Le nouveau projet européen des paiements (EPI) bute sur le financement

Le projet européen des paiements, annoncé en grande pompe en juillet 2020, accuse à nouveau un retard. La publication de la liste des actionnaires participants au projet, qui devait être annoncée ce jeudi, a finalement été reporté à fin janvier ou début février. Les banques espagnoles, pourtant présentes depuis l’origine du projet, n’ont toujours pas donné leur feu vert au financement du projet. Le projet vient d’avoir pourtant le renfort de la banque polonaise PKO et de la banque finlandaise OP Financial Group.
Les banques espagnoles s'interrogent toujours sur le coût du projet européen des paiements EPI.
Les banques espagnoles s'interrogent toujours sur le coût du projet européen des paiements EPI. (Crédits : Reuters)

Toujours pas de fumée blanche pour le projet européen des paiements EPI (European payments initiative) : alors que la liste des actionnaires de la société cible (target company), qui doit mettre en œuvre et financer le projet, devait être connue ce jeudi, et dont la création avait été actée le 26 novembre dernier, la société intérimaire (interim company) vient d'annoncer, dans un communiqué publié sur son site, qu'il faudra encore attendre « fin janvier/début février » pour connaître les participants effectifs au projet.

« Une majorité de ses actionnaires, banques et acquéreurs, de Belgique, d'Allemagne et de France, ont confirmé leur volonté d'aller de l'avant avec la création de l'EPI », précise le communiqué. En revanche, « d'autres actionnaires, tels que certaines banques espagnoles, donneront leur réponse en janvier ». En conséquence, « la liste définitive des banques et prestataires de paiements fondateurs de la Target company ne sera divulguée qu'à la fin janvier/début février ».

Pour mémoire, le projet EPI vise à créer un système paneuropéen de paiement instantané, reposant à la fois sur une carte et un portefeuille numérique (paiement mobile). Cette solution a vocation à devenir la nouvelle norme des paiements en Europe pour les consommateurs et les marchands, et ce pour type de transactions (en magasin, en ligne, retraits d'espèces, transfert P2P). Et de remplacer donc les systèmes existants dans chaque pays, comme CB Cartes Bancaires ou Paylib en France. Et c'est là que le bât blesse.

Résistances espagnoles

En effet, les banques espagnoles ont massivement investi des dernières années dans leur infrastructures de paiement, notamment pour développer leur service de paiement mobile Bizum, qui connaît un réel succès en Espagne, et demandent des assurances sur la pérennité d'au moins une partie de leurs investissements. D'autant que EPI est un projet ambitieux, avec de lourds investissements à la clé. Une augmentation de capital qui pourrait atteindre 1,5 milliard d'euros serait en effet demandée au départ aux actionnaires de la target company.

Pourtant, les banques espagnoles sont largement présentes depuis l'origine du projet. Elles figuraient en bonne place parmi les 16 banques européennes qui avaient annoncé le projet en juillet 2020. Les poids lourds comme Santander, BBVA ou Sabadell sont ainsi présentes, ainsi qu'un consortium de 12 petites banques espagnoles qui adhérent collectivement au projet.

Depuis, d'autres banques se sont jointes au projet, dont en début de mois, la banque polonaise PKO Bank et OP Financial Group, première banque de détail finlandaise. « L'admission de PKO Bank Polski et d'OP Financial Group ouvre la voie à l'accès d'EPI aux marchés polonais et finlandais. Il s'agit d'une étape importante pour EPI, car elle confirme l'intérêt de nouvelles communautés pour l'initiative », souligne l'interim company.

Fissures en Allemagne

En Allemagne, quelques hésitations se font également jour. Certes, les caisses d'épargne allemandes ont annoncé depuis longtemps qu'elles soutenaient le projet, comme les banques privées Deutsche Bank et Commerzbank (ce qui était loin d'être acquis pour cette dernière). Toutefois, DZ-Bank, qui représente les banques coopératives et mutualistes (Volks und Raiffeisenbanken), n'a toujours pas confirmé sa participation au projet. Toutefois, l'abandon récent de la solution de paiement allemande Maestro, qui sera mise sur la touche au cours des deux prochaines années, montre qu'il existe un besoin en Allemagne en matière de paiement.

Dans la dernière ligne droite, c'est bien la question du financement qui suscite les inquiétudes alors même que tous les coûts liés au projet ne sont pas encore connus. Le financement est d'autant plus un obstacle s'il avère que moins de banques que prévu participent au projet, ce qui augmenterait mécaniquement le coût pour les participants restants.

« C'est la première fois que les banques européennes se saisissent d'un projet de cette ampleur, c'est-à-dire, bâtir un système de paiement européen, avec le soutien des pouvoirs publics. Maintenant, les négociations arrivent au point critique du financement. Pourtant, la Commission européenne s'est engagée à ne pas toucher à la commission interchange pour permettre aux banques de financer le projet », avance un grand banquier français.

Pour l'heure, en France, on n'anticipe pas l'échec du projet. « L'enjeu est trop important. C'est une occasion unique de remplacer un système des paiements très éclaté par un portefeuille numérique accessible partout en Europe, à des prix compétitifs, et peut être de prendre des parts de marché aux grands "schemes" américains », plaide un banquier français.

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Commentaires 3
à écrit le 25/12/2021 à 4:51
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Quand les petites économies vont comprendre que leur souveraineté bancaire va être aspirée, cela porte à réflexion c'est sûr. C'est peut-être pour cela que les économies nationales soutiennent coûte que coûte les banques.

à écrit le 24/12/2021 à 20:17
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Ils n'ont pas envie d'injecter du pognon tout de suite, ça sera plus simple en 2022 lorsque seront programmés l'effondrement du dollar, la purge sociale mondiale (liquidation définitive débla classe moyenne), devant amener à la disparition du cash et...

à écrit le 24/12/2021 à 8:08
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Ah on se doute hein que ça doit être compliqué, c'est que c'est important ça le choix des actionnaires, le but de toutes leurs vies. Qui va palper ?

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