Bpifrance : "Ce premier semestre porte la marque de la crise"

Succès du PGE, doublement du soutien à l'innovation, maintien des levées de fonds, partenariats avec les régions, prêts 100% en ligne… La banque publique d'investissement s'est fortement mobilisée dès le début de la crise sanitaire pour venir en aide aux entreprises de toutes tailles.
Juliette Raynal
Nicolas Dufour, directeur général de Bpifrance, durant une conférence de presse à Paris, le 30 janvier 2020.
Nicolas Dufour, directeur général de Bpifrance, durant une conférence de presse à Paris, le 30 janvier 2020. (Crédits : Reuters)

Orchestration du Prêt garanti par l'État (PGE), pont aérien de cash, French Tech bridge, plan tourisme, plan TPE, plan commerce, mais aussi automobile et aérien... Bpifrance, la banque publique d'investissement, s'est retrouvée sur tous les fronts dès les premières semaines de confinement pour venir en aide aux entreprises et limiter au maximum les faillites. En coulisses, ses quelque 3.000 salariés (dont 98% étaient en télétravail) ont répondu à près de 100.000 appels pour accompagner à distance les entrepreneurs.

"Ce premier semestre porte la marque de la crise", a commenté d'emblée Nicolas Dufourcq, le directeur général de la banque, ce mardi 22 septembre, lors de la présentation détaillée du bilan d'activité des six premiers mois de l'année.

PGE : la France explose tous les compteurs

Dispositif phare du plan d'urgence déployé par le gouvernement, le PGE a largement mobilisé les équipes de Bpifrance, qui en opère la garantie. Au total, près de 550.000 entreprises ont bénéficié de la garantie de la banque publique au premier semestre pour un montant total de 94 milliards d'euros. Depuis le 30 juin dernier, 50.000 entreprises supplémentaires en ont bénéficié pour un total de 106 milliards d'euros. "Le rythme actuel est de 500 millions d'euros de demandes de PGE par semaine", précise Nicolas Dufourcq.

"La France a explosé tous les compteurs. Nous nous plaçons très au-dessus de l'Allemagne, de l'Espagne et de l'Italie. C'est en France que le système bancaire a le mieux fonctionné et le plus rapidement. Il faut se satisfaire de ça", a-t-il souligné.

Une large partie de ces PGE seraient des PGE "de confort", car énormément d'entreprises (au moins 60%) n'ont pas utilisé cet argent. "L'épargne des entreprises est montée aussi vite que leur endettement", indique Nicolas Dufourcq.

Côté financement, Bpifrance a, là encore, mis en place des outils inédits au service des entrepreneurs. Plus de 2,5 milliards d'euros de financement sous forme de produits "anti-crises", spécifiquement créés, ont été injectés. C'est l'équivalent, en moins de trois mois, du budget réalisé en une année classique, fait valoir la banque. Parmi ces produits "anti-crise", le Prêt Atout, proposé à un taux de 1,8% pour les PME et de 2,7% pour les ETI. 134 entreprises en ont bénéficié au premier semestre pour un montant total de 1,95 milliard d'euros. Bpifrance s'attend à ce que ce montant grimpe à 2,8 milliards d'euros d'ici la fin de l'année.

Partenariats en régions et prêts 100% en ligne

En partenariat avec la quasi totalité des régions (hormis la Corse et la région Aquitaine) la banque a mis en place un prêt à taux zéro, baptisé Prêt rebond. Plus de 2.700 entreprises en ont bénéficié pour un montant de 265 millions d'euros.

En parallèle, et pour répondre aux besoins spécifiques des régions Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes qui souhaitaient accorder des prêts de faible montant aux plus petites entreprises, Bpifrance a mis en place un parcours entièrement digitalisé pour industrialiser les démarches.

"3.600 entreprises se sont vues accorder des prêts 100% en ligne [pour un montant total de 144 millions d'euros, ndlr]. Parfois, entre 700 et 800 prêts étaient accordés dans la même journée", se félicite Nicolas Dufourcq, pour qui "Bpifrance est devenue une fintech dotée d'un réseau physique".

Ces plateformes de prêt en ligne ont été codéveloppées, en trois semaines seulement, avec la fintech Younited Credit, dont Bpifrance détient 15% du capital. La banque publique s'est aussi entourée d'une vingtaine de start-up pour mener à bien ce projet.

Soutien massif à l'innovation

Les aides et les prêts à l'innovation ont, eux, quasiment doublé pour atteindre 880 millions d'euros au premier semestre 2020, contre 450 millions d'euros à la même période l'année précédente. "Nous avons lâché les verrous", commente Nicolas Dufourcq.

En matière d'investissement, Bpifrance a, une nouvelle fois, fait part de son engagement en pleine crise. "Notre politique était : on ne s'arrêtera pas", insiste le banquier.

"Les comités d'investissement ont continué à se dérouler. La seule chose qui s'est arrêtée, ce sont les cessions car il n'y avait plus d'acheteurs".

Dans ses activités de fonds de fonds, Bpifrance a même parfois augmenté son emprise à 30%, contre 20% maximum habituellement, pour faciliter les levées. "L'année 2020 sera comparable à 2019. Nous mettrons un milliard d'euros dans les fonds français en 2020", a assuré Nicolas Dufourcq.

Même approche pour les investissements en direct dans les start-up. "Nous nous sommes portés au devant d'un certain nombre de start-up dont les levées de fonds étaient plantées", rapporte le banquier. 269 millions d'euros ont ainsi été investis au cours des six premiers mois de l'année, contre 170 millions à la même période en 2019, soit une hausse de 65%.

Des entreprises "gorgées de liquidités"

Les montants investis dans les grandes entreprises ont, eux, reculé (-9%), mais Bpifrance met en avant plusieurs investissements notoires, comme les 413 millions d'euros investis dans le spécialiste des paiements Worldline dans le cadre de sa fusion avec Ingenico. La banque publique a aussi investi dans Mecachrome, Technicolor ou encore dans les laboratoires Delbert pour la relocalisation de la production de médicaments en France, dans la société Lactis, basée à Saint-Etienne, qui produit des sacs à base de lactose ou encore dans le grenoblois Aledia spécialisé dans les microLED.

"Le marché du private equity est ralenti car [avec le PGE, ndlr] les entreprises sont gorgées de liquidités qu'elles n'ont pas touchées", estime le patron de Bpifrance.

Premier investissement du fonds Lac 1

Combien d'entre elles auront besoin de renforcer leurs fonds propres à l'avenir ? "On ne le sait pas, on ne connaît pas la taille de ce marché", admet Nicolas Dufourcq, alors que le gouvernement a débloqué une enveloppe de 3 milliards d'euros pour garantir des prêts participatifs (financement assimilé à des fonds propres) aux entreprises.

En parallèle, Bpifrance, qui a finalisé le premier closing de son fonds Lac 1 en pleine crise, devrait bientôt dévoiler son premier investissement. Ce nouveau fonds prévoit d'investir des tickets d'environ 500 millions d'euros dans des grandes multinationales françaises cotées, à un rythme de deux à trois opérations par an. Bpifrance affirme vouloir privilégier les grands groupes mettant en oeuvre une croissance durable.

Par ailleurs, grâce à une récente évolution de sa structure capitalistique (Bpifrance va fusionner sa holding de tête avec sa filiale de financement), la banque publique d'investissement pourra augmenter le capital de sa filiale de private equity et ainsi déployer plus de capital dans les entreprises.

Juliette Raynal

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