Il y a comme un parfum d'euphorie sur les marchés financiers en cette fin d'année. Le ton « dovish » (« accommodant »), adopté mercredi par le président de la Réserve fédérale (Fed), Jerome Powell, à la grande surprise des observateurs, qui tranche singulièrement avec ses propos de début décembre, a donné un nouveau coup fouet au rallye sur les marchés actions et obligataires qui se manifeste en réalité depuis près de huit semaines. Du coup, les propos prudents de Christine Lagarde, ce jeudi, ont cependant calmé le marché parisien. Même si certains exégètes pensent que la fin des réinvestissements du programme d'achat d'actifs PEPP de la BCE annonce également une baisse plus rapide des taux directeurs.
Un rallye qui se diffuse
A Paris, le CAC 40 a cassé en matinée le seuil des 7.600 points, avant de revenir vers les 5.575 points. De son côté, l'indice Stoxx 600 (600 premières capitalisations européennes) flirte avec ses plus hauts historiques. A Wall Street, les marchés sont également à la fête : le S&P 500 poursuit son mouvement haussier et se rapproche de son record de janvier 2022. Et, cette fois-ci, le rebond repose sur un large éventail de valeurs, notamment cycliques, et non plus uniquement sur les « 7 magnifiques » (Amazon, Alphabet, Tesla, Microsoft, Apple, Nvidia et Meta), qui ont gagné près de 70% cette année.
« Le rallye se diffuse à presque tous les secteurs », se réjouit un gérant. « La puissance de ce rallye depuis quinze jours est stupéfiante », s'étonne Alexandre Baradez, responsable de l'analyse marché chez IG France, qui n'a pas cela depuis au moins 2015. Mais qu'est-ce qui a donc changé en quelques semaines pour passer d'une forte aversion au risque au sentiment que tout est désormais bon à acheter, actions américaines comme européennes, obligations sécurisées ou à haut rendement, voire même de l'or ou du bitcoin ?
Le changement, c'est une baisse plus rapide que prévu de l'inflation, avec toujours une économie américaine résiliente, même si les indicateurs se dégradent également très vite. C'est d'ailleurs la justification donnée par Jerome Powell, toujours « data dependant » pour évoquer désormais clairement, pour la première fois, des baisses de taux en 2024. Une sorte de « pivot » dans le discours, à défaut encore d'un pivot effectif de politique monétaire, reçu cinq sur cinq par les marchés.
Les marchés anticipent de fortes baisses
Les projections des membres de la Fed, les fameux « dot plot », misent sur trois baisses de 25 points de base l'an prochain... alors que les marchés anticipent une baisse de 150 points de base à la fin 2024, aux Etats-Unis mais aussi en zone euro. Les anticipations sont encore trop « agressives » aux yeux des banquiers centraux, mais l'écart se resserre, comme si la Fed se ralliait aux vues du marché. ! « J'ai passé beaucoup de temps à dire que le marché était trop impatient dans ses anticipations de baisse des taux - et il l'a été tout le long de l'année - mais je pense qu'aujourd'hui, après avoir atteint le pic en juillet aux Etats-Unis et en septembre en zon euro, la descente des taux peut finalement intervenir relativement rapidement, en tout cas avant le second semestre », estime Gilles Moëc, chef économiste d'AXA et directeur de la recherche d'AXA IM.
Et c'est bien cette baisse des taux, beaucoup plus rapide que prévu, qui alimente la hausse des marchés actions et obligataires. En moins de deux mois, le taux de référence à dix ans américain et allemand a perdu 100 points de base, à moins de 4 % aux Etats-Unis et autour de 2 % en Allemagne. Certains investisseurs américains parient désormais pour un bon du Trésor à dix ans à 3% l'an prochain ! Et cette baisse des taux s'accompagne d'un scénario idéal de ralentissement « en douceur » de l'économie dans un environnement désinflationniste.
Consensus sur un scénario idéal
Un scénario en théorie impossible, tout resserrement monétaire s'étant traduit dans le passé par une récession plus ou moins forte. Et pourtant, ce discours résolument optimiste est aujourd'hui largement partagé. « La désinflation est une réalité et il y aura une baisse des taux. Pour les obligations, c'est plutôt positif. De plus, la croissance va rester résiliente. C'est bon pour le crédit et bon également pour les actions. En fait, on peut simplement tout acheter ! », résume Laurent Clavel, responsable multi-asset chez AXA IM.
« Les taux sont la variable clé. Dès l'instant on l'on sait où vont les taux d'intérêt, on peut deviner peu ou prou où iront les marchés », rappelle Mabrouk Chetouane, Directeur stratégies marchés chez Natixis IM, qui ajoute que « la Fed commencera à baisser ses taux dès le deuxième trimestre, et continuera à le faire à mesure que l'économie américaine continuera de ralentir ».
Pour Alexandre Baradez, « la Fed a une quasi obligation de réussir l'atterrissage en douceur de l'économie américaine après s'être trompée sur la nature de l'inflation ». Les élections présidentielles de novembre 2024 pourraient également inciter la banque centrale à lâcher du lest plus tôt que prévu.
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