Lehman un an après - Un krach obligataire peut-il menacer la reprise de l'activité mondiale ?

Seule une reprise rapide et vigoureuse déstabiliserait le marché obligataire.

L'ombre du krach obligataire de 1994 plane à nouveau sur les marchés. À l'époque, jamais les conditions de crédit aux États-Unis n'avaient été aussi accommodantes. Elles le sont largement plus encore aujourd'hui, avec un taux directeur de la Réserve fédérale voisin de zéro, alors qu'en 1994 le point bas du cycle d'assouplissement monétaire s'était arrêté à 3 %. Mais il avait suffi qu'Alan Greenspan donne un premier tour de vis, que les marchés n'attendaient pas, pour provoquer une crise sans précédent des rendements à long terme, avec une remontée des taux à dix ans d'un plancher de 5 % à plus de 8 %. Même si l'on évoque aujourd'hui la mise en ?uvre prochaine de stratégies de sortie de crise, qui passeront forcément par un relèvement du loyer de l'argent, la donne a radicalement changé. Les banques centrales ont payé pour le savoir : on ne prend pas impunément les marchés à contre-pied, sans risquer un redoutable effet boomerang. Les gardiens de l'ordre financier ont appris à communiquer et à rendre leurs décisions transparentes en balisant désormais soigneusement le terrain.

Il n'empêche que l'impassibilité du marché obligataire aux frémissements de reprise est, aux yeux de nombre d'observateurs, une énigme. Le « conundrum » évoqué par Greenspan à la fin de son mandat est d'autant plus d'actualité que, depuis le début de l'été, les taux longs de part et d'autre de l'Atlantique ont recommencé à se détendre, en dépit du rebond des marchés boursiers, auxquels ils sont inversement corrélés, et d'un retour du goût du risque chez les investisseurs, traditionnellement défavorables aux actifs les plus sûrs et les plus liquides que sont les emprunts d'État. Depuis leurs pics de juin, le rendement des obligations américaines à dix ans a cédé plus de 60 points de base pour revenir de 4 % à 3,35 %, hier, et le mouvement a été analogue dans la zone euro. L'énigme se résout néanmoins à la lumière des événements du début d'année.

Anticipations
Le retour progressif à l'optimisme des banquiers centraux, après le plongeon dans la phase la plus aiguë de la récession, avait conduit les acteurs du marché obligataire à bâtir des scénarios de retour d'une inflation incontrôlable, leur ennemi désigné, dès lors que la reprise s'enracinerait. Ces anticipations avaient entraîné un quasi-doublement des rendements à dix ans au premier semestre, passés aux États-Unis de 2 % à 4 %, dans un mouvement qui s'était apparenté à un krach. Le krach tant redouté aurait donc déjà eu lieu, et la détente actuelle tient au revirement des anticipations. Le marché redoute désormais que la reprise ne fasse « pschitt » dès que seront consommés les remèdes de cheval, monétaires et budgétaires, qui ont été administrés aux économies en crise. Ou, à défaut, qu'elle ne soit suffisamment atypique pour ne pas déclencher de spirale inflationniste. Il a également repoussé sine die le timing auquel les banques centrales seront acculées à durcir les conditions de crédit. Il faudrait que ce dernier scénario soit pris à revers par une reprise solide, qui obligerait la Fed à relever ses taux vite et fort, pour que le marché obligataire soit à nouveau déstabilisé. L'hypothèse est peu vraisemblable.
 

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