Crise énergétique : la coopérative normande Biocer est en sursis

Installée dans l’Eure, la coopérative agricole Biocer pourrait ne pas survivre à la hausse des coûts de l’énergie. Elle est loin d’être un cas isolé pour l’interprofession agricole et agro-alimentaire normande qui sonne le tocsin.
La plus grande coopérative bio du Nord de la France craint pour son avenir.
La plus grande coopérative bio du Nord de la France craint pour son avenir. (Crédits : Biocer)

S'éteindre à petit feu ou baisser pavillon immédiatement ? C'est le dilemme cornélien auquel est confrontée la coopérative normande Biocer après qu'Enercoop a dénoncé unilatéralement son contrat de fourniture d'électricité. Dans l'obligation de trouver un autre fournisseur d'ici le 15 octobre, Biocer, qui collecte et commercialise les céréales et les légumineuses de 280 agriculteurs bio du quart Nord-Ouest, devrait voir sa facture d'énergie multipliée par quatre ou cinq. « Au vu des offres qui nous sont proposées par EDF et d'autres, elle va passer de 250.000 euros par an à environ 1,2 million. Le problème est que ce million, nous ne l'avons pas », s'étrangle Frédéric Goy, son directeur.

L'intéressé a bien sollicité le fonds mis en place par le gouvernement mais le soutien de l'Etat ne devrait pas excéder 45.000 euros. Très en deça de ce qui est nécessaire pour passer l'orage. Quant à économiser l'énergie, les marges de manœuvre sont inexistantes à écouter Frédéric Goy. Les installations de Biocer, qui a beaucoup investi depuis 2019 encouragée par le boom de la bio, sont modernes et l'alimentation électrique peut difficilement être optimisée. « Le seul moyen de conserver le grain dans les silos de stockage est de le ventiler continuellement et pas seulement en heures creuses comme on me le suggère. A défaut, il est perdu », rappelle son dirigeant, amer.

« La corde pour se faire pendre »

Bien qu'un dépôt de bilan ne soit pas envisagé à ce stade, la coopérative (27 salariés - 16 millions d'euros de chiffre d'affaires pour 25.000 tonnes collectées) s'estime en sursis. Incapable de répercuter ce surcoût sur ses adhérents agriculteurs sauf à les mettre sur la paille, elle sait aussi qu'elle ne pourra pas augmenter les prix de vente de ses grains et de ses farines à la hauteur du besoin.

Une quadrature du cercle insoluble pour Frédéric Goy. « Le choix va être de signer un contrat pour gagner quelques semaines ou quelques mois mais ensuite, ce ne sera clairement plus absorbable », prévient-il. « Ils cherchent la corde pour se faire pendre », résume abruptement la sénatrice de l'Orne Nathalie Goulet qui cite le cas de Biocer en exemple pour réclamer un « quoi qu'il en coûte pour l'agriculture ».

« Un océan d'incertitudes »

Si la coopérative est parmi les rares entreprises à crier au feu publiquement, son cas est loin d'être isolé pour la Chambre d'agriculture de Normandie et l'Association régionale des entreprises agro-alimentaires (AREA). Lesquelles viennent de publier un communiqué alertant sur la menace que fait peser la flambée des cours de l'énergie sur les entreprises de leurs secteurs. « L'utilisation de gaz et d'électricité est indispensable à la production agricole et aux process de transformation et de conservation de matières vivantes et périssables », rappellent les signataires en préambule.

Pour Jean-Christophe Lagarde, président de l'AREA que La Tribune a interrogé, la « mission d'intérêt général » qui incombe à la filière commande la mise en place de « mesures d'urgence ». « Sans une intervention vigoureuse des pouvoirs publics, on peut craindre un effondrement de tout un secteur qui emploie plus de 100.000 personnes en Normandie et qui nourrit nos concitoyens », alerte t-il.

A l'image de Biocer, nombre de PME et de TPE risquent en effet d'être confrontées à un choix douloureux quand elles ne le sont pas déjà :  réduire voire stopper la production pour préserver leur trésorerie ou se résoudre à payer très cher leur énergie au risque de mettre leur entreprise en péril à moyen terme. « Les plus gros feront face mais beaucoup de petits entrepreneurs qui n'ont pas anticipé vont se trouver au pied du mur dès le début de 2023 », insiste Jean-Christophe Lagarde.

La situation est d'autant plus préoccupante que s'ajoutent à la crise énergétique, les difficultés de négociation avec la grande distribution, l'augmentation du prix des matières et la hausse du coût du transport que l'AREA évalue à + 10%. « Jamais nous n'avons navigué dans un tel océan d'incertitudes. Notre sentiment est qu'on oublie nos entreprises à trop vouloir préserver le pouvoir d'achat des ménages  », se désole son président. Le ministre de l'agriculture est prévenu : l'inquiétude grandit.

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Commentaires 3
à écrit le 05/10/2022 à 9:53
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Un peu facile de tout mettre sur le dos des prix de l’énergie. Il y a un problème de commercialisation pour le bio, et gageons que les rendements (et la qualité) de la récolte de cette année y sont aussi pour quelque chose.

à écrit le 05/10/2022 à 9:47
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Tant que notre UERSS restera le larbin des USA et ne condamnera pas ce pays pour le sabotage des gazoducs russes, ce sera la ruine qui vient. Remercions aussi les ecolos demagos qui nous y conduisent par leur fanatisme anti nucleaire

à écrit le 04/10/2022 à 21:49
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Soyons sérieux. Bruno Le Maire a dit que c'était peanuts la Russie. Il sait de quoi il cause le gazier ! Olivier Veran a dit que le pic était passer ( en Août ). Macron félicite donc les agriculteurs français pour ce " léger " sacrifice insouciant p...

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