Pour le Typhoon, c'est « nein » ! Et c'est la douche froide à Londres et à Ryad : Berlin refuse d'exporter l'avion de combat Typhoon fabriqué par le consortium Eurofighter (BAE Systems, Airbus et Leonardo) à l'Arabie Saoudite. Sous les pressions fortes du vice-chancelier et ministre de l'Économie et du Climat, Robert Habeck, et de la ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, le chancelier allemand Olaf Scholz a dû se résoudre à confirmer à Vilnius lors du deuxième jour du sommet de l'OTAN ce qui était attendu depuis plusieurs jours depuis les Verts allemands et le SPD ont annoncé s'opposer à une vente du Typhoon à Ryad. Selon Reuters, l'Allemagne, qui produit un tiers des équipements et des composants de l'avion de combat, ne va pas trancher sur une telle vente au cours de cette législature, qui se termine en 2025.
Pas d'exportation avant la fin de la guerre au Yémen
« Il n'y aura pas de décision prochainement sur la livraison d'avions Eurofighter à l'Arabie saoudite », a précisé mercredi Olaf Scholz à des journalistes présents au sommet de l'OTAN en Lituanie. Plus tôt mercredi, le journal allemand SZ avait cité un document interne du gouvernement disant que « les demandes de licences d'exportation pour l'Arabie saoudite seront reportées jusqu'à la fin de la guerre au Yémen ». Cette décision est prise en contradiction avec la promesse d'Olaf Scholz d'exporter à nouveau des armes à l'Arabie saoudite lors de son voyage à Ryad en septembre 2022. Le volume des licences allemandes portant sur le Typhoon était déjà de toute façon très réduit (883.550 euros pour le 1er semestre 2023 et 44,2 millions en 2022) et ne concernait que les ventes indirectes (via d'autres pays européens).
Le chancelier applique très clairement le contrat de coalition, qui unit le SPD, les Verts et le Parti libéral FPD, sur les exportations d'armes vers des régimes autoritaires et/ou en guerre. L'Arabie saoudite dirige une coalition qui combat les Houthis qui sont des affidés de l'Iran au Yémen depuis 2015. L'Allemagne avait interrompu les ventes d'armes à l'Arabie saoudite après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à l'intérieur du consulat saoudien à Istanbul en 2018.
Arabie Saoudite : de 48 à 70 appareils en négociation
Cette décision de Berlin va aussi très fortement irriter la Grande-Bretagne, qui négocie depuis plusieurs mois la vente de 48 à 70 Typhoon supplémentaires à Ryad. Depuis le rapprochement de l'Arabie saoudite et de l'Iran au début de cette année, la Grande-Bretagne fait valoir à l'Allemagne qu'elle ne peut plus bloquer l'exportation de Typhoon à des pays tiers. Et ce d'autant que le consortium Eurofighter nourrit de grandes ambitions sur les ventes futures du Typhoon. Le 19 juin, le PDG d'Eurofighter GmbH Giancarlo Mezzanatto a estimé le potentiel de ventes entre « 150 et 200 appareils au cours des deux prochaines années ».
Selon lui, « il existe de réelles opportunités de commandes supplémentaires en Allemagne et Espagne et sur le marché de l'exportation ». Sur l'export, précisait-il, « nous avons de bonnes opportunités d'élargir clients et d'augmenter la taille de la flotte Eurofighter de nos clients actuels du clients actuels du Moyen-Orient ».
Depuis le début du programme, le consortium Eurofighter a vendu 681 Typhoon, dont 151 à l'export (72 pour l'Arabie Saoudite, 28 pour le Koweït, 24 pour le Qatar, 15 pour l'Autriche et 12 pour Oman). A la mi-juillet, il a livré 581 appareils, dont 117 à l'export. BAE Systems avait conclu en mars 2018 un protocole d'accord (Memorandum Of Intent) avec Ryad pour équiper la force aérienne saoudienne (RSAF) de 48 Typhoon (44 monoplaces et 4 biplaces) en vue de remplacer ses vieux Panavia Tornado. Des appareils qui devraient en principe être assemblés en partie en Arabie Saoudite dans le cadre de la politique IKIP (In-Kingdom Industrial Programme).
Un mauvais signal pour le SCAF mais...
Cette décision est un très mauvais signal pour les futures exportations du programme européen SCAF (Système de combat aérien pour le futur), qui réunit l'Allemagne, la France et l'Espagne, dans les pays du Proche et Moyen-Orient. D'autant que Berlin doit adopter à l'automne une loi sur l'exportation, un projet qui inquiète tous les pays européens partenaires de l'Allemagne. En revanche, Dassault Aviation, qui sonde régulièrement Ryad, pourrait y voir une opportunité supplémentaire de supplanter avec le Rafale le Typhoon en Arabie Saoudite. D'autant que les Saoudiens auraient fait passer quelques messages très clairs aux Français : ils souhaiteraient des avions de combat « itar free » et « german free ».
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