Euronext, une réussite européenne

Nommé président du directoire de l’opérateur boursier en 2015, Stéphane Boujnah a construit un modèle multiculturel efficace, l’un des facteurs de sa réussite.
Marie-Pierre Gröndahl
Stéphane Boujnah au siège français de l’entreprise, à Paris-la Défense, en 2022.
Stéphane Boujnah au siège français de l’entreprise, à Paris-la Défense, en 2022. (Crédits : © LTD / Sébastien LEBAN/Divergence)

Et si le plus grand succès européen, outre Airbus, n'était autre qu'Euronext ? L'opérateur des marchés boursiers, qui vient de fêter les 10 ans de son introduction en Bourse, peut en tout cas célébrer une réussite éclatante après des débuts calamiteux. Architecte de ce parcours sans faute, son président du directoire, Stéphane Boujnah, a été reconduit l'an dernier pour un nouveau mandat de quatre ans. Ancien avocat d'affaires, puis banquier spécialiste des fusions-acquisitions, cofondateur de SOS Racisme et conseiller de Dominique Strauss-Kahn à Bercy entre 1997 et 1999, le patron d'Euronext a orchestré une montée en puissance d'autant plus impressionnante qu'elle était improbable.

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Modèle fédéral

« Le groupe était un nain à côté de la City londonienne, se souvient un spécialiste français des marchés. Très peu croyaient même en ses chances de survie. » Aujourd'hui, l'entreprise gère sept places boursières différentes (Paris, Amsterdam, Bruxelles, Lisbonne, Oslo, Dublin, Milan) grâce à des acquisitions successives, accueille 1 900 sociétés cotées et enregistre un volume d'échanges quotidiens de 10 milliards d'euros. Son bénéfice net a progressé de 17 % l'an dernier, à 513,6 millions d'euros. Elle-même cotée, sa capitalisation boursière a bondi de 340 % en dix ans, à 9,35 milliards d'euros. Avec 7 000 milliards d'euros de capitalisations combinées, Euronext représente aujourd'hui « le double de la place financière de Londres », souligne fièrement son dirigeant. Le déclin de la Bourse de Londres, dû aux conséquences du Brexit, a bien sûr aidé son concurrent, sans toutefois expliquer à lui seul ce changement de dimension. Le rachat de Borsa Italiana, en 2021, le dernier en date, a parachevé le changement d'envergure du groupe, qui emploie aujourd'hui 2 300 salariés.

Europhile convaincu, obsédé de son propre aveu par l'efficacité de la gestion et la simplicité de l'organisation, Stéphane Boujnah, qui aura 60 ans le 11 avril, a patiemment construit un modèle fédéral qui fonctionne. « Malgré une année 2023 un peu aride en matière d'introductions en Bourse, Euronext conserve une part de marché de 40 % », précise cet admirateur du modèle des démocraties libérales. Parmi les facteurs de réussite, le respect non feint de la culture de chacun : « Il n'y a pas de petits pays, que des grandes nations », aime à répéter le patron, qui s'est installé pendant un an à Amsterdam, où étaient alors scolarisés ses enfants, pour mieux comprendre le pays où se trouve le siège de l'entreprise.

Autre conviction, la jeunesse et la variété des équipes, dont les diplômes ne figurent pas dans les critères décisifs pour une possible embauche : « Savoir où ils sont allés à l'école ne m'intéresse pas. On regarde s'ils règlent des problèmes ou s'ils les complexifient », dit ce diplômé entre autres de Sciences-Po et de l'Insead, qui favorise des promotions rapides. « Nous sommes une société technologique qui applique les standards d'un groupe industriel, ajoute-t-il. J'ai souhaité créer la fierté de la performance. »

Mobilisation des investisseurs

À la veille de l'arrivée le 9 avril à l'Assemblée nationale du projet de loi sur l'attractivité financière de la France, qui vise à faciliter les introductions en Bourse et à permettre aux entreprises de se développer grâce à la mobilisation des capitaux des investisseurs français, européens et internationaux, Stéphane Boujnah salue cette initiative. Mais plaide pour que voie enfin le jour l'union des marchés de capitaux européens, essentielle à ses yeux en tant qu'outil stratégique de l'autonomie de l'UE face au financement des transitions écologique et numérique : « L'attractivité de Paris ne suffira pas au niveau mondial. Il nous faut rapidement une union des marchés de capitaux effective en Europe. Je suis confiant dans les avancées qui se feront à ce sujet dans les prochains mois. »

Vigilant à l'approche du scrutin européen du 9 juin, ce passionné d'histoire qui cite volontiers Thucydide (« Il faut choisir : se reposer ou rester libre »), le patron d'Euronext estime que la colère et la demande de protection des citoyens européens devront être entendues : « Le principal ennemi, c'est la résignation. »

Les marchés financiers décrochent

L'euphorie aura duré trois mois. Portés par les effets potentiels de l'IA sur la croissance mondiale et les performances supérieures aux attentes de l'économie américaine, les marchés boursiers ont connu leur meilleur premier trimestre depuis cinq ans. Selon l'indice MSCI, composé de 1 633 actions différentes et couvrant environ 85 % de la capitalisation boursière de chaque pays, la hausse globale des places financières s'est élevée à 7,7 % entre janvier et mars 2024. L'indice phare de la Bourse de New York, le S&P 500, a clôturé au plus haut à 22 reprises en trois mois. Cette envolée a gagné le reste du monde, notamment le Japon et l'Europe. En Espagne, en Allemagne, en France et au Royaume-Uni, les indices locaux ont battu le S&P 500 en mars. Brutal retournement cette semaine, marqué par le retrait des trois principaux indices de Wall Street, de -1,4 % pour le Nasdaq (valeurs de la tech) à -1,23 % pour le S&P le 4 avril. Même si les augmentations annuelles s'échelonnent entre 17 % (Dow Jones) et 34 % (Nasdaq), la tendance indique un net changement d'humeur. En cause, les tensions géo-politiques, en particulier au Moyen-Orient, qui provoquent une hausse des prix du pétrole. Et nourrissent des craintes sur une reprise de l'inflation, alors que les prix de l'essence ont grimpé de 15 % depuis le début de l'année. Si l'inflation continue de diminuer en Europe, au-delà des prévisions dans certains pays, dont la France, ce n'est pas le cas aux États-Unis, où les prix à la consommation - hors énergie et alimentation - ont augmenté de 2,8 % en un an. Soit bien au-delà de l'objectif de 2 % fixé par la Fed, la Banque centrale américaine, qui pourrait retarder la baisse très attendue de ses taux directeurs.

Marie-Pierre Gröndahl

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