En pleine accélération, Airbus reste vigilant face aux tensions sur sa supply chain

Après un record absolu de commandes en 2023, Airbus doit considérablement augmenter ses cadences de livraisons d'avions d'ici 2026 et embarquer dans son sillage son imposante supply chain. Le défi s'avère déjà colossal. Il demande non seulement des dizaines de milliers de recrutements, mais aussi une montée en compétences adéquate pour maintenir la qualité de production des avions et éviter le cauchemar traversé actuellement par son principal rival, Boeing.
(Photo d'illustration).
(Photo d'illustration). (Crédits : Rémi Benoit)

Il y a tout juste un an, Guillaume Faury ne cachait pas sa frustration. Le constructeur européen n'avait pu livrer que 661 avions au cours de l'année 2022, sur un objectif de 720 appareils. La faute aux difficultés majeures rencontrées par la supply chain après la crise sanitaire, pour suivre l'importante remontée des cadences fixée par Airbus.

Un an plus tard, le géant aéronautique, qui a réalisé un record absolu dans le transport aérien de plus de 2.000 commandes nettes en 2023, savoure également d'avoir réussi à livrer 735 appareils (dont 247 avions uniquement sur le seul dernier trimestre). Après cette hausse de 11% des livraisons sur un an, Airbus va encore pousser le curseur : il vise désormais 800 appareils en 2024 et prévoit de poursuivre son effort au moins jusqu'en 2026 pour atteindre des niveaux de production inédits.

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« Le groupe ne perçoit pas de perturbations supplémentaires dans l'économie mondiale en matière de trafic aérien ou de supply chain pouvant affecter nos capacités de livraisons en 2024 », a souligné Guillaume Faury.

Après avoir diminué la production de 40% durant la crise sanitaire, Airbus est donc engagé dans une montée en cadence colossale, notamment sur le programme A320, avec une cible de 75 avions par mois en 2026. De quoi soutenir l'envol de l'A321 NEO, le nouveau best-seller de l'avionneur européen, qui monopolise les deux tiers des commandes de monocouloirs. Le constructeur a d'ailleurs ouvert en 2023 une nouvelle ligne d'assemblage capable de fabriquer l'A321NEO à Toulouse, et a demarré la construction d'une autre à Tianjin en Chine. Il a aussi agrandi son Delivery Center dans la Ville rose pour accélérer les livraisons avec l'ouverture à l'automne d'un nouveau bâtiment, le Terminal D.

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Airbus suit de près les risques de blocage

« Il est évident que nous faisons face à plus de risques et de difficultés avec la supply chain sur le programme A320, en raison du volume d'avions à livrer. Plus de 3.000 fournisseurs travaillent sur ce programme, ces derniers pouvant connaître des hauts et des bas », a indiqué Guillaume Faury.

Si la cible est haute pour l'A320, le patron d'Airbus fait remarquer que « l'A350 et l'A220 sont les deux programmes qui vont connaître la plus forte accélération de cadence dans les années à venir » d'ici 2026, en passant de quatre à dix avions par mois pour l'appareil long-courrier et de quatre à quatorze par mois pour le moyen-courrier.

Interrogé sur le risque de blocages au sein de la sous-traitance, Guillaume Faury a estimé que « la supply chain est un monde fait de goulots d'étranglement à résoudre » et qu'il existe « autant de cas de figure que de fournisseurs suivant le type d'activité, la position géographique et la faculté à commander des pièces ».

Le dirigeant suit notamment de très près les difficultés rencontrées sur les moteurs et au niveau des équipements. L'avionneur n'a, malgré tout, pas toujours des relations directes avec ces entreprises en difficulté, qui sont bien souvent des sous-traitants de rang 3 ou 4 d'Airbus. Mais le groupe sensibilise ses fournisseurs directs de manière « à ne pas créer des points de blocage supplémentaires dans la chaîne d'approvisionnement ».

Un rythme de recrutements plus faible

Pour faire décoller la production, la filière aéronautique prévoit entre 20.000 et 25.000 recrutements en France en 2024 d'après le Gifas, dont environ 45 % par les grands donneurs d'ordres (Airbus, Dassault Aviation, Safran et Thales), quasiment autant par les équipementiers (hors motoristes), et le reste par les PME.

Pour sa part, Airbus avait annoncé début 2023 un plan de 13.000 recrutements à travers le monde, dont 7.000 créations nettes. Mais au final, le groupe a embauché au-delà de ses prévisions pour atteindre 13.000 créations nettes l'an passé.

 « Pour 2024, nous devrions recruter la moitié de ce que nous avons fait l'année dernière d'après des estimations prudentes », a précisé Guillaume Faury.

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Au-delà des cohortes de salariés à la production, Airbus a aussi augmenté de 150% la taille de son département en charge du management de la supply chain sur les deux dernières années, afin de débloquer les goulots d'étranglement avec la sous-traitance.

Maintenir la qualité de production

D'ailleurs pour le patron d'Airbus, il ne s'agit pas tant d'embaucher que d'assurer une montée en compétences adéquate des nouveaux collaborateurs. Et ainsi, de maintenir la qualité de production des avions :

« Il ne suffit pas d'apprendre le job, il faut aussi enseigner la manière dont nous faisons du business au sein d'Airbus, mais aussi notre culture d'entreprise. »

Raison pour laquelle, il y a un an, Airbus a inauguré à Toulouse son centre de promotion de la sécurité aérienne. Les salariés de l'avionneur européen peuvent y découvrir l'histoire des améliorations techniques et réglementaires instaurées par la filière aéronautique en réponse aux crashs aériens. Cet espace, destiné à faire perdurer la culture de la sécurité aérienne en interne, est en passe d'être décliné à proximité de ses principaux sites de production notamment à Hambourg en Allemagne et à Mirabel au Canada.

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Alors que les difficultés rencontrées par son principal rival Boeing sont dans tous les esprits (le rapport d'enquête préliminaire de l'Agence de sécurité des transports (NTSB) a notamment révélé qu'il manquait les boulons censés bloquer la porte du 737 MAX qui s'est détachée en plein vol), Guillaume Faury martèle que « la quantité d'avions à livrer ne peut pas être réalisée au détriment de la qualité, car le rôle d'Airbus est de délivrer un mode de transport sûr ».

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