Dans le domaine de l'armement, l'Italie semble être le nouveau partenaire de jeu préféré de la France, qui - il est vrai - a pris claque sur claque de son partenaire allemand depuis plus plus de cinq ans. Après la méga-commande commune du missile Aster en début d'année, puis l'arrivée de l'Italie dans le programme de missiles franco-britanniques FMAN/FMC, Paris et Rome poursuivent leur coopération dans la défense. Ainsi, lors du salon aéronautique du Bourget, la France et l'Italie ont signé le 20 juin un protocole d'accord pour la rénovation à mi-vie (MLU) des quatre frégates Horizon des marines française (Forbin et Chevalier Paul) et italienne (Andrea Doria et Caio Duilio).
« Cet accord marque la continuité du programme de coopération lancé pour le développement des frégates Horizon livrées entre 2008 et 2010 », avait expliqué dans un tweet daté du 21 juin la Direction générale de l'armement (DGA). Un tweet qui suivait celui du ministre italien de la Défense Guido Crosetto, qui annonçait dès le 20 juin la signature de cet accord : « Au #ParisAirShow, le général #Portolano, SGD/DNA, et le général Carlier, @DGA français, ont signé la feuille de route capacitaire, concernant l'#approvisionnement et la #coopération, et le #MemorandumOfUndanding de la mise à niveau à mi-vie des unités navales de la classe Horizon ».
Dans le domaine naval, l'Italie et la France sont des partenaires majeurs, notamment au sein de Naviris, l'entreprise commune détenue à 50/50 par Fincantieri et Naval Group. Au-delà de partenariat relativement récent, deux des trois classes de frégates françaises ont été réalisées en coopération avec l'Italie (FREMM et FDA). Il s'exprime également sur les programmes de bâtiments ravitailleurs de force ou encore un certain nombre d'armement (torpille légère, missile Aster...)
Naviris, enfin une raison d'être
Ce programme de modernisation des FDA sera confiée à Naviris, l'entreprise commune détenue à 50/50 par Fincantieri et Naval Group, et à Eurosam, un consortium formé par MBDA et Thales. « Un contrat sera signé dans quelques semaines par Naviris, Eurosam et l'OCCAR, représentant l'Italie et la France », a expliqué Naviris dans son communiqué, très peu explicite. Avec le programme européen European Patrol Corvette (EPC), la modernisation des frégates Horizon est l'un des raisons d'être de Naviris, dont l'ambition a été revue à la baisse après l'arrivée de Pierre Eric Pommellet à la tête de Naval Group. Dans une interview accordée en mars 2021 à La Tribune, il avait été très clair sur le nouveau positionnement de Naviris :
« Avec Naviris, je suis vraiment à l'aise dans mes principes, dans l'envie de faire, avait-il expliqué. Concrètement, Fincantieri et Naval Group ont très vite positionné Naviris sur des « quick wins » (des gains rapides, ndlr). Nous avions la possibilité de mettre en œuvre deux « quick wins », qui permettaient de lancer Naviris pour faire vivre la coopération : la R&D et la modernisation des frégates Horizon (programme Mid-Life Upgrade), qui a fait l'objet d'un contrat d'études » (...) « Naviris est une société qui va permettre de projeter Naval Group et Fincantieri dans l'avenir à travers ce mécanisme de R&D en bénéficiant de l'abondement des États, et du Fonds européen de défense (FED)... Naviris est légitime à aller préparer le produit du futur et répondre à ce projet qui s'appelle EPC (European Patrol Corvette) ».
L'Italie impose son radar de conduite de tir
Après avoir signé le contrat d'étude de faisabilité de la modernisation des frégates Horizon en juin 2020, ce dossier a pourtant trainé en longueur en raison des divergences calendaires et d'ambitions entre les deux pays. L'urgence entre les deux pays n'était pas la même. Les Italiens souhaitaient lancer la modernisation de leurs frégates d'ici à 2025 tandis que la France voulait faire glisser ce programme vers la fin de cette décennie. Dans une réponse à une question sur le réarmement de la marine nationale de la députée RN Nathalie Da Conceicao Carvalho publiée le 27 juin, le ministère des Armées a annoncé que les deux FDA seront rénovées à compter de 2028. Résultat, les deux FDA devraient être livrées à échéance 2030, selon un amendement de Jean-Michel Jacques déposé dans le cadre de la loi de programmation militaire (2024-2030).
Des divergences entre les deux pays qu'avait clairement expliqué le chef d'état-major de la marine nationale, l'amiral Pierre Vandier, dans une interview accordée à La Tribune en juillet 2021 : « Nous ne sommes plus exactement sur le même tempo que les Italiens qui sont en train de prendre des voies différentes des nôtres. Ils veulent rénover plus tôt et à moindre frais leurs frégates pour passer directement à une nouvelle classe de bateaux dont la première tôle sera lancée en 2023 et qui sont des croiseurs anti-aériens de 10.000 tonnes ».
Autre divergence surmontée : la France, notamment Thales, souhaitait équiper les FDA françaises du tout nouveau radar Sea Fire en remplacement du radar italien de Leonardo (Empar). Ce ne sera pas le cas, les Italiens ont gagné la partie en imposant le nouveau radar de conduite de tir du système SAMP/T NG, le Kronos Grand Naval, utilisé comme radar principal pour le principal système de missiles anti-aériens (PAAMS). « L'équilibre des produits entre la France et l'Italie qui prévalait lors du lancement des FDA n'a pas été changé. Ce qui était italien reste italien, ce qui était français reste français, y compris pour les radar. Il n'y a pas de changement dans cet équilibre », explique-t-on à La Tribune. Le Sea Fire ? Trop cher pour seulement deux navires, précise-t-on. D'autant que la France et l'Italie aurait dû payer deux qualifications au lieu d'une. En revanche, Thales va moderniser le radar Smart-L (Smart-L MM) sur les quatre frégates.
Pourtant, c'est ce qu'a réussi à imposer l'Italie et Leonardo à la France sur le nouveau système sol-air SAMP/T NG. Les deux radars multifonctions jusqu'alors développés à travers des contrats nationaux, le GF 300 de Thales et le Kronos GM HP de Leonardo remplaceront le radar Arabel du groupe français.
FDA, des frégates de premier rang
Longues de 152,9 mètres, les frégates de défense aérienne (FDA), qui peuvent surveiller un vaste espace aérien, sont des bâtiments chargés de la lutte antiaérienne, de la conduite des opérations aériennes depuis la mer ainsi que de la défense antiaérienne d'unités navales peu ou pas défendues. A ce titre, ces navires de 7.000 tonnes constituent un élément incontournable de l'escorte d'un groupe aéronaval, dont le porte-avions Charles de Gaulle. En outre, elles peuvent contribuer à la défense aérienne interarmées sur les théâtres d'opérations extérieures ou dans les approches maritimes du territoire national.
Pouvant accueillir un hélicoptère et trois embarcations rapides, les FDA servis par un équipage de 195 marins, sont notamment armées de deux tubes lance-torpilles pour des torpilles MU 90, de huit missiles antinavire MM-40-Exocet B3 et d'un système surface-air antimissile PAAMS (missiles Aster 15 et Aster 30). La rénovation des FDA permettra d'intégrer les capacités de l'Aster 30 B1NT (Block 1 Nouvelle Technologie) pour adapter la protection du groupe aéronaval aux futures menaces. Soit une capacité antimissile balistique (capables de traiter des missiles balistique ayant une portée allant jusqu'à 1.500 km). À l'horizon 2035, la Marine disposera de quinze frégates de premier rang, dont deux FDA ainsi que huit FREMM (dont deux FREMM-DA, défense aérienne), et cinq frégates de défense et d'intervention (FDI).
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