HSBC obligé de payer pour vendre sa banque de détail en France

Entré en négociations exclusives avec le fonds d’investissement Cerberus pour la vente de ses activités de détail en France, le groupe sino-britannique HSBC serait prêt à signer un chèque de 1 milliard d’euros pour conclure l’opération. Un prix cassé qui souligne à la fois l’échec d’une stratégie et le déclassement du secteur bancaire.
Après deux exercices à l'équilibre, HSBC France a perdu 1,16 milliard de dollars en 202O.
Après deux exercices à l'équilibre, HSBC France a perdu 1,16 milliard de dollars en 202O. (Crédits : Brendan McDermid)

Ce n'est pas qu'une vente à prix cassé mais aussi tout un symbole. Selon Les Echos, le groupe sino-britannique HSBC serait en effet prêt à céder les activités de détail de sa filiale française, au fonds d'investissement Cerberus, moyennant le versement d'une soulte proche d'un milliard d'euros. « Plus on approche de la finalisation de la transaction plus le montant augmente », avance une source syndicale, qui ajoute cependant que ce montant était déjà évoqué il y a plusieurs semaines.

De fait, la filiale française affiche une perte de 1,16 milliard de dollars en 2020, dont 340 millions sur les seules activités de banque de détail et privée, après deux exercices tout juste à l'équilibre. En clair, une recapitalisation s'annonce nécessaire. D'autant que les investissements à prévoir, aussi bien informatiques qu'humains, pour relancer la banque de détail, sous une nouvelle marque, pourraient se chiffrer à plusieurs centaines de millions d'euros.

Négociations toujours en cours

De son côté, HSBC reconnaît que cette vente, qui s'est enlisée pendant plus d'un an avant de connaître une brusque accélération en mars dernier avec l'entrée en négociations exclusives de Cerberus, se traduira par une perte.

« Nous poursuivons la revue stratégique de nos activités de banque de détail en France et sommes actuellement en négociations quant à leur vente potentielle. Cependant, aucune décision n'a encore été prise. Si la vente venait à se concrétiser, une perte est attendue compte tenu de la performance sous-jacente de l'activité de banque de détail en France », se contente de préciser un porte-parole d'HSBC à La Tribune. Le périmètre de la cession n'a pourtant pas cessé de se réduire au fil des mois pour ne porter désormais que sur la banque de détail, à l'exception de l'activité sur les entreprises, soit au total 230 agences et environ 4.000 salariés.

Si le montant du chèque à verser pour cette cession peut apparaître élevé, ce n'est cependant pas une première. Déjà, Barclays, une autre banque britannique, avait dû signer un chèque de 400 millions d'euros pour céder sa banque de détail en France au fonds d'investissement Anacap en 2016.

Pour l'heure, la vente à Cerberus n'est pas encore officielle. Les négociations semblent même traîner, selon une source syndicale. Le montant exact de la recapitalisation des activités de détail d'HSBC France est sans doute un dernier point d'achoppement face aux exigences du régulateur. La question de la future gouvernance est également en discussion, surtout pendant la période transitoire, entre 16 et 18 mois, entre la signature de l'accord et le closing définitif de l'opération, le temps d'obtenir tous les agréments nécessaires.

La fin d'un modèle

Reste que ce prix négatif restera dans les mémoires : il illustre non seulement les erreurs stratégiques d'un groupe mais aussi le déclassement du secteur bancaire depuis la crise financière de 2008. En 2000, HSBC rachète en effet le Crédit commercial de France (CCF) pour 11 milliards d'euros, soit près de quatre fois ses fonds propres, alors que la banque française faisait face à une offre non sollicitée de la part d'ING.

A l'époque, le CCF était, il est vrai, considérée comme une perle, championne de la profitabilité (15% de ROE en 1999), en avance sur son temps (déjà elle pensait digital et banque à distance), avec un conseil d'administration aussi chic que sa clientèle. Son siège prestigieux sur les Champs-Élysées, qui a été vendu en 2010 au fonds Qatar Investment Authority, était le symbole de son rayonnement. Mais la banque savait aussi qu'elle ne pouvait plus rester indépendante alors que le monde bancaire était lancé dans un vaste mouvement de consolidation.

Le rachat par HSBC avait été salué à l'époque et souhaité par le management du CCF. Cela devait être « la tête de pont » de la conquête européenne d'HSBC. La mondialisation était alors triomphante et des grands groupes bancaires, comme HSBC ou Citigroup, défendaient leur modèle de « supermarchés financiers », selon le principe « une marque unique, une offre unique, partout dans le monde ».

Aujourd'hui, la banque britannique se veut avant tout chinoise et Citigroup, qui a frôlé la faillite en 2008, a abandonné ses ambitions internationales. Le groupe américain vient d'ailleurs d'annoncer son retrait de la banque de détail dans 13 pays, dont la Chine et l'Inde. C'est le clap de fin de la "super banque" mondialisée.

Une longue descente aux enfers

HSBC n'a visiblement pas su insuffler une nouvelle dynamique de croissance pour sa nouvelle filiale, rebaptisée HSBC France en 2005. Au contraire. Dès 2008, elle se sépare des banques régionales, revendues aux Banques populaires... pour 2,4 milliards d'euros ! Le réseau d'agences n'a cessé de se réduire, pour passer de 650 agences en 2000 à 230 agences vingt ans plus tard, soit une division par trois. Et la banque vit depuis quelques années au rythme des restructurations et des plans de départ, dans toutes les activités.

« HSBC n'a cessé de brider le développement de la banque en France depuis des années en fixant des objectifs d'actifs pondérés bien en deçà ce que nous pouvions faire », regrette ainsi un représentant syndical. La banque aurait ainsi loupé une partie du dynamisme du marché du crédit immobilier en fixant des critères restrictifs, y compris pour sa clientèle aisée.

En un mot, la maison-mère ne voulait plus investir. Pire, elle n'aurait pas vraiment préparé le terrain avant d'annoncer son intention de céder sa filiale dans la presse il y a dix-huit mois. D'où un processus de vente mal engagé dés le départ, même si la crise sanitaire n'a pas arrangé les choses.

Un spécialiste de la restructuration

C'est pourquoi les syndicats ne voient pas forcément d'un mauvais œil l'arrivée de Cerberus. D'abord, ils n'ont pas le choix ! Finalement, seuls des fonds d'investissement se sont réellement intéressés au dossier. Et celui qui a la plus grande force de frappe financière, et sans doute la plus grande expérience dans les services financiers, est clairement le fonds américain Cerberus, un géant mondial du private equity.

Pourtant, ce dernier a une solide réputation de cost-killer et de mener des restructurations sans états d'âme. Mais il sait également prendre des risques, notamment dans le secteur financier. Il a ainsi racheté la banque autrichienne Bawag, milite en tant qu'actionnaire au rapprochement entre CommerzBank et Deutsche Bank et a récemment tenté de racheter la banque britannique Co-op Group, finalement passée sous le contrôle de deux autres fonds d'investissement. En France, Cerberus a juste acquis en 2017 un spécialiste du rachat de crédit, GE Money, rebaptisé My Money Bank. A lui désormais de faire ses preuves dans l'hexagone et tenter de redonner du lustre à l'ancienne étoile CCF !

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Commentaires 3
à écrit le 06/05/2021 à 13:16
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Il faut croire que ce n'est pas une si bonne affaire, car même avec la prime d'un Milliards d'Euros, il n'y a pas bousculade au portillon.

à écrit le 06/05/2021 à 9:53
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Si les banques en sont là avec leurs agences, il ne va pas être bon d'être "guichetier" 😢

à écrit le 06/05/2021 à 8:40
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Cerberus c'est bien ce fond qui a pompé les liquidités des pages jaunes les revendant à l'état de zombies maintenant non ? En effet c'est plus ce que c'était le secteur banquier visiblement...

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