![Les encours de H20 AM ont plongé de 80% en cinq ans à 3,7 milliards d'euros.](https://static.latribune.fr/full_width/2380732/h2o-am.jpg)
Cela fait cinq ans que le Financial Times a donné le coup d'envoi à une affaire hors normes qui aurait pu éclabousser toute la place de Paris : le quotidien britannique avait révélé, en juin 2019, que plusieurs fonds « vedettes » gérés par H2O AM, une boutique fondée par une « star » du marché obligataire, Bruno Crastes, alors filiale de Natixis, détenaient des titres « illiquides » émis par le groupe Tennor, un holding d'un homme d'affaires allemand, Lars Windhorst, surtout connu pour ne jamais rembourser ses dettes.
Le problème est que la détention de ces titres ne respectait pas, à un instant t, les contraintes de gestion attachées à un fonds européen Ucits (destiné au grand public). L'information pour les investisseurs sur ces titres laissait également à désirer. Un problème d'autant plus problématique que les principaux fonds H2O, aux performances remarquables, avaient littéralement inondé, depuis Londres, le marché français de la gestion de patrimoine, de l'assurance-vie et de la banque privée.
Descente aux enfers
Bref, la veuve de Carpentras avait souscrit à des fonds risqués dont personne, notamment les distributeurs, ne comprenait vraiment ce qu'il y avait dedans. Et personne (ou presque) ne se posait d'ailleurs trop de questions, y compris du côté des autorités de contrôle, tant que la performance était au rendez-vous. « Nous pensons que le rapport de force chez H2O est trop fortement incliné en faveur des gestionnaires de portefeuille », écrivaient cependant, en avril 2020, les analystes de Morningstar, l'agence de notation des fonds.
Une fois le pot aux roses découvert, H2O AM a connu une longue descente aux enfers : fuite des capitaux (les encours sont passés de 20 milliards à 3,7 milliards), lourde sanction en janvier 2023 de l'Autorité des marchés financiers (AMF), un actionnaire de référence qui se désiste et... une plainte engagée en décembre dernier par plusieurs milliers d'investisseurs particuliers et conseillers en gestion de patrimoine, regroupés au sein du Collectif Porteurs H2O.
3.000 nouveaux plaignants
Et c'est cette plainte qui est aujourd'hui examinée par le Tribunal de Commerce de Paris. Elle vise non seulement H20 AM, mais aussi l'ex-maison mère Natixis IM (toujours actionnaire à 23%), le service de conservation des titres Caceis (Crédit Agricole) et l'auditeur KPMG.
C'est désormais plus de 9.000 plaignants qui ont rejoint l'assignation du collectif, animé par Gérard Maurin, dirigeant de la société de gestion de patrimoine Mesnil Finance. « Les performances négatives font partie du métier de conseiller en gestion de patrimoine. Mais, dans le cas de H2O AM, je me suis demandé comment ils avaient pu en arriver à se trouver avec 30% d'actifs bloqués », avait-il alors justifié lors de la création du collectif.
850 millions de dommages et intérêts
Le collectif a pour but de demander une indemnisation pour les porteurs de « side-pockets », ces structures où ont été cantonnés ces fameux actifs illiquides, à la demande des autorités, et ce pour un montant initial de 1,6 milliard d'euros. Aujourd'hui, personne ne sait à combien pourrait être valorisés ces actifs.
Seule certitude : H2O AM a procédé à deux remboursements pour un montant total de 220 millions d'euros. Mais le collectif réclame un total de 850 millions d'euros pour pertes et dommages, et 18 millions au titre du préjudice moral. Des montants jugés par H2O AM « irréalistes ».
Les débats promettent d'être animés et donneront peut-être des éléments d'éclairage sur la façon dont sont gérés et commercialisés certains fonds européens Ucits à l'heure où l'Europe souhaite ranimer l'idée d'un marché des capitaux européens. En attendant, certains fonds H2O retrouvent de la performance (à défaut de la collecte), comme H2O Adagio, et la boutique muscle à nouveau son bureau parisien.
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