusieurs jours, notamment politique, afin de desserrer un peu les contraintes réglementaires imposées aux banques depuis le 1er janvier 2022. Ces contraintes sont pointées du doigt par les professionnels de l'immobilier pour expliquer l'arrêt brutal de l'activité dans le secteur immobilier. La chute de 40%, au second trimestre 2023, de 40% des réservations de logements neufs a rendu beaucoup de monde nerveux.

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Chute de 40% de la production de crédit immobilier

La Banque de France a eu en revanche gain de cause : chacun sait qu'elle est hostile à l'assouplissement de ces règles pour éviter le surendettement des ménages et une explosion du taux de défaut.

Pour la gardienne du temple, le recul de 40 % sur un an de la production du crédit immobilier doit être mis en regard avec le pic absolu de cette production en 2021 (à 25 milliards par mois), à la faveur de taux quasiment à 1%. L'institution souligne également que le niveau actuel de la production, qui oscille entre 10 et 12 milliards par mois, est finalement équivalent à celui de 2015.

« Quand les taux sont passés de 4% à 1%, personne n'a appelé la Banque de France et Bercy pour dire « C'est formidable ! ». Il y a une asymétrie du standard téléphonique », s'est récemment agacé le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, devant quelques journalistes. « C'est une polémique excessive, nous avons les taux les plus bas d'Europe et les volumes les hauts d'Europe », ne cesse de répéter le gouverneur.

Toutefois, les banques et les courtiers en crédit auraient salué un geste des autorités à l'heure où la production marque une première inflexion positive depuis un an, histoire de considérer une éventuelle reprise du marché.

Amélioration depuis le printemps

« La profitabilité des nouveaux crédits ne se dégradent plus depuis le printemps dernier », souligne l'Observatoire, qui précise que cette « amélioration ne se reflète pas encore dans la production ». Autrement dit, les banques, coincées depuis l'été 2022, entre la brutale hausse du coût du refinancement ou de la ressource bancaire (livret A) et le plafond du taux d'usure, ont dû sacrifier la rentabilité à la production.

Mais, aujourd'hui, le taux moyen des crédits immobiliers, toutes durées confondues et hors assurances, s'établit à 3,8% en août dernier (contre 1,22% deux ans auparavant), soit une hausse deux fois plus forte depuis janvier que sur l'ensemble de l'année 2022. Le mouvement se poursuit en septembre, avec des taux sur 20 ans à plus de 4 %. Un taux à 5 % sur 20 ans est désormais à portée, d'ici quelques mois.

Cette accélération s'explique par la hausse du taux d'usure, qui prend de plus en plus compte des hausses précédentes, et aussi par sa mensualisation, en vertu d'une dérogation accordée à titre temporaire par la Banque de France.

La forte croissance des taux longs à partir du début 2022 n'a cependant pas été pleinement répercutée sur les taux aux clients, avec un taux d'usure qui était calculé chaque trimestre, mais aussi compte tenu d'une certaine modération souhaitée par les banques. Mais, au total, ce taux d'usure a fortement pincé les marges commerciales, alors même que les encours sont à taux fixe. Ce qui a entraîne un durcissement de la politique commerciale de certaines banques.

Un mix de refinancement secret

« L'écart le taux d'un crédit immobilier à 20 ans et celui de l'OAT à 10 ans, doit être au moins de 100 points de base », avance un courtier de crédit immobilier de la place. Aujourd'hui, l'OAT 10 ans a grimpé à 3,35%, ce qui suppose un crédit immobilier à 4,35%, sans les assurances, pour assurer une rentabilité. Le compte y est presque, alors que le taux d'usure sur 20 ans est passé à 5,56% (assurances et frais compris) à partir du 1er septembre. Bien sûr, ce calcul est sommaire. En réalité, les banques gardent jalousement secrètes leur mix de refinancement, et donc le niveau de leur marge sur le crédit immobilier.

« Lors des premières discussions sur les mesures du HCSF, il avait été demandé aux banques d'estimer le coût du refinancement du crédit immobilier. Elles ont toutes répondu la même chose : nous ne savons pas le faire, nous n'isolons pas les marges car cela n'a d'intérêt sachant que le crédit immobilier fait partie d'une offre plus globale », se rappelle un proche du HCSF. Bref, circulez, il n'y a rien à voir.

Chute de la marge d'intermédiation

Cette marge, plusieurs dirigeants bancaires avaient indiqué « en off » qu'elle était négative au premier trimestre. Ce qui est certain, selon les chiffres compilés par une étude (non publique) sur les résultats trimestriels des banques françaises, réalisée par le cabinet de conseil Accurancy, c'est la très forte dégradation de la marge nette d'intermédiation de la banque de détail en France au premier semestre 2023 (ou même en glissement trimestriel depuis le troisième trimestre 2021).

Tous les réseaux bancaires ne sont cependant pas logés à la même enseigne, en fonction de leur structure de bilan, du poids de l'épargne réglementée ou de leurs politiques commerciales. Les réseaux plus touchés sont les Caisses d'Epargne (-34% vs le premier semestre 2022), les Banques populaires (-25%) et le Crédit Agricole (-25%, en moyenne trimestrielle). En revanche, BNP Paribas a réussi à limiter le recul de sa marge nette en France (-2,6%), en raison notamment de l'importance de ses dépôts.

LCL et Banque Postale en conquête

Mais la banque fait également partie de celles qui ont très tôt levé le pied sur le crédit immobilier. Les encours de BNP Paribas affiche une faible progression de 0,6% au premier semestre alors que la Société Générale, qui avait annoncé l'été 2022 suspendre ses relations commerciales avec les courtiers, a même vu ses encours reculer de 1,6%. Les réseaux mutualistes, qui dominent très largement le marché du crédit immobilier, ont toujours défendu leurs parts de marché et affichent des progressions d'encours de 5 à 6 % au premier semestre. Enfin, certains réseaux se sont même montrés plutôt offensifs pour gagner des parts de marché, comme LCL (+7,2% sur les encours) ou bien La Banque Postale (+7%).

« Si l'horizon semble s'éclaircir, en réponse à la remontée de la profitabilité de la production nouvelle, la reprise sera lente et hésitante », prévient l'Observatoire. Car même si les banques ouvrent un peu plus le robinet de crédit, encore faut-il que la demande suive.

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« La hausse des taux va aussi rétablir l'équilibre entre vendeurs et acheteurs », avance un courtier. Mais, pour l'instant, le nouveau rapport de force a plutôt tendance à figer les transactions. Résultat, la baisse des prix de l'immobilier n'est pas suffisante pour compenser la perte de pouvoir d'achat immobilier liée à la hausse des taux.

En un an, selon le promoteur Century 21, les ménages ont perdu près de 20 % de pouvoir d'achat immobilier. Et dans une note publiée en mai, le think tank Terra Nova estime que la hausse des taux devrait provoquer une baisse des prix immobiliers « de l'ordre de 20 % à environnement constant »Nous en sommes encore loin.

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