C'est une petite révolution dans l'univers de l'investissement en capital (ou private equity en anglais). Bpifrance a donné le coup d'envoi, ce mercredi, du fonds Bpifrance Entreprises 1. Ce fonds permet aux particuliers d'investir, en une seule fois, dans 1.500 entreprises non cotées. Un investissement habituellement réservé aux investisseurs institutionnels.
"C'est la première fois qu'on permet d'investir dans le private equity avec un ticket d'entrée de 5.000 euros, contre un minimum de 100.000 euros normalement", s'est félicité Nicolas Dufourcq, le patron de la banque publique d'investissement. "Il est grand temps que le private equity puisse profiter à plusieurs dizaines de milliers de Français", a-t-il ajouté.
Ouvrir le capital-investissement aux Français
A l'heure de la relance, il s'agit de permettre aux Français de réorienter leur épargne vers l'économie réelle. Un fléchage que le gouvernement cherche à encourager depuis la loi Pacte et qui a davantage pris d'ampleur avec les quelque 85,6 milliards d'euros mis de côté par les Français entre mars et juillet dernier. Du jamais vu.
Concrètement, en mettant un ticket de 5.000 euros, un particulier investit ainsi un peu plus de trois euros dans 1.500 entreprises. De quoi "distiller le risque", selon la banque. Les 1.500 entreprises qui constituent le sous-jacent de ce fonds sont des PME familiales et des start-up. Avec un effectif moyen de 200 salariés, elles sont issues de secteurs très variés, allant de l'industrie au numérique, en passant par la santé, l'énergie, les biens de consommation ou encore la finance et la construction. Une très grande majorité sont des entreprises tricolores (79%), d'autres sont européennes (13%) et 8% sont implantées en dehors de l'Europe.
Parmi elles, Fab'entech, une PME lyonnaise biopharmaceutique, Naïo Technologies, une start-up toulousaine spécialisée dans les robots agricoles électriques, OpenClassrooms pépite francilienne du e-learning ou encore Terrena, coopérative d'agriculteurs et maison mère d'un groupe agroalimentaire.
Ces 1.500 entreprises font partie des portefeuilles de 145 fonds privés dans lesquels Bpifrance a investi via son activité fonds de fonds (qui représente environ milliard d'euros chaque année) "Nous n'inventons pas un nouveau produit. Nous rendons disponible à tout le monde un produit déjà existant, mais réservé jusqu'à présent aux investisseurs avertis", explique Nicolas Dufourcq. Il s'agit donc d'une opération secondaire et non primaire, qui accélère les liquidités. Les portefeuilles étant déjà constitués, les reventes interviendront plus rapidement.
Un investissement risqué
Avec un ticket d'entrée à 5.000 euros, il ne s'agit toutefois pas d'un "produit populaire" et Bpifrance Entreprises 1 demeure réservé à une certaine catégorie de la population bénéficiant d'un solide patrimoine financier. D'autant plus, que l'horizon de liquidité est de 6 à 7 ans. La banque publique d'investissement a d'ailleurs largement insisté sur le caractère risqué de cet investissement. Le capital n'y est pas garanti. "Il ne s'agit pas d'un placement de bon père de famille, mais d'un investissement risqué", a souligné le directeur général de Bpifrance.
En contrepartie de ce risque, la banque espère proposer une rentabilité supérieure à celle des placements traditionnels, comme les contrats d'assurance-vie par exemple.
"Notre estimation est un rendement [annualisé, ndlr] situé entre 5 et 7% brut de prélèvements fiscaux et sociaux", précise Benjamin Paternot, directeur exécutif de l'activité fonds de fonds de Bpifrance.
Vente en ligne sur un "Boursorama du private equity"
Pour la commercialisation de ce nouveau fonds, Bpifrance s'est rapprochée de la société de gestion 123 IM, qui a développé une plateforme en ligne dédiée. Inédit, ce canal de distribution entièrement en ligne a été présenté par Nicolas Dufourcq comme "le Boursorama du private equity". En parallèle, 123 IM va référencer Bpifrance Entreprises 1 au sein de ses différents réseaux de distribution partenaires. A terme, il pourra donc être commercialisé par les réseaux bancaires, des assureurs, mais aussi via les conseillers en gestion de patrimoine, ou encore à travers l'épargne retraite.
Deux options se présentent aux investisseurs particuliers : ces derniers peuvent recevoir au fil de l'eau des distributions (qui correspondent aux liquidités issues de la revente par les fonds de leurs différentes participations dans les entreprises dans lesquelles ils ont investies). Ces distributions sont alors soumis au régime fiscal de droit commun. A l'inverse, les investisseurs particuliers peuvent décider de bloquer le versement de ces liquidités pour les percevoir en même temps au bout de cinq ans. Ils bénéficieront alors d'un avantage fiscal à la sortie.
Un deuxième fonds à venir
Au total, 95 millions d'euros sont disponibles à la souscription des investisseurs particuliers. Combien d'investisseurs Bpifrance espère séduire ? La banque ne partage pas ses objectifs mais se montre confiante. "C'est un très bon produit dans l'univers du capital investissement, je pense qu'il [le fonds Bpifrance entreprises 1, ndlr] trouvera son marché", a assuré Nicolas Dufourcq, tout en reconnaissant qu'ils avançaient "en territoire inconnu". La période de souscription s'étale sur 12 mois maximum. Benjamin Paternot, estime que Bpifrance "peut lever les 95 millions d'euros" sur cette période.
Les fonds collectés par Bpifrance à l'occasion de cette souscription seront "immédiatement reversés dans des PME ou des start-up, directement ou indirectement via notre activité de fonds de fonds", a précisé le patron de la banque. Et, Bpifrance prévoit d'ores et déjà de lancer un deuxième fonds l'année prochaine, dont les paramètres pourront être ajustés selon le succès commercial du premier. Seul le temps permettra de savoir si les risques de faillites des petites entreprises, accentués par la crise économique, ne refroidiront par les investisseurs particuliers.
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Un portefeuille miroir
Pour fixer un prix de marché incontestable, Bpifrance a, au préalable, cédé 5% du même portefeuille à des investisseurs institutionnels. A la suite d'un processus ouvert et compétitif, deux acquéreurs, dont l'identité reste confidentielle, ont été sélectionnés. Cette cession secondaire a été réalisée a posteriori de la crise. "Les éléments d'incertitude de la crise ont été intégrés dans la détermination du prix", assure ainsi la banque.
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