Cela ressemble, en quelque sorte, aussi bien à un sprint qu'à un marathon... Après Galileo, système de positionnement par satellite, et Copernicus, celui de l'observation de la Terre, le nouveau programme spatial phare de l'Europe, IRIS² (acronyme pour Infrastructure for Resilience, Interconnectivity and Security by Satellite), qui vise à assurer les communications souveraines à travers une future constellation de satellites, décolle. Et il est soumis à un calendrier dynamique. Après avoir obtenu le feu vert du Parlement européen, en février, un appel d'offres a été lancé en mars pour mettre sur orbite ce projet, construit sur la base d'un partenariat public-privé, qui ambitionne une mise en service en 2024, avec une pleine capacité opérationnelle en 2027.
Une proposition « mature » attendue en août
« Nous poursuivons au même rythme effréné son implémentation en trois phases. Nous avons d'ores et déjà lancé et conclu la première phase en moins de deux mois », se félicite Ekaterini Kavvada, directrice du spatial et de l'innovation auprès de la Commission européenne. Une étape clé « pour nous assurer qu'IRIS² soit mis en place par l'écosystème industriel européen », précise-t-elle. La deuxième phase a été inaugurée « depuis le 30 mai ». Et elle sera suivie d'un nouveau défi.
« L'écosystème industriel, déjà présélectionné, sera en position de nous fournir d'ici le 7 août une première proposition qui sera examinée par la Commission européenne courant août, avant d'engager des dialogues en septembre, octobre et novembre », poursuit Ekaterini Kavvada. Ce n'est pas une note de synthèse qui est attendue, mais « une proposition solide du point de vue technique, financier, business et sécurité », ajoute-t-elle. Autrement dit, une proposition « mature », avant la troisième phase, prévue pour novembre ou décembre, avec en ligne de mire, la signature d'un contrat en février prochain.
Un consortium de géants spatiaux
De fait, la Commission européenne, après avoir rejeté quatre des cinq réponses dans le cadre du premier tour, aura à négocier avec un consortium formé par plusieurs géants de l'espace. Dirigé par Airbus Defence and Space, Eutelsat, Hispasat, SES et Thales Alenia Space, ce partenariat s'appuie également sur Deutsche Telekom, OHB, Orange, Hisdesat, Telespazio et Thales, dans l'ambition de construire une constellation de pointe, fondée sur une architecture multi-orbite interopérable avec le système terrestre. « Nous voulons contribuer fortement à IRIS² en tant qu'architecte de son infrastructure », déclare Hervé Derrey, PDG de Thales Alenia Space. Le fabricant de satellites franco-italien mise, pour ce faire, sur son expérience dans la construction des constellations Globalstar, O3b et IridiumNext, de même que sur son expertise dans les satellites radar et optique, sans oublier celle qu'il a accumulée dans la cybersécurité, entre autres.
IRIS² représente « une opportunité pour lancer une constellation qui peut fournir des services, notamment pour des applications à faible temps de latence et des applications à haute sécurité », estime pour sa part Antonio Abad, directeur technique de Hispasat, opérateur de satellites géostationnaires, qui se positionne également sur les services de connectivité. Écho similaire de la part du fournisseur de services de télécommunications SES. « Lorsqu'on crée une architecture multi-orbitale, on construit une architecture globale qui offre un potentiel pour les entreprises comme les nôtres d'investir dans l'infrastructure partagée et être capable de fournir nos services », abonde Ruy Pinto, PDG désigné de SES. « Nous voyons IRIS² comme une initiative de long terme », ajoute-t-il.
Une place pour les startup
Le consortium encourage également les startups, les PME ainsi que les ETI à rejoindre le partenariat. C'est d'ailleurs aussi le souhait de la Commission européenne, puisqu'au moins 30 % du montant total du projet, qui représente 6 milliards d'euros sur 12 ans, devrait être sous-traité. Ekaterini Kavvada a ainsi un message pour les PME. « Le train est toujours à la gare. Il y a une deuxième phase et nous avons demandé aux soumissionnaires présélectionnés d'y aller avec une approche d'appels d'offres compétitifs », assure-t-elle.
« Nous sommes en attente active. Nous ne faisons pas partie du consortium principal, mais nous sommes bien connus de ses membres », indique pour sa part Jonathan Galic, président et cofondateur de Unseenlabs, fabricant rennais de nanosatellites qui avait notamment participé en amont aux réflexions de la Commission dans le cadre d'un groupe de petites entreprises. « Nous attendons des exigences concrètes - que faire et dans quelles conditions », précise-t-il. La directrice du spatial et de l'innovation auprès de la Commission européenne ne transige pas sur la question. « La participation des PME dans le cadre d'IRIS² n'est pas une simple exigence pour la Commission européenne, c'est une politique et une vision stratégique, un changement de paradigme dans la manière de faire des affaires en Europe », conclut-elle.
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