Après une période glaciale à la fin des années 2010 à la suite de la décision surprenante de Stockholm de choisir le système américain Patriot au dépens de celui du SAMP/T pourtant beaucoup moins cher, les relations bilatérales entre la Suède et la France sont actuellement qualifiées par l'Élysée « d'excellentes » dans le domaine de la défense. Certains évoquent même un alignement des astres entre les deux pays. « On sent bien qu'il y a une complémentarité et une même vision, une vision convergente de la France et de la Suède sur les aspects de défense », explique-t-on à l'Élysée. Ainsi, dans le cadre de la visite d'Emmanuel Macron mardi et mercredi en Suède - la première d'un chef d'État français depuis 2014 -, le président de la République et le Premier ministre suédois, Ulf Kristersson vont signer un nouveau partenariat stratégique (défense, innovation) entre la France et la Suède. Cette visite d'État doit « confirmer la place de la France comme partenaire de confiance de la Suède, notamment sur les sujets de défense et de sécurité », souligne-t-on à l'Élysée.
A cet égard, le président de la République s'exprimera mardi après-midi sur les enjeux de défense devant des jeunes officiers suédois de l'Académie militaire de Karlberg, avec des représentants des forces armées et des membres de la communauté de défense. D'autant que la Suède, jusqu'ici non alignée mais extrêmement proche de Washington, devrait très prochainement intégrer l'OTAN. Elle a officialisé en mai 2022 sa demande d'adhésion à l'Alliance atlantique. « C'est bien aussi pour pouvoir prendre en compte cette dimension, à la fois les enjeux européens de renforcement de la base de défense européenne, mais aussi les enjeux liés à l'adhésion, à la réalisation de l'adhésion de la Suède à l'OTAN », explique-t-on à l'Élysée.
Défense : vers de nouvelles coopérations ?
Pour la France, la Suède est un partenaire « extrêmement actif dans le cadre de
l'Europe de la défense et qui a la volonté de continuer à s'impliquer dans le renforcement de l'Europe de la défense », estime-t-on à Paris. A condition toutefois de ne pas gêner sa relation prioritaire avec les Etats-Unis et aussi les intérêts américains comme on l'a constaté en 2018 avec l'achat du Patriot. « C'est un pays qui a la même vision de la souveraineté que la France, la souveraineté signifiant la volonté de développer des capacités sur un spectre très large, que ce soit des capacités opérationnelles et industrielles », analyse-t-on à l'Élysée. A travers notamment Saab, qui satisfait à 75% la commande nationale, la Suède développe effectivement un large spectre de capacités nationales comme l'avion de combat Gripen, l'avion de surveillance GlobalEye, les sous-marins (A26 Blekinge) ou des systèmes de combat terrestre (lance-roquettes AT4 non réutilisable, missiles NLAW...)
Dans le domaine de la défense, les deux ministres de la Défense Pal Jonson et Sébastien Lecornu devraient signer une déclaration d'intention sur d'éventuels coopérations ou achats de la Suède et de la France, respectivement des systèmes de défense anti-aérien (missiles de défense aérienne) pour l'armée suédoise mais aussi de surveillance aérienne (le nouveau Saab GlobalEye) en vue de remplacer les quatre AWAC de l'armée de l'air française. Par ailleurs, le missilier européen MBDA et le groupe de défense suédois Saab (Terre, Air, Mer) vont signer prochainement dans le cadre de la coopération antichar un contrat sur le développement de nouvelles capacités du missile Akeron.
En dépit des fortes tensions sur l'hélicoptère de transport NH90 (NHIndustries, détenu à 62,5% par Airbus Helicopters) dont la Suède ne voulait plus encore récemment, la relation en matière d'armement semble aujourd'hui être dans une bonne dynamique, estime-t-on à l'Élysée. La France est cliente de certains équipements suédois, dont notamment les radars Giraffe et les lance-roquettes AT4 produits par Saab ou le BvS-108 produit par BAE Systems AB (ex-Hägglunds), un véhicule blindé chenillé tout-terrain amphibie. De son côté, la Suède, qui conçoit l'avion de combat Gripen concurrent du Rafale, se procure plusieurs équipements militaires français (NH90, Akeron...). De nombreuses entreprises françaises participent également à la fabrication à l'avion de surveillance GlobalEye.
En outre, plusieurs projets ont été menés en commun entre la France et la Suède dans le cadre de coopérations européennes : démonstrateur nEUROn (drone UCAV), missile air-air Meteor, munitions Bonus (Nexter et Saab)... En avril 2023, un accord-cadre a été signé entre MBDA et Saab pour le développement commun du système de missile moyenne portée de 5ème génération Akeron MP. Enfin, dans le cadre du Fonds Européen de Défense (FED), Saab participe entre autres à douze projets dans lesquels sont présentes des entreprises françaises.
Des coopérations plus modestes dans le spatial
Dans le domaine spatial, les coopérations entre Paris et Stockholm sont plus modestes même si la France est le partenaire le plus ancien de la Suède. C'est un des États membres fondateurs et principaux contributeurs, avec l'Allemagne et la Suisse, du projet mis en place fin 1971 afin de coordonner et de financer le lancement de fusées-sondes et de ballons stratosphériques à partir de la base d'Esrange, située au nord du cercle arctique. Le CNES et l'Agence spatiale suédoise (SNSA) ont signé un accord-cadre en 2006, renouvelé et étendu en mai 2019, incluant notamment la collaboration entre le Centre spatial guyanais et le site d'Esrange.
L'accord-cadre signé le 22 février 2023 à Kiruna par le CNES et la SNSA prolonge et renforce la coopération bilatérale. Par ailleurs, les deux agences œuvreront conjointement en faveur de la compétitivité à long terme des lanceurs européens avec un intérêt particulier pour les sujets relatifs à la propulsion et au réutilisable.
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