Un an après la crise, les banques européennes se portent au mieux

Un an plus tôt, la faillite de banques régionales américaines et le sauvetage en urgence du Crédit Suisse laissaient présager le pire pour le secteur bancaire, d’autant que la récession mondiale était annoncée. Aujourd’hui, les banques européennes affichent des profits records et bénéficient même d’un momemtum positif en Bourse. La crise ! Quelle crise ?
Crédit Suisse devrait se révéler comme une très bonne affaire pour UBS.
Crédit Suisse devrait se révéler comme une très bonne affaire pour UBS. (Crédits : Reuters)

Il y a un an, le secteur bancaire a connu un choc sans précédent depuis 2008, avec la faillite de trois banques régionales américaines (Silicon Valley Bank, Silvergate et Signature) et le rachat en catastrophe, orchestré par les pouvoirs publics, du Crédit Suisse, au bord de l'effondrement, par son concurrent direct UBS.

Un an plus tard, qu'est-ce qui a changé ? « Rien, sinon la disparition du Crédit Suisse et de trois banques régionales !», s'amuse Jérôme Legras, directeur de la recherche chez Axiom Alternative Investments (AI), société de gestion spécialisée sur les valeurs et les dettes financières.

« Le secteur bancaire a tendance à avoir un comportement schumpetérien où les brebis galeuses sont régulièrement éliminées du système », ajoute-t-il. De fait, la chronique des évènements de mars 2023 ne laisse guère de place au doute. Aux Etats-Unis, Silicon Valley Bank (SVB) et consorts ont été des banques à la gestion actif/passif pour le moins hasardeuse, avec des dépôts concentrés qui pouvaient être retirés à tout moment, et un actif composé d'obligations d'Etat à taux fixe, déprécié par la hausse des taux. Sans compter qu'elles étaient très peu diversifiées en termes de clientèle.

Des banques jamais aussi profitables

Quant au Crédit Suisse, c'était bien l'animal malade du secteur bancaire européen qui accumulait amendes, contentieux et situations compliquées et pertes de crédit dans sa filiale américaine de banque d'investissement. « Ce que tout le monde a eu du mal à percevoir, c'est pourquoi le Crédit Suisse n'est pas tombé six mois plus tôt ou six mois plus tard alors même qu'il avait beaucoup de capital et de liquidités », se souvient un banquier.

La chute du Crédit Suisse a sans doute été un traumatisme en Suisse, comme l'a été la faillite de Swissair en 2001. Cela a également secoué le marché de la dette subordonnée AT1, en plein essor, avant que ce dernier ne reprenne ses marques et retrouve l'appétit des investisseurs. De fait, cette faillite de Crédit Suisse n'a eu aucun impact majeur sur les banques européennes.

Au contraire ! « Ces évènements sont arrivés à un moment où rarement les banques n'ont jamais été aussi en bonne santé. C'est même la première fois depuis quinze ans qu'elles ont dégagé une rentabilité supérieure au coût de leurs capitaux propres », constate Jérôme Legras. La fin de la politique des taux négatifs partout dans le monde a permis au secteur bancaire, par nature très capitalisé, de rebondir et de voir ses revenus d'intérêt grimper au ciel (sauf pour les banques françaises compte tenu du poids des crédits à taux fixe).

Rebond boursier

Du coup, une fois la stupeur passée, les valeurs bancaires européennes ont gagné 23% en 2023, selon l'indice SXP7, et 13% de plus depuis le début de l'année. Et encore, avec des multiples de valorisation toujours faibles, de l'ordre de 0,9 fois l'actif net, les banques européennes conservent un potentiel de revalorisation, d'autant qu'elles engagent des politiques de distribution aux actionnaires relativement généreuses. Selon l'agence de notation de crédit S&P, les résultats des banques françaises devraient même se renforcer en 2024, après une année 2023 mitigée en raison des contre-performances de la banque de détail.

Autre signe rassurant : le parcours boursier d'UBS, avec une hausse de plus de 55% du cours de l'action sur un an. Cela signifie que le rachat de Crédit Suisse a été finalement une très bonne affaire et que le problème de la banque était avant tout un problème de management. Car, au-delà des scandales à répétition, Crédit Suisse est surtout une très belle franchise dans la gestion de fortune et une banque de détail solide.

De cet épisode, aucune réforme n'est d'ailleurs à attendre en Europe en termes de réglementation ou de résolution des crises. Comme si tout a fonctionné comme cela devait fonctionner. Certes, les autorités suisses ont mis en place un dispositif de sauvetage « un peu limite », selon l'expression de nombreux observateurs à l'époque. Mais, malgré tout, le sauvetage s'est déroulé, peu ou prou, comme le prévoyait le mécanisme de résolution, excepté le fait que les actionnaires de Crédit Suisse ont touché 3 milliards d'euros au lieu de zéro. Ce sont finalement les porteurs d'obligations AT1 qui ont payé la facture (16 milliards de francs suisses).

Business as usual

Le secteur bancaire est-il devenu sans risque ? Il y aura toujours des banques peu diversifiées et surexposées à des risques. Aux Etats-Unis, trop de banques régionales sont surexposées au risque de l'immobilier commercial en crise, comme en témoigne New York Community Bank (NYCB) qui a perdu 65% de sa capitalisation depuis le début de l'année.

Selon une étude de JP Morgan, les banques régionales américaines seraient quatre fois plus exposées à l'immobilier commercial que les grandes banques américaines (30% des actifs contre 6,5%). Rappelons également qu'aux Etats-Unis, la faillite ou la disparition par absorption d'une banque régionale fait partie de la routine d'un secteur encore largement fragmenté.

En Europe également, il existe des vulnérabilités. Après le Crédit Suisse, des vendeurs à découvert ont tenté de s'attaquer à Deutsche Bank. Sans succès. Le titre de la banque allemande a même gagné près de 50 % sur un an. Il existe cependant toujours des pays européens où il existe des banques de taille moyenne, généralement non cotées, qui restent insuffisamment rentables et exposées au moindre choc. C'est le cas de l'Allemagne notamment.

Risque politique

Mais globalement, les européens ont beau jeu de se féliciter des nombreux garde-fous prudentiels mis en place depuis la crise financière et bancaire de 2008. Les banques sont largement capitalisées, mais surtout, il n'existe ni bulle, si surendettement des entreprises ou des ménages. La situation économique n'est pas non plus dégradée depuis un an, et elle est même meilleure aujourd'hui aux Etats-Unis.

Finalement, la bonne santé du secteur bancaire en Europe pourrait représenter même un risque en soi. « Il existe toujours une ambiguïté politico-réglementaire entre l'Etat, le régulateur et les actionnaires sur le partage de la profitabilité accrue des banques et leur excès en capital », estime Jerôme Legras.

La mise en place ou le projet de taxes exceptionnelles, ou les déclarations sur le montant optimum des réserves obligatoires (non rémunérées) auprès de la banque, ont pu faire tanguer les cours de Bourse. Beaucoup de ces initiatives ont fait cependant long feu, comme en Italie. Et le momentum haussier du secteur semble intact.

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