
Douche froide pour tous les acteurs de l'immobilier, notamment les courtiers. Alors que le nombre de crédits accordés ne cesse de chuter avec la hausse des taux et le durcissement des conditions d'octroi, leur espoir d'un assouplissement a été douché par le superviseur. Le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) a en effet décidé ce mardi, de maintenir les règles de taux d'endettement maximal de 35% et la dérogation concernant 20% des dossiers. Autrement dit, 80% des demandeurs de crédits verront toujours leur prêt refuser si leurs mensualités de remboursement excèdent 35% de leur salaire net avant impôt (assurances comprises, frais de notaires, commissions...).
Une déception d'autant plus grande que Bruno le Maire, ministre de l'Économie mais aussi président du HCSF « étudiait cette hypothèse », avait confié ce lundi le président de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, Sacha Houlié (Renaissance). Un espoir balayé par le superviseur, qui repousse à décembre un éventuel assouplissement des règles de crédit, « en fonction de l'évolution du nombre de dérogations prises par les banques », précise l'entourage du HCSF.
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Les règles d'octroi, pas à l'origine du grippage des crédits selon le HCSF
Pour l'autorité, la situation du marché des crédits immobiliers est certes difficile, mais elle ne justifie pas pour l'instant de modification des règles. Car « l'endettement des ménages, en particulier le crédit immobilier, et des entreprises reste, en France, plus dynamique que dans le reste de la zone euro », affirme le HCSF. Et ce malgré, la flambée des taux d'intérêt des crédits qui sont passés d'une moyenne de 1,06% en décembre 2021 à 3,63% en août 2023. Une hausse des taux qui a fait fondre le nombre de crédits immobiliers accordés, hors renégociation, au plus bas en juillet depuis avril 2016, à 10,1 milliards d'euros. Un montant deux fois inférieur à celui de juillet 2022, selon la Banque de France.
Mais, selon elle, « le ralentissement du crédit au secteur privé non financier reflète principalement la bonne transmission de la politique monétaire, le relèvement des taux d'intérêt réduisant la demande de crédit ».
Pas d'inquiétude, donc, du côté du Haut conseil qui justifie sa décision sur un argument principal : « la production de crédits "non conformes" relevant de cette flexibilité ne représente que 13,8 % de la production totale des crédits, au deuxième trimestre 2023, pour un maximum possible de 20 % », affirme l'organisme.
« Nous commençons à voir une augmentation du nombre des dérogations mais cela reste encore un début, ce qui justifie un maintien des règles », confirme l'entourage du HCSF. Le régulateur souhaite notamment attendre de voir l'effet de son dernier assouplissement de juin où il a augmenté de 4% à 6% le nombre de crédits au-delà du seuil de 35% du taux d'endettement maximal pour les achats immobiliers hors résidence principale.
Colère chez les courtiers
Du côté des courtiers et des banques en revanche, c'est la douche froide. Ces derniers implorent en effet depuis plusieurs mois les régulateurs d'assouplir les règles pour redynamiser le crédit.
« Nous avons des dossiers de prêts bloqués à cause des règles du HCSF car le renchérissement des coûts du crédit amène beaucoup de ménages au-dessus des 35% de taux d'endettement », alerte Caroline Arnould, directrice générale du courtier Cafpi, à La Tribune.
Contactée par l'AFP, Bérengère Dubus, secrétaire générale de l'UIC, principal syndicat de courtiers en crédit immobilier s'est également dite « très en colère face au déni de réalité. »
Après cette annonce, la colère est également palpable chez d'autres professionnels du secteur, à l'image de la Fédération bancaire française qui affirme froidement prendre « note de la décision ». Les courtiers ne cachent pas, en revanche, leur frustration. « Il est fort regrettable de ne pas soutenir les ménages qui souhaitent acheter et qui le peuvent financièrement », regrette Cécile Roquelaure, directrice des études du courtier Empruntis.
Le HCSF veut se montrer ferme en montrant que le grippage du crédit n'est pas sa priorité et qu'il souhaite avant tout « éviter une perte de contrôle de la distribution de crédits immobiliers et une augmentation du nombre de cas de surendettement », confie l'entourage de l'organisme.
Une justification qui ne convainc pas les professionnels qui estiment que le taux maximal de 35% « est dogmatique », tacle Caroline Arnould. « Nous souhaitons la fin de cette norme pour mettre en place une règle de taux maximal de reste à vivre, car quand une règle doit être amendée de 10%, 20% de dérogations, c'est que cette dernière est mal calibrée », renchérit la directrice de Cafpi. Une réforme qui restera probablement au stade du rêve.
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