Dans le cadre d'une expérimentation grandeur nature, AXA IM et Generali Investment ont souscrit à la première émission d'une obligation verte, pour 10 millions d'euros, sur la blockchain Ethereum, réalisée par Forge, filiale « crypto » de la Société Générale, et seul acteur en France à disposer d'un agrément PSAN (prestataire de services sur actifs numériques) auprès de l'Autorité des marchés financiers AMF).
Pour la startup interne du groupe bancaire, il s'agit d'une étape importante pour convaincre les banques et institutionnels de la fiabilité des actifs numériques, transposés au monde des green bonds. Créée en 2018 à l'issue d'un développement en interne à la Société Générale, Forge compte en effet se positionner sur divers services financiers décentralisés, notamment via son stablecoin EUR CoinVertible (EURCV), listé pour l'heure sur la plateforme d'achat-vente Bitstamp.
Les avantages d'une obligation verte sur la blockchain
Pour le gestionnaire filiale du groupe d'assurances, cette approche numérique est gage d'efficacité. « Le cycle de vie des obligations classiques est ponctué de nombreuses opérations manuelles », explique à La Tribune Laurence Arnold, Head of Innovation and Strategic Initiatives chez AXA IM. Or, poursuit la responsable, « parmi les promesses de la blockchain, il y a l'optimisation de la chaîne opérationnelle avec des règlements/livraisons de titres instantanés, des données décentralisées et distribuées qui ne nécessitent plus de réconciliation de bases. Des smart contracts peuvent également être utilisés pour automatiser le cycle de vie de ces obligations et ainsi gagner en efficacité ».
Autre avantage : une obligation verte tokenisée permet d'assurer la traçabilité des critères ESG. « Une des caractéristiques ESG (Environnement, social, et gouvernance, NDLR) particulièrement intéressante de cette obligation est la mise à disposition d'un rapport (accessible directement via le smart contract) détaillant l'empreinte carbone de l'utilisation d'une infrastructure blockchain pour l'émission du titre. (...) Nous sommes convaincus que la blockchain offre la possibilité d'améliorer l'écosystème existant : les propriétés telles que son immuabilité, immédiateté, programmabilité, traçabilité etc. permettraient de solutionner certaines des inefficacités tout au long de la chaîne opérationnelle », ajoute Laurence Arnold.
Autrement dit, avec le jeton numérique et la blockchain qui rendent chaque flux traçable, une obligation numérique se voit enrichie de diverses informations quant à sa provenance ou son efficacité ESG notamment.
Un stablecoin à la place du cash
Ensuite, l'autre innovation repose sur le fait que ces titres numériques ont été achetés à l'aide du stablecoin EURCV, ce jeton numérique adossé à une devise (l'euro), lancé par Forge en avril 2023. Ainsi, les deux gestionnaires ont d'abord acheté des stablecoins avant de souscrire à l'émission, pour environ 5 millions d'euros chacun.
« Les stablecoins sont à ce jour la seule solution pour représenter le cash « on chain », en attendant l'arrivée d'une Monnaie Numérique permettant de régler sur blockchain les transactions financières. Ces deux représentations du cash pourraient cohabiter à terme, et il est important pour un asset manager de pouvoir en comprendre les fonctionnements», détaille encore AXA IM.
Préparer l'arrivée des monnaies numériques de banques centrales
Forge-Société Générale veut confirmer son rang de « premier stablecoin bancaire émis au niveau mondial ». Alors qu'elle vise principalement les institutions, la société a fait un choix. Si l'écrasante majorité du marché des stablecoins est aujourd'hui dominé par le dollar, la filiale de la banque mise sur l'euro et ses réserves. Elle fait notamment le pari que, à l'aube du projet « euro numérique » développé par la Banque centrale européenne, les transactions numériques auront besoin de s'adosser à un stablecoin capable de s'interfacer avec les monnaies numériques de la BCE (de gros ou de détail).
« Avec EurCoinVertible, et avant l'arrivée d'une monnaie numérique de banque centrale, il s'agit de disposer d'un actif numérique « on chain », jouant le rôle d'un moyen de paiement pour les transactions sur des security token », avait expliqué Jean-Marc Stenger, directeur général de Forge à La Tribune.
La route de l'évangélisation des acteurs bancaires et de l'assurance sur ces nouveaux produits financiers et moyens de paiement instantanés, sera toutefois longue. D'autres acteurs des cryptos ou du paiement se positionnent, à l'instar de PayPal a lancé en août un stablecoin à parité avec le dollar, le PayPal USD, la première cryptomonnaie dite stable déployée par une grande entreprise spécialiste des paiements en ligne.
Sujets les + commentés