L'opération a mobilisé le plus ancien fonds souverain du monde, une banque américaine numéro deux mondial dans la conservation de titres et une banque africaine de développement. Lors de la COP 28, Abu Dhabi Investment Authority (Adia) a ainsi annoncé une opération de pension sur 100 millions de dollars d'obligations souveraines africaines avec l'African Export-Import Bank (Afreximbank) avec, pour tierce partie, Bank of New York Mellon pour assurer le paiement et la conservation du titre. Une première tranche de 50 millions d'obligations, portant sur un panel de 7 pays africains, a été clôturée.
Cette opération de pension livrée, aussi appelée « repo », permet de refinancer à court terme des titres généralement longs, généralement à dix ans. Elle est très banale sur les marchés financiers des pays du G7. Celle-ci est même devenu un rouage essentiel de la liquidité des obligations souveraines, et un gage indispensable à leur attractivité. Elle constitue, en revanche, une petite révolution pour les obligations africaines, émises en dollars sur le marché de l'euro-obligation.
Premium africain
La transaction a été imaginée, conçue et exécutée par un « conduit », Liquidity and Sustainability Facility (LSF), créé lors de la COP 27, sur une idée des Nations unies et de Pimpco, premier gestionnaire obligataire au monde. Son objectif : accroître la liquidité des obligations souveraines africaines et réduire ainsi ce fameux « premium » sur la dette africaine. De fait, il représente un surcoût, à notation de crédit égale, de l'ordre de 300 points de base. Ce n'est pas négligeable sur un encours de quelque 150 milliards de dollars de dettes souveraines africaines.
« Cette opération nous permet de démontrer aux investisseurs et aux institutions financières qu'ils peuvent trouver du refinancement sur leurs obligations souveraines africaines, dans les mêmes conditions que dans les pays du G7 », explique David Escoffier, directeur général de LSF.
La création de LSF part d'une conviction : une partie du « premium » africain, largement documenté par de nombreuses études empiriques, s'explique, aux côtés d'autres facteurs, comme la gouvernance ou l'instabilité politique, par une prime de liquidité due à l'absence de mécanisme de pension livrée. Les pays du G7 l'ont compris depuis très longtemps et les investisseurs dans la dette occidentale savent qu'ils ne sont pas obligés de vendre leurs titres pour trouver des liquidités.
Attirer une large base d'investisseurs
« Nous souhaitons réduire cette inégalité de traitement », avance David Escoffier, et « c'est pour cette raison que cette opération est très importante : nous sommes bien dans la démonstration que cela fonctionne ». Un premier test avait été en effet effectué l'an dernier, au moment du lancement de LSF sur 100 millions de dollars d'obligations avec Citibank.
« Une fois que les investisseurs vont changer leur façon de percevoir le risque sur cette classe d'actifs, que l'on peut désormais refinancer facilement et quotidiennement, cela va améliorer assez rapidement les anticipations, et donc le prix de la dette, mais aussi d'élargir la base d'investisseurs », espère David Escoffier.
LSF espère ainsi attirer le fonds de pension américain, mais aussi des investisseurs du monde entier, voire même des institutions internationales, comme le FMI, ou des banques centrales. Son ambition à terme ? Constituer un pool d'investisseurs très diversifié, pour atteindre une taille conséquente, de l'ordre de 30 milliards de dollars, et ainsi, être certain d'avoir un impact sur le prix de la dette africaine.
« Tout ceci n'aurait pas été possible il y a dix ans. Nous pourrions faire l'analogie avec la téléphonie : le continent africain a su diffuser la téléphonie mobile au plus grand nombre sans passer par le téléphone fixe », souligne le financier.
Sujets les + commentés