Les banques françaises à l’épreuve d’une élection présidentielle clivante

Le secteur bancaire s’est peu manifesté lors de cette campagne présidentielle. Moins d’enjeux sans doute à défendre mais aussi la crainte de prendre parti face à une opinion divisée, voire radicalisée. Pourtant, les résultats du vote ne seront pas neutres pour les banques, dont les revenus sont directement liés à la conjoncture économique et aux échanges en zone euro.
Crédit Agricole SA est la banque française cotée la plus exposée au marché français.
Crédit Agricole SA est la banque française cotée la plus exposée au marché français. (Crédits : DR)

Les banques n'aiment pas se mêler de politique. Aujourd'hui plus que jamais, tant la France apparaît profondément divisée. Les prises de parole des grands patrons, tous secteurs confondus, se font d'ailleurs de plus en plus rares, ce qui tranche singulièrement avec le passé lorsque le front républicain face à l'extrême droite était, pour beaucoup, une évidence que l'on pouvait exprimer.

Nicolas Théry, président du Crédit mutuel Alliance fédérale, fait aujourd'hui figure d'exception en déclarant publiquement, dans une lettre adressée à ses administrateurs, son intention, à titre personnel, de voter Emmanuel Macron, « dont j'attends qu'il soit à la hauteur de ces valeurs collectives et mutualistes ». La discrétion des banques s'explique également par le fait que le secteur financier semble échapper au débat politique. Le temps du « mon véritable adversaire, c'est le monde de la finance », lancé par François Hollande durant la campagne de 2012, apparaît bien lointain.

Le secteur bancaire a même réussi à redorer son image auprès de l'opinion lors de la crise sanitaire quant à son rôle dans le soutien de l'économie. Même Marine Le Pen ne cible plus la finance et a laissé de côté son projet de sortie de l'euro. La profession bancaire n'a donc manifesté ni revendications, ni propositions.

Une attitude qui tranche singulièrement avec le monde de l'assurance qui a, au contraire, multiplié ses propositions, au travers d'une plateforme animée par France Assureurs, pour nourrir le débat sur des sujets aussi cruciaux que la protection sociale ou la transition énergétique. Des sujets qui ont été finalement largement escamotés pendant la campagne, à l'exception des retraites.

Le risque français

Pour autant, l'issue des élections ne laissent pas indifférentes les banques, tant les conséquences économiques peuvent varier d'un programme à l'autre. Les élections législatives sont également une source d'inquiétudes car une majorité sera un défi à relever pour le candidat victorieux.

C'est bien sûr sur la question européenne que les deux finalistes divergent le plus. Marine Le Pen plaide en faveur d'une primauté du droit français sur le droit européen (ce que défend des pays européens « illibéraux » comme la Hongrie ou la Pologne) et une baisse de la contribution de la France à la politique agricole commune (qui est pourtant l'un des principaux bénéficiaires).

Le courtier Jefferies souligne que les banques cotées les plus exposées à la France, en termes de revenus, sont Crédit Agricole SA (51%) et Société Générale (48%), suivis de BNP Paribas (32%). En 2021, la zone euro représente près de 80% des revenus de Crédit Agricole SA (essentiellement France et Italie), 65% pour BNP Paribas (France, Italie, Belgique, Luxembourg) et 62% pour Société Générale (la France pour l'essentiel).

Avant les résultats du premier tour, note Jefferies, alors que se profilait un match serré entre Macron et Le Pen, les actions des banques françaises ont sous-performé l'indice Euro Stoxx Banks, de 4 à 7 points. Depuis, les cours des actions françaises se sont redressés, notamment au lendemain du débat télévisé entre les deux finalistes. Il existe donc un biais qui pourrait peser sur la valorisation du secteur bancaire en cas de victoire de l'extrême droite. Un scénario qui ne semble pas sérieusement pris en compte.

« Les banques françaises ont retrouvé leur niveau d'avant les craintes du marché » sur l'issue des élections, indique Jefferies, qui remarque également que « l'écart de taux entre les obligations souveraines françaises et allemandes à 10 ans, souvent utilisé comme un indicateur du risque français, montre également que le marché a écarté un risque lié aux élections ».

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Commentaires 2
à écrit le 23/04/2022 à 16:23
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Clivante en effet mais c'est les adorateurs du couple macron le pen contre le reste des français qui sont majoritaires. Oui c'est particulièrement clivant et de plus en plus risqué comme tactique non pas que le pen gagne, les banquiers y gagneront au...

à écrit le 23/04/2022 à 9:43
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"Les banques n'aiment pas se mêler de politique." Ouf, il y a des grands donateurs pour certain : 2017 : Tout au long de la campagne, l'équipe d'Emmanuel Macron a noyé dans un brouillard de chiffres sa dépendance aux donateurs fortunés. Le 18...

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