Garantie des dépôts : le système unique européen peine à voir le jour

L’association européenne des assureurs-dépôts (EFDI), qui s’attache à harmoniser les systèmes de garantie des dépôts nationaux en Europe, change de président alors que le projet européen d’un système unifié reste au point mort. Les banques redoutent que la facture, de plus en plus lourde de leur contribution aux différents systèmes de protection et de résolution en cas de faillite bancaire, s’aggrave avec le projet de système unique.
Thierry Dissaux, président du directoire du Fonds de garantie des dépôts et de résolution, cède son fauteuil de président de l'association européenne des assureurs-dépôts
Thierry Dissaux, président du directoire du Fonds de garantie des dépôts et de résolution, cède son fauteuil de président de l'association européenne des assureurs-dépôts (Crédits : DR)

L'Association européenne des assureurs-dépôts (EFDI), chargée des fonds de garanties des dépôts bancaires nationaux, change de tête. Après six années de présidence à la tête de l'EFDI, le français Thierry Dissaux, président du directoire du Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR) en France, cède ainsi son fauteuil à Stefan Tacke, Directeur général du fonds de garantie des dépôts autrichien ESA. Cette association, travaille, à bas bruit, à une meilleure coopération entre les différents systèmes de garantie nationaux, et participe à ce titre, au débat européen sur l'évolution de la gestion de crises bancaires et des systèmes d'indemnisations des déposants.

Car si la faillite bancaire est un évènement exceptionnellement rare, il n'a pas complètement disparu du paysage. D'ailleurs, Stefan Tacke en fait actuellement l'expérience : après plus de vingt ans de calme plat, le fonds de garantie ESA est, en effet, intervenu à quatre reprises ces 18 derniers mois. Le dernier dossier en date concerne la filiale européenne de la banque russe Sberbank, domiciliée en Autriche.

« Les fonds de garantie sont des acteurs qui interviennent heureusement de manière très sporadique. Mais il faut être prêt à tout moment », confirme Thierry Dissaux.  En France, le FGDR n'a pas été mobilisé depuis 1999, c'est-à-dire depuis la faillite du Crédit Martinique. Certes, il y a eu depuis des alertes, mais le système bancaire français a su faire preuve d'une grande solidité face aux crises, excepté le cas particulier de la banque publique Dexia lors de la crise financière de 2008. Il faut aussi reconnaître que les règles prudentielles se sont considérablement resserrées au fil des ans en zone euro.

80 milliards d'euros immobilisés par le FRU

En Europe, la pierre angulaire de la protection des déposants repose sur la directive européenne de 2014. Le texte couvre les avoirs des déposants jusqu'à 100.000 euros (par client et par établissement), y compris les livrets. Mais il existe un double mécanisme de protection. Tout d'abord, au niveau supranational, le Fonds de résolution unique (FRU) doit intervenir dans des crises jugées de grande ampleur, de nature systémique. Il est abondé chaque année par les banques, en fonction de la taille de leur bilan, avec comme objectif cible, atteindre 1% de l'ensemble des dépôts bancaires d'ici 2023.

Mais avec la forte progression des dépôts bancaires depuis la crise sanitaire, la note finale pour les banques ne cesse d'être revue à la hausse : d'un fonds doté d'une cinquantaine de milliards prévu initialement, il pourrait désormais atteindre les 80 milliards de d'euros ! De l'argent payé cash et, selon un nombre croissant de banquiers, notamment français, « inutilement mobilisé » alors que les banques européennes doivent mobiliser de plus en plus de ressources pour financer les infrastructures, la transition énergétique et le tissu industriel.

Les banques françaises étant parmi celles qui affichent les plus gros bilans, elles représentent à elles seules le tiers des cotisations au FRU. « La France s'est fait avoir », avait même lâché Frédéric Oudéa, directeur général de Société Générale, lors de la présentation des résultats du premier trimestre. Un avis partagé par toute la place, les plus gros contributeurs étant BNP Paribas (1,2 milliard d'euros pour 2022) et Crédit Agricole (800 millions). D'où la demande pressante des banques françaises, mais aussi allemandes, de cesser d'abonder le FRU à la fin 2023, comme prévu, même si l'objectif des 1% des dépôts n'est pas atteint.

Une Union bancaire encore dans les limbes

La pression est d'autant plus mal vécue par les banques qu'elles doivent également cotiser aux fonds de garantie nationaux, comme le FGDR en France, qui sont sensés intervenir sur des crises jugées non systémiques, de plus petite taille, à la fois sur des actions préventives et sur l'indemnisation des déposants. L'assiette de cotisations est différente, mais l'objectif est d'atteindre une réserve équivalente à 0,5% des dépôts couverts. Fin 2021, le FGDR avait accumulé quelque 6,1 milliards d'euros pour un objectif d'environ 8 milliards d'euros.

Il existe une articulation entre ces deux mécanismes, le FRU pouvant prendre une décision en laissant la mise en œuvre aux fonds de garantie et aux autorités de résolution au niveau national. À cette complexité s'ajoute la difficile harmonisation des pratiques et des processus d'indemnisation propres à chaque pays. C'est d'ailleurs la mission de l'EFDI de mieux coordonner l'action des différents fonds de garantie.

Sur le papier, la mécanique est simple : l'indemnisation est du ressort du fonds de garantie du pays d'origine (de la banque). Dans la pratique, c'est plus compliqué tant la fiscalité, le droit des consommateurs ou les mécanismes d'indemnisations ou de règlements peuvent différer d'un pays à l'autre. Or, il est indispensable que les fonds de garantie puissent bien communiquer entre eux, notamment lorsqu'une succursale rencontre des difficultés.

« Les assureurs-dépôts travaillent de plus en plus étroitement ensemble, en particulier ceux de l'Union européenne. Même si le sujet de l'Union bancaire avance difficilement, les assureurs-dépôts apportent à bas bruit leur pierre à la construction d'une garantie des dépôts européenne », se félicite Thierry Dissaux. « Nous avons par exemple bâti en dix ans un corpus de textes assez sophistiqués, estampillés par l'Autorité bancaire européenne, pour mettre en place une coopération technique pour les indemnisations transfrontalières », poursuit-il.

Ce jalon ne sera sans doute pas inutile pour le projet de l'Union bancaire. Au départ, en 2012, cette idée est née de la nécessité d'offrir une protection uniforme pour tous les déposants. Mais le concept a évolué depuis vers la notion d'un marché bancaire intégré, beaucoup plus complexe à mettre en œuvre. Déjà, l'Union européenne tente de mettre en place un système unifié de garantie de dépôts (EDIS) en lieu et place des systèmes nationaux.

Le projet est toujours dans les cartons. La seconde étape serait ensuite de mieux articuler les moyens entre le FRU et l'EDIS. Mais, là encore, tout reste à créer. Avec une obsession pour les banquiers : que ce système unifié n'aggrave pas plus la facture, qui commence à devenir salée.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.