Le secteur bancaire italien se réveille avec une gueule de bois ce mardi en voyant l'ensemble des actions bancaires subir une lourde baisse. A la Bourse de Milan, l'ensemble des actions bancaires ont chuté. Intesa Sanpaolo et Unicredit perdaient respectivement 8,6% et 5,9% à la clôture. Monte dei Paschi di Siena a dévissé de 10,8%, Bper Banca de 10,9% et Banco Bpm de 9%.
Et pour cause, après une période de résultats du premier semestre à la fête, où l'Italien Unicredit a affirmé qu'elle avait connu « le meilleur premier semestre de tous les temps » quand sa concurrente Intesa Sanpaolo a fièrement affiché des revenus en hausse de 15,6% (produit net bancaire) et un bénéfice net en hausse de 80% sur un an, les banques du pays pourraient passer à la caisse et redonner une bonne partie de leurs profits.
C'est en tout cas ce qu'a laissé entendre le vice-Premier ministre Matteo Salvini, lors du Conseil des ministres lundi soir où il a affirmé vouloir prélever une taxe de 40% sur les « surprofits de milliards » d'euros des banques pour compenser le coût pour les ménages et entreprises de l'envolée des taux d'intérêt. Ce dernier compte mettre en place, avant juin 2024, un prélèvement extraordinaire sur la marge d'intérêt nette des banques des groupes bancaires italiens dont le revenu net enregistré en 2022 dépasse d'au moins 5% celui 2021 et une taxe équivalente si celui de 2023 dépasse de 10% celui de 2022. Cet impôt ne pourra cependant pas excéder 25% de la valeur des actifs nets de la banque veut néanmoins rassurer le gouvernement.
« C'est une mauvaise nouvelle inattendue qui déclenche une réaction négative des marchés », ont commenté les experts de Banca Akros auprès de l'AFP, estimant que le bénéfice par action des banques sera amputé de 7% en moyenne. Un constat à nuancer selon Antoine Andreani, analyste marché chez XTB, interrogé par La Tribune.
« Je ne pense pas que cela aura une grosse influence sur les banques car cette nouvelle taxe ne coûterait qu'entre deux et trois milliards d'euros réparti sur l'ensemble des banques italiennes », analyse-t-il en estimant que les marchés surréagissent à la nouvelle. Mais le message symbolique est fort.
Une mesure d'équité, selon le gouvernement
Le gouvernement italien souhaite couper les ailes de ses banques car il estime que leurs bénéfices sont réalisés sur le dos de leurs clients. La remontée des taux de la Banque centrale européenne (BCE) a, en effet, donné l'occasion aux banques d'augmenter leur marge en prêtant plus cher aux entreprises et aux particuliers, entre 3% et 5,5% pour les crédits immobiliers en août contre moins de 2% avant le printemps 2022.
Pendant ce temps, « la hausse des taux de la Banque centrale européenne a entraîné une augmentation du coût de l'argent pour les ménages et les entreprises », a rappelé Matteo Salvini, devant la presse à Rome, lundi soir. D'après une étude d'Allianz Trade du 13 juillet, sur un crédit immobilier sur 20 ans, le ménage médian a perdu 13 % de son pouvoir d'achat en France, 10 % aux Pays-Bas, 15 % en Espagne et en Allemagne, 14 % en Belgique et jusqu'à 17 % en Italie.
Avec cette taxe, le gouvernement entend donc redistribuer les gains de ses banques à sa population. « Il ne s'agit pas de quelques poignées de millions, mais de quelques milliards. C'est une mesure d'équité », a ajouté le leader politique. Les recettes découlant de cet impôt seront versées à un fonds destiné à financer des mesures visant à réduire la charge fiscale des ménages et entreprises. Un choix politique qui ne fait pas l'unanimité. « C'est assez hypocrite car les banques italiennes étaient en difficulté quand les taux étaient très bas pendant plusieurs années et maintenant qu'elles commencent à faire des profits, on leur tape dessus », critique Antoine Andreani.
Les banques françaises menacées
Reste que ce constat de « superprofits » jugés illégitimes par une partie de la classe politique est aussi pointé du doigt dans le reste de l'Europe. En Espagne, le géant Santander a vu ses revenus et son bénéfice net augmenter respectivement de 13% et 14% au deuxième trimestre 2023 par rapport à la même période l'année dernière. Des résultats que n'a même pas attendu le gouvernement hispanique pour annoncer, dès 2022, un impôt exceptionnel sur les banques prévu pour 2023 et 2024, suscitant à l'époque les critiques de la BCE qui redoutait des « conséquences potentiellement négatives » pour le secteur.
En France, les banques se montrent un peu en retrait sur ce second trimestre, subissant paradoxalement la remontée des taux à cause d'une plus faible remontée de la performance de leurs portefeuilles essentiellement composés de prêts à taux fixe.
« Les banques françaises ont fortement amorti, pour leurs clients, la hausse des taux décidée par la BCE, contrairement à d'autres pays (comme l'Italie, Ndlr) où les taux directeurs de la politique monétaire se répercutent rapidement par une hausse des taux d'intérêts des crédits pour les particuliers et les entreprises », se défend la Fédération bancaire française (FBF).
Ainsi, seuls BNP Paribas et Crédit agricole ont vu leurs revenus augmenter de 3,3% et 18,9% au deuxième trimestre quand Société générale et BPCE ont constaté une baisse de 8,9% et 9% de leur produit net bancaire.
Malgré les arguments du lobby bancaire, le discours d'une taxation des banques monte dans l'Hexagone.
« Nous demandons la taxation des "superprofits" depuis longtemps. Taxer les multinationales qui échappent à une partie de l'impôt en transférant leurs bénéfices dans des paradis fiscaux est une mesure de justice et plus encore quand elles augmentent leurs profits grâce à des crises », affirme le député PS Boris Vallaud, à La Tribune.
Et cette menace pourrait notamment voir le jour si les revenus de ses groupes s'envolent dans les prochains semestres, dans un scénario où les nouveaux crédits à taux d'intérêts élevés s'accumulent dans leur bilan. Des perspectives sombres qui ont fait dévisser le cours de Crédit agricole de 2,83% à la clôture, celui de Société générale de 2,43% et celui de BNP Paribas de 3,43%.
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