Du compte sans banque au compte pour tous, Nickel fait le plein en France et vise l’Europe

Née il y a dix ans d’un pari un peu fou, la fintech Nickel est une véritable success story française grâce à un modèle original de distribution qu’elle souhaite désormais dupliquer dans de nombreux pays européens. Objectif : 5,5 millions de clients d’ici 2025 en Europe contre 3,7 millions aujourd’hui. Maturité oblige, Nickel sort de sa zone de confort des moyens de paiement pour tenter une diversification vers l’assurance, le crédit et l’épargne. Un pas de côté qui ne cherche pas à atteindre une rentabilité déjà acquise depuis 2018 mais plutôt à fidéliser.
La directrice générale déléguée de Nickel, Marie Degrand-Guillaud, se lance à la conquête de l'Europe en préservant l'ADN de la fintech.
La directrice générale déléguée de Nickel, Marie Degrand-Guillaud, se lance à la conquête de l'Europe en préservant l'ADN de la fintech. (Crédits : DR)

La fintech Nickel, c'est d'abord un storytelling de rêve. Deux copains, que tout oppose, l'un banquier à la Société Générale, Hugues Le Bret, plus Neuilly-sur-Seine que Neuilly Plaisance, l'autre, informaticien de génie, Ryad Boulanouar, né à Lyon d'une famille algérienne, et qui a grandi dans le Val-de-Marne, imaginent en 2013, lors d'une soirée (forcément), un service bancaire de base pour les exclus et les sans-grades. Avec même l'espoir, un peu fou, d'atteindre un jour 150.000 clients. L'idée était alors de construire un réseau de distribution en s'appuyant sur les buralistes, eux-mêmes en quête de diversification.

Dix ans plus tard, Nickel est sans doute la réussite la plus iconoclaste d'un secteur traditionnellement peu attiré par les chemins de traverse. Avec, à la clé, de nouvelles ambitions d'ici à 2025, comme d'atteindre 5,5 millions de clients en Europe (3,7 millions aujourd'hui) et d'être le premier réseau européen de distribution d'un compte bancaire, via des partenariats avec des buralistes ou des commerces de proximité.

Du compte « sans banque » à BNP Paribas

En dix ans, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Le fameux « compte sans banque » des débuts est devenu une filiale de BNP Paribas en 2017. Un rachat qui a surpris alors que la startup était en pleine croissance, trois ans après son lancement. Prix de la trahison (pour certains) ? Un chèque de 200 millions d'euros pour les fondateurs, preuve que faire fortune dans la fintech est aussi possible à Paris. Tout juste pourrait-on regretter que la France apparaisse incapable de créer ses propres licornes dans la finance, comme un Revolut au Royaume-Uni, un N26 en Allemagne ou un Klarna en Suède. C'est bien, au final, les banques traditionnelles qui mènent le jeu de la disruption.

Aujourd'hui Nickel, c'est le « compte pour tous », et surtout celui qui a réussi là où tant d'acteurs ont échoué, comme Carrefour avec son compte C-Zam, ou Orange Bank et plus récemment Ma French Bank (La Banque Postale). Nickel, le répète aussi souvent que possible, est un établissement de paiement rentable depuis 2018 (36 millions d'euros de résultat avant impôt en 2023) et « autofinance » son développement en France et à l'international (Espagne, Portugal, Belgique, Allemagne). Pour l'international, le principe est clair : penser global, agir local.

Une nouvelle stratégie de diversification

Enfin, c'est peut-être la justification a posteriori de sa vente à un groupe bancaire, Nickel se lance dans la diversification de ses services, vers le crédit, l'assurance et (bientôt) l'épargne, à la « demande de nos clients », tient à rappeler la directrice générale déléguée, Marie Degrand-Guillaud. C'est en effet une petite révolution en interne où la vertu du produit unique a toujours été défendue bec et ongles.

Nickel propose donc un crédit « coup de pouce », plafonné à 1.000 euros (encours moyen de 300 euros), qui s'apparente en fait à du paiement fractionné à trois mois, grâce à l'infrastructure de FLOA, une banque spécialisée rachetée par BNP Paribas en 2022. Idem dans l'assurance, avec un contrat habitation pour les locataires construit par Cardif, la filiale assurance du groupe bancaire. « Nous menons cette diversification avec des partenaires qui vont se retrouver sur notre socle de valeurs, de faire des parcours simples, utiliser des vocabulaires du quotidien, de mettre de la transparence sur des produits qui en manquent et bien sûr innover. C'est vraiment comme cela que nous concevons notre positionnement », ajoute Marie Degrand-Guillaud.

La force de frappe européenne de BNP Paribas doit également aider à rassurer les partenaires de Nickel à l'international. Et, surtout, la réussite de BNP Paribas, que l'on n'attendait pas forcément d'un grand groupe bancaire,  est d'avoir évité de « dissoudre » la startup dans son organisation tentaculaire et de tuer ainsi dans l'œuf l'esprit d'entreprendre.

L'ADN du pauvre

Aujourd'hui, Nickel revendique son indépendance de marque et de stratégie et la petite startup compte aujourd'hui quelque 800 collaborateurs, dont 200 sur les systèmes d'information et une bonne centaine sur l'exécution et la conformité. Pour autant, Nickel s'est fait récemment taper sur les doigts par le superviseur pour des manquements dans son dispositif anti-fraude (comme d'ailleurs la plupart des fintechs en forte croissance). Erreur de jeunesse, plaide Thomas Courtois, président de Nickel. La fintech est de fait sur un rythme rapide d'ouvertures de compte, de l'ordre de 55.000 par mois.

Ce succès commercial, pour un compte bancaire ouvert à partir d'une borne dans un coin d'un café-tabac, continue de surprendre. Il y a bien sûr la cible d'origine, affichée par les fondateurs qui sont les exclus bancaires ou même ceux qui, pour de multiples raisons, n'osent pas franchir la porte d'une agence. « Cette cible est toujours présente et nous sommes très fiers de les accueillir », souligne Marie Degrand-Guillaud. Elle représente toujours un bon tiers des 3,6 millions de clients en France.

Hausse de la cotisation

Un deuxième tiers est constitué de clients qui veulent payer moins cher leurs services bancaires. Une population qui a tendance à croître avec l'inflation et qui est également très courtisée par les banques en ligne, comme BoursoBank ou N26. Le calcul est vite fait : un client Nickel dépense en moyenne 65 euros par an contre plus de 220 euros par an auprès d'une banque traditionnelle (400 euros par an pour les 20 % les plus modestes, en raison des découverts bancaires).

Au total, deux tiers des clients Nickel utilisent le service comme compte principal. Enfin, le dernier, ce sont des profils de compte secondaire non anticipés, du discret dans sa vie quotidienne au prudent sur ses achats sur internet.

Évidemment, ce succès interroge aussi une proposition de valeur qui fait fi des sirènes du numérique (même si le contenu est technologique comme le temps réel ou le paiement mobile) comme du discours autour du conseil. Ce succès est également un modèle de simplicité. Seul bémol pour cet anniversaire : Nickel a dû se résoudre à augmenter la cotisation annuelle de 20 à 25 euros à partir du 1er janvier. Une première depuis dix ans.

Lire aussiNéobanques : Boursorama et Nickel, à la poursuite de la taille critique

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Commentaire 1
à écrit le 07/02/2024 à 18:52
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Sa "success story" comme vous dites est du à sa simplicité que la soi-disant "maturité" va tuer... parce que ressemblant à se l'on évite ! ;-)

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