La révolution des drones s'installe dans le ciel français... et dans les entreprises

Dans le sillage des industries de défense, le monde civil s'empare de ces engins volants télépilotés. En dix-huit mois, plus de 250 start-up ont vu le jour ! Initialement cantonnées à la prise de vue aérienne, ces jeunes entreprises s'ouvrent désormais à de nouveaux horizons industriels...
Redbird est mini-drone de moins de 25 kg en forme d’avion, dit « ailes volantes ». / DR
Redbird est mini-drone de moins de 25 kg en forme d’avion, dit « ailes volantes ». / DR (Crédits : DR)

Bienvenue dans l'ère des drones ! Dans le ciel du monde entier vrombissent des milliers d'avions et d'hélicoptères miniatures télépilotés depuis le sol grâce à un tableau de commande, ou guidés par GPS et configurés par un opérateur qui leur assigne des zones à survoler.

Ces mini-drones (moins de 25 kg) ou micro-drones (moins de 2 kg) captent d'époustouflantes images aériennes pour l'industrie du cinéma. Ils enregistrent aussi les déplacements techniques des sportifs dans certains clubs de foot (à l'instar du FC Grenoble qui filme ainsi ses entraînements), ou servent de faire-valoir à des artistes avant-gardistes comme Lady Gaga pour ses spectacles aux États-Unis. La célèbre chanteuse est en effet récemment montée sur scène vêtue d'une... robe volante reliée à six engins aériens !

 

>>> Voir aussi DIAPORAMA Les drôles de drones civils et militaires

 

Dans l'espace aérien américain dès 2015

Demain, de tels aéronefs livreront sans doute des marchandises à domicile, comme le promet l'australien Flirtey, qui cherche à propulser son pays au statut de leader mondial de la livraison aérienne dès 2014. Ou encore Amazon, qui souhaite lancer un service identique aux États-Unis dans le cadre de son service futuriste Amazon Prime Air. Parfois critiquée, l'ambition du géant de la distribution s'inscrit pourtant dans la continuité d'une décision du Congrès américain, qui vise à ouvrir aux drones, dès 2015, l'espace aérien américain, jusqu'à présent réservé aux avions.

Pour l'heure, ni l'Europe, ni la France n'affichent d'objectifs aussi ambitieux - alors que l'Hexagone est le premier pays au monde à s'être doté d'une réglementation en matière de drones avec l'arrêté ministériel du 11 avril 2012.

150 mètres maxi

Afin d'encadrer leur vol, le texte prévoit quatre scénarios selon que l'appareil est guidé en zone peuplée ou non, à vue ou hors vue du pilote, en mode de pilotage automatique ou manuel. En combinant ces facteurs, l'opérateur sait à quelle altitude il doit limiter l'engin (150 mètres maximum) et quel rayon d'action il peut couvrir. Fort attendue dans le secteur, l'apparition de la réglementation a été à l'origine de la naissance d'une quantité de start-up qui ont trouvé le cadre qui leur manquait pour démarrer leur activité.

« Aujourd'hui, près de 600 drones sont pilotés par plus de 350 entreprises référencées. Dont 250 ont vu le jour en 2013 », souligne Emmanuel de Maistre, président de la Fédération professionnelle du drone civil (FPDC) et cofondateur de RedBird France, une de ces jeunes pousses, basée à Paris, qui s'est spécialisée dans la capture de photographies aériennes.

« En France, 1.000 personnes environ travaillent dans ce secteur. Leurs marchés de prédilection sont les médias, la communication et le cinéma, essentiellement pour de la prise de vue. Cette activité représente 80% du marché des applications civiles du drone aujourd'hui. »

Un marché qui, malgré le manque d'estimations fiables, pèserait près de 2 milliards d'euros en France.

5.000 euros pour un drone d'entrée de gamme

Avec un ticket d'entrée particulièrement bas, certains segments, comme la prise de vue audiovisuelle, menacent d'emblée d'être saturés par de petits acteurs. Lesquels se résument parfois à des autoentreprises, voire à de simples quidams... sans assurance.

Toutefois, de nouveaux marchés de niche, à fort potentiel, sont en train d'émerger. À l'instar de la surveillance des feux de forêt. Une tendance lourde qui se généralise en plusieurs points du globe. Par exemple, des expérimentations ont lieu au Brésil, dans le cadre du programme Brazil Forest mené par la société SLB depuis 2008, au Chili (sur initiative du gouvernement), et également en France.

Dans les Landes, par exemple, le Sdis 40 (service départemental d'incendie et de secours des Landes) est équipé d'une escadrille d'aéronefs fournis par la société Fly-n-Sense, basée à Mérignac (Gironde), une des pionnières tricolores du drone civil depuis 2006.

Envoyés au-dessus des fronts de flamme, les aéronefs télépilotés offrent ainsi aux professionnels du feu un angle de vue plus large sur les incendies. De quoi aider à la prise de décision.

De multiples (potentielles) applications

Certaines s'annoncent particulièrement prometteuses. Comme la cartographie de terrain pour l'architecture, l'exploration minière, l'inspection d'ouvrages d'art (ponts, barrages, etc.) et de sites historiques, ou encore l'agriculture.

Dans tous les cas, les images deviennent des informations brutes qui font l'objet d'un traitement informatique lourd. Dans le cas d'une inspection d'ouvrages d'art, le drone collecte des dizaines de milliers de photographies afin de créer une cartographie complète de l'ouvrage en 3D.

« En viticulture, l'enjeu vise à calculer le rendement d'une parcelle en comptant le nombre de pieds de vigne ou à analyser chaque feuille de vigne afin de déceler d'éventuelles maladies, détaille Grégoire Tiberghien, cofondateur de Locadrone, une start-up basée à Bondues (Nord).

Pour se distinguer sur ce type d'applications, les opérateurs doivent non seulement soigner leur offre en termes de capture d'images, mais surtout développer des applications informatiques capables de générer des données à forte valeur ajoutée. »

Lorsqu'il s'agit d'inspecter des câbles électriques, des pylônes, des pipelines, ou encore des voies ferrées, la qualité de l'image est en effet primordiale.

« L'enjeu, c'est de détecter des minuscules fissures, comme une brèche de 2 mm sur un ouvrage de 800 mètres de haut », explique Nicolas Pollet, responsable de la mission drone à la SNCF infra, la branche du Groupe SNCF qui réalise, pour le compte de RFF (Réseau ferré de France), la gestion, l'exploitation et la maintenance du réseau ferroviaire.

« Afin d'augmenter la précision, l'idéal serait de multiplier les capteurs à bord du drone. Mais cela reviendrait à augmenter sa charge utile. Sur ce point, la réglementation nous bloque. »

Le casse-tête du poids

Pour parcourir des milliers de kilomètres lors de la même mission, il faut embarquer environ 20 kg de batteries. Or, seuls des micro-drones inférieurs à 2 kg ont aujourd'hui l'autorisation de parcourir de telles distances hors de la vue directe du télépilote (qui opère au sol) et hors zone peuplée.

Aujourd'hui, le secteur des drones est face à un paradoxe. D'un côté, la réglementation donne l'avantage en termes de distance de vol aux micro-drones et restreint le déplacement des plus gros appareils. D'un autre côté, les industriels se prennent à rêver d'engins de grande envergure, aussi robustes que des modèles militaires, dotés d'une grande autonomie et capables d'embarquer des dizaines de kilos de charge utile.

« Avant l'apparition de la réglementation, le but du jeu était clairement de reproduire, à bas coût, des drones MALE [moyenne altitude longue endurance - un terme militaire, ndlr] », assure Sarah Kirman, responsable des domaines d'activités stratégiques au sein du pôle Pégase, l'un des trois pôles de compétitivité français dédiés à l'industrie aéronautique et spatiale, situé à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).

Mais la direction générale de l'Armement (DGA) s'y est opposée en 2010. Du coup, une génération intermédiaire est en train de voir le jour.

« Nous sommes très peu de constructeurs sur ce créneau d'avenir », souligne discrètement Dominique Daniel, directeur général de Swat France, filiale installée dans le Vaucluse d'un constructeur suisse de drones civils dotés d'un poids total autorisé en vol de 150 kg, dont 60 kg de charge utile (par exemple 20 kg de caméras et 40 kg de carburant). « Nous visons une navigation entièrement automatique sur 1.000 km. Le drone stocke ses propres données. »

Très modulaire, l'architecture de ce prototype prévoit d'accueillir des combinaisons de capteurs aussi variées que ses futures missions.

Alléger la surveillance des sites sensibles

De son côté, la SNCF, qui travaille sur ce sujet avec EDF, a décidé de jouer un rôle de locomotive. Elle s'est alors rapprochée de la direction générale de l'Aviation civile (DGAC), qui coopère déjà étroitement avec l'ensemble des acteurs du drone civil à travers, notamment la FPDC. Un groupe de travail a été mis sur pied afin de mettre à jour la réglementation dans les six prochains mois. En attendant, certains opérateurs de grands réseaux d'infrastructures s'impatientent.

« Nous effectuons 600.000 km de surveillance par an, dont 350.000 par voie aérienne, précise Frédéric Guillou, chef de projet Innovation à la Direction technique chez GRTgaz qui détient et exploite le plus long réseau de transport de gaz naturel à haute pression d'Europe. Notre ambition, c'est de substituer des drones aux actuels avions et hélicoptères que nous utilisons. »

À la clé, c'est une facture qui, selon les experts, pourrait être divisée par quatre ou cinq.

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Commentaires 7
à écrit le 24/01/2014 à 8:27
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Tant que ça : 250 startups ! Autrement 250 types qui fabriquent des maquettes d'avions dans un garage ! Et le bricoleur qui peint chez son voisin et échange de quelques billets , c'est une startup ?

à écrit le 22/01/2014 à 12:07
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Excellent article !

à écrit le 16/01/2014 à 16:30
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On prône les drones, et les drones trônent, Ils tonnent et détronent les trônes.

à écrit le 16/01/2014 à 14:20
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Arrêtez de nous bassiner avec vos applications en viticulture ou pour prendre des photos. Très bientôt les drones surveilleront tous vos faits et gestes. L'Etat-drone c'est pour demain. Lisez plutôt " La Théorie du drone" de Grégoire Chamayou, ed. La...

le 16/01/2014 à 18:17
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Je vois bien aussi des débouchés pour mes amis d'al-qaida. Il faudra prévoir une batterie anti-drones à l'Elysée

le 24/09/2015 à 16:15
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A lire sur ce sujet : 2019 La révolution des drones aux éditions du Panthéon

à écrit le 16/01/2014 à 12:46
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Le FCG (comme son nom ne l'indique pas) est un club de rugby !

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